Cap’Éco N° 4 « L’enquête » : Égalité professionnelle : où sont les femmes ?
La mixité au travail est une réalité. Mais parité et égalité entre hommes et femmes continuent de faire débat. État des lieux.
Elles sont ouvrières ou cadres, demandeurs d’emploi avec ou sans diplômes. Toutes ont en commun fait avancer la société par la mixité au travail, souvent au prix de luttes personnelles ou sociales en révolutionnant un paysage historiquement dévolu aux hommes il n’y a encore pas si longtemps.
Première femme amiral, commissaire de police ou ministre, elles ont patiemment effacé des barrières gardées par les hommes pour banaliser la réussite individuelle asexuée. Victoire d’un combat pour les uns ou unes, reconnaissance parfaitement normale pour les autres, cette mixité fait réalité. Mais elle continue de se dérober devant l’éducation, dans ce que les observateurs interrogés dans cette enquête appellent l’étude du genre. Les hommes et les femmes continueraient en fait leur parcours professionnel dans l’inégalité ! Observons un peu l’effet entonnoir, du haut vers le bas. Le leadership féminin n’est pourtant pas différent, d’abord, de sa version masculine. Car les femmes au pouvoir tracent un long chemin vers sa banalisation.
Une étude de Strategy & montre un certain optimisme même si la gouvernance des femmes n’est pas encore acquise, notamment dans le domaine privé. « Certains secteurs comme l’industrie des matériaux de construction sont majoritairement dominés par la gente masculine, la femme y a encore du chemin à parcourir. ». Grand témoin de Cap’Éco du mois d’avril, Agnès Bricard, présidente d’honneur du Conseil national des experts-comptables, monte au créneau : « Le constat aujourd’hui, c’est que les femmes dirigeantes sont encore des exceptions. Elles sont perçues comme des sur-femmes. Elles sont parties d’un handicap lourd qui rend la chose incroyable. Une généralisation ne se fait pas naturellement. Les plafonds de verre (NDLR : qui désignent le fait que, dans une structure hiérarchique, les niveaux supérieurs ne sont pas accessibles à certaines catégories de personnes) sont encore bien présents dans le privé. Il faut d’abord contraindre les entreprises pour ensuite les convaincre » Même discours pour Claude Greff, député (e) d’Indre-et-Loire et ancien (ne) ministre de la famille : « le phénomène est hélas très prégnant » regrette-t-elle…
La parentalité
comme curseur d’égalité
Une convention régionale (2013-2018) pour l’égalité H-F signée avec l’Éducation nationale s’est déclinée sur les obligations nationales votées par le Parlement. On y évoque « la claque aux clichés » et, d’après le texte que « cette égalité entre les sexes nécessite un apprentissage dès le plus jeune âge, au quotidien, dans la famille, à l’école, dans les activités de loisirs et la lecture des albums jeunesse tient une place de choix dans son développement ». Pour les entreprises, les obligations sont claires : déposer des accords d’égalité hommes-femmes. « Une action prioritaire depuis deux ans », insiste Martine Bellemère-Baste, directrice de la Direccte, (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). En Indre-et-Loire, les 29 entreprises de plus de 1.000 salariés s’y sont pliées, comme 400 des 1.287 de plus de 50 salariés. « Une entreprise nous a répondu qu’elle ne se sentait pas concernée par la loi car elle n’employait pas de femmes » commente amèrement Martine Bellemère-Baste qui détient deux mises en demeure…
Déléguée départementale des Droits des femmes et de l’égalité, Nadine Lorin (Réseau Égalité 37) veille au grain. « L’égalité est un facteur de performance. De plus en plus d’entreprises se montrent volontaristes dans ce sens. Mais les problématiques sont les suivantes : plus on monte dans la hiérarchie, plus c’est difficile pour les femmes. Et l’on va pénaliser les femmes qui portent des enfants. Le congé parental concerne maintenant les hommes. C’est tant mieux. Mais il y a encore une vraie inconscience de l’inégalité des sexes dans l’entreprise ! »
Contre-pied chez ST Microelectronics où, comme à la SNCF, la femme est au cœur de réseaux (marrainages de salariées auprès de jeunes filles de collèges et lycées) et partenaire d’une crèche interentreprises (plusieurs dizaines en Indre-et-Loire) dont Claude Greff fut la ministre instigatrice. Pour celle-ci, « il faut aller plus loin que ce système mutualisé de garde d’enfants. C’est un enjeu politique ! ». Et de trancher sur la place de la femme dans l’entreprise : « Ce n’est pas une question de sexe, mais de charisme ! ». La place, de genre féminin…