Ce Tourangeau qui fait décoller Airbus
Pascal Verneau fait partie de l’équipage qui vient de certifier le dernier fleuron de la gamme, l’A350.
Pascal Verneau, pilote d’essais chez Airbus : « Au simulateur, on a mitonné le plat cuisiné. À bord, on assaisonne, c’est la touche finale ».
Le décrochage en vol, Pascal Verneau connaît. Ca fait partie des délicates figures imposées et maîtrisées auxquelles se livrent les équipages d’essais en vol de tout nouvel avion avant sa certification. Pourtant, c’est par un décrochage scolaire qu’il aurait pu passer, au terme des premières années d’une scolarité banale. Il a les yeux collés au ciel et aux cocardes des zincs militaires qui survolent la campagne tourangelle. L’avion est pour lui le signe de la liberté. Il sera le catalyseur d’une dévorante passion.
Il décroche un CAP de mécanicien cellule hydraulique et est affecté à l’entretien des Mirage IV porteurs de l’arme atomique. Six années d’une veille de 12 heures par jour, à bichonner les pur-sang de la force de dissuasion. Il a des rêves de grande envergure et consacre ses soirs et ses week-ends aux cours du CNAM pour les assouvir.
“ Le 380, c’est mon bébé ”
Le voilà parti pour 17 années d’une boulimie de formations en parallèle de sa carrière militaire, décrochant diplôme d’ingénieur et qualifications sur tout ce qui vole, avions ou hélicoptères, d’Avord à Nouméa, de Cazaux à Brétigny. Il force sa chance, accumule des milliers d’heures de vol et acquiert une expérience unique comme navigant d’essai mais aussi comme pilote sur plus de 90 types de machines différentes.
Airbus le recrute en 1999 pour intégrer l’équipe des essais en vol. Le rêve ! De telles équipes se comptent sur les doigts d’une seule main dans le monde. Le géant d’Airbus, l’A380, n’est encore qu’un avion virtuel. Pascal fait ses gammes sur l’élégant quadriréacteur A340-600, volontaire pour les essais les plus spécifiques. Un ancien de l’équipe lui prédit ; « tu auras un proto pour toi ». De fait, s’il ne participe pas au premier vol de l’A380, il se voit confier le second prototype avec lequel il assure le développement du domaine de vol, fixant les limites opérationnelles par temps chaud et froid. On sent chez lui, une affection toute particulière pour cet avion, « son bébé » à bord duquel il détient le record avec 3.500 heures de vol. Il a le trigramme de son nom (VNO pour Verneau) sur la trappe du train d’atterrissage.
Au sein d’un équipage d’essai, il est le troisième homme, assis en arrière entre les deux pilotes. De l’avion, il connaît les moindres coquetteries. « Tel voyant s’allume, je dois dire immédiatement si c’est une fausse alarme, si on peut continuer l’exercice, avec ou sans restriction. En vol, je ne dois jamais être surpris, ni découvrir des choses » Pas si simple lorsque l’équipage pousse la machine ultra-sophistiquée dans des situations qu’elle ne rencontrera jamais en exploitation, afin de cerner ses limites de vol. Intarissable sur son métier, il poursuit ; « je suis un généraliste, en cas de doute, je vois le spécialiste de tel ou tel organe ». « Son bébé », il sent sa respiration et l’écoute beaucoup, au point d’enlever parfois son casque et d’arpenter la carlingue pour guetter les bruits aérodynamiques.
La consécration arrive lorsqu’il se voit confier le dernier rejeton de la famille Airbus en qualité de « Project Manager ». Il avoue un immense bonheur de relever ce nouveau challenge et une légitime fierté qu’il modère immédiatement. « Les essais en vol, on est une goutte d’eau. Il y a tous ceux qui ont planché avant et ceux innombrables qui voleront à bord ». Il fait partie des 5 membres d’équipage du premier vol (juin 2013) et vient de faire certifier l’avion dans les temps, au prix de 1.050 heures de vol en 14 mois.
Pascal Verneau sait certainement déjà quel sera son prochain challenge. Peut-être de souffler un peu pour venir retrouver sa famille en Touraine et se régaler avec un saint-nicolas de Bourgueil. Cet épicurien use aussi de la métaphore culinaire pour définir son métier. « Au simulateur, on a mitonné le plat cuisiné. À bord, on assaisonne, c’est la touche finale » En toute modestie…