Jean-Pierre Freudenreich, l’ambassadeur de l’artisanat
L’HOMME DU MOIS
Deuxième directeur général depuis 1945, “ JPF ” aura profondément marqué la Chambre des métiers. Confidences d’un homme au franc-parler.
« On ne s’appuie bien que sur ce qui résiste ! ». Cette citation de Jean Royer résume ce qui a mené Jean-Pierre Freudenreich tout au long de son parcours professionnel. Le solide directeur général des services de la Chambre des métiers et de l’artisanat s’est accroché ferme à la barre du navire CMA pour le conduire vers la modernisation.
Après deux ans dans le Bâtiment puis un passage de 4 années chez Sécurité Signalisation, il découvre l’institution consulaire avec l’idée d’y rester 5 ans. Des opportunités de missions et de nécessaires restructurations vont le propulser à l’avant du train « CMA », pour un bail qui devrait s’achever au printemps 2015. Quand il arrive à la Chambre en 1976, le siège ne compte qu’une douzaine de salariés et une trentaine au centre de formation des apprentis.
Que de chemin parcouru depuis. « Nous sommes aujourd’hui 230 collaborateurs. » Deuxième directeur général depuis 1945, Jean-Pierre Freudenreich aura modernisé la chambre consulaire pierre par pierre et s’est intéressé à l’informatisation de sa collectivité, imitée dans la foulée par 75 chambres dans l’hexagone : « quand je suis arrivé, il n’y avait pas un ordinateur. Aujourd’hui, nous en avons 600… ».
Ses collaborateurs lui reconnaissent et saluent sa puissance de travail. Au terme de « locomotive », Jean-Pierre Freudenreich préfère plus modestement celui « d’homme de l’ombre » qui aura connu quatre présidents successifs depuis presque quarante ans : Jacques Goguet, Jean-Denis Mercier, Jean-Vincent Boussiquet et Gérard Bobier.
“ Les chambres consulaires sont devenues des mammouths ”
Ces personnalités ont forcément façonné son discours et sa vision de l’artisanat. La réciproque est vraie. « JPF » ne manie pas la langue de bois. Et porte un regard sans concession sur l’avenir des chambres de Métiers : « Les consulaires sont devenues des mammouths, dit-il en fustigeant les énarques des cabinets ministériels. On nous considère en effet comme un élément du passé, une espèce en voie de disparition Je note aussi qu’une certaine forme de société du silence et de l’anonymat s’installe. Dans le même temps, on oriente les gens par des « clics ». Tout cela n’est que du virtuel et ne ressemble pas aux réalités. À l’origine, il y a la rupture entre l’école et l’entreprise. Les familles se découragent. Elles ne préparent plus les métiers… Je trouve qu’il faut un nécessaire équilibre… ».
A l’heure où il est toujours question de réforme territoriale et de voir la mutualisation des chambres des métiers s’exercer à l’échelle régionale, Jean-Pierre Freudenreich ne mâche pas ses mots. « Nous sommes des outils de proximité pour développer l’apprentissage, dresser un répertoire des métiers, rendre service aux artisans, rappeler la loi et détecter les anomalies. Ce n’est pas forcément l’État qui est responsable mais plutôt les cabinets qui nous regardent de très loin et ne comprennent pas le travail de terrain que nous nous efforçons de conduire, jour après jour. Pendant trente ans, on a fait de la stratégie en sachant y poser les bons jalons, comme la formation continue des apprentis… ». Le CICE ? « Une goutte d’eau – 500 euros de baisse des charges – que l’artisan ne connaîtra que l’année d’après… ».
Et l’homme se reconnaît sans détour dans une vision libérale du rôle des CMA : « Puisque les dotations diminuent, je ne suis pas opposé à une offre de services et de marketing payant. On y arrivera certainement un jour »
Coups de gueule mais aussi de vrais coups de cœur sous la carapace : « J’aime les gens, les rencontres, le relationnel » confie celui qui fut aussi tenté par la politique. L’heure de la retraite approche mais on ressent chez lui l’envie de continuer de travailler.
Inusable « JPF » !