Résidences : paroles d’artistes
La création d’une œuvre dans l’entreprise favorise l’échange et modifie le rapport aux travail. Témoignages.
Pour un artiste, être accueilli dans une entreprise constitue d’abord la promesse d’une rencontre entre deux univers et la certitude d’une coproduction, d’une inspiration aussi.
Éric Levieux et Marie Thouin en ont fait l’expérience au Crédit Agricole. Pour le premier, « mes boites à lumière renfermant des photographies d’arbres se sont imposés tout naturellement. L’arbre est symbole de croissance et de progression planté dans le sol. Ses branches s’étendent vers le ciel : image de la prospérité et de la vitalité… ». Et pour la seconde : « De ma rencontre avec le Crédit Agricole est apparu le souhait de créer des pièces qui mettent en relation l’agriculture à travers l’histoire de ma famille et cette banque. En m’intéressant de plus près à son histoire, il m’a paru indispensable de mettre en avant ce lien… ».
Additionner art et chiffres et faire que la somme des éléments, « en passant par pertes et profits » soit égale ou supérieure au projet esthétique, poétique et philosophique : telle fut la démarche d’Yveline Bouquard chez Strego, tout en intégrant les collaborateurs de ce cabinet tourangeau d’expertise comptable.
L’idée d’individualisme est effacée
Le plasticien Florent Lamouroux a trouvé son élément chez Plastivaloire à Langeais (lire aussi l’interview de son P-DG Patrick Findeling). Dans le cadre de sa résidence, l’artiste a tenté d’établir en 2012 « un dialogue entre la production d’entreprise et la production artistique » à travers trois œuvres distinctes mais aux directions complémentaires. Elles ont abordé tour à tour la question du matériau à travers sa fonction et sa nature, sa plasticité et son mode de production. Florent Lamouroux a inséré son travail dans celui de la production de l’usine de Langeais, pour créer des produits finis décalés : ses toiles bleues d’ouvrier ont à chaque fois fabriqué un modèle unique.
Forclum, Actiforces, Estivin, Graphival, Géodis, RCP Design Global, Pôle Santé Léonard de Vinci, la Société d’Équipement de la Touraine, les Laboratoires Chemineau, Savebag ont ainsi ouvert les portes de leurs ateliers ou de leurs bureaux pour offrir aux artistes et à leurs personnels des créations originales. Certaines conservent toujours les œuvres dans leur hall d’accueil. Une façon de communiquer avec leurs clients visiteurs que l’idée même d’individualisme est effacée !
TÉMOIGNAGES
“ La résidence en entreprise, c’est moi ! ”
C’est Marie-Claude Valentin qui lance, la première, l’idée d’insuffler de l’art dans l’entreprise, sous la forme des résidences d’artistes. C’était en 2007, avec à l’époque, l’appui d’un ministre tourangeau de la Culture, un certain Renaud Donnedieu de Vabre. Mais la présidente hyperactive de l’association « Mode d’emploi » de Tours tient à rendre à César ce qui appartient à César, à contre-pied : « Ce n’est pas seulement au chef d’entreprise de décider qui va venir créer in situ, mais c’est aussi au comité d’entreprise… ». Depuis tout ce temps, chacun commente l’initiative avec son petit mot. « Les gens me disent que l’on arrive à parler d’autre chose que boulot quand on prend un café autour d’une œuvre. Cela vaut dire que l’artiste présent par son travail arrive à décloisonner les choses. L’artiste revêt alors ici le manteau de la créativité de l’homme qu’il a devant lui. Chacun va se réattribuer la matière et c’est tant mieux. Illustration chez Plastivaloire à Langeais… Notre association travaille aussi avec les Galeries Lafayette à Paris… ».
L’association « Mode d’emploi » ne demande qu’à être connue et reconnue.car elle repose sur de vraies valeurs : « faire passer l’humain, du salarié à l’œuvre et son artiste, comme un vecteur de cohésion sociale ! ».
Artiste partenaire de l’économie
Laurence Dréano s’est fait un nom depuis dix ans en Touraine et bien au-delà de nos frontières. Ses sculptures en résine ont commencé à circuler à Tours avant de séduire l’étranger. La petite « Botero » de Fondettes, célèbre pour les formes rondes de ses œuvres, est devenue grande. Elle s’est d’abord fait connaître dans les galeries locales – passage obligé – avant de séduire aujourd’hui la France entière, le Liban, l’Allemagne, l’Italie et la Suisse. Elle s’exportera à Porto l’an prochain avec une délégation de la Ville de Tours. C’était sans compter des entreprises qui la repèrent très vite : la clinique Vinci de Chambray voulait une œuvre « rassurante » dans le hall de la maternité et fait appel à elle. C’était en 2008. S’ensuit le Mac Do de Joué sous l’impulsion de son grand patron, Bernard Simmenauer, passionné d’art contemporain. Elle réalise une œuvre de 5 m de hauteur, soudant deux personnages presque aériens. Art Street sur un parking. Le pari est osé mais réussi ! Joué fait de la femme un vrai sujet et Mac Do, une véritable oriflamme. « C’est gratifiant d’avoir des entreprises à ses côtés, confesse l’artiste. Je me sens dans leur monde puisque je travaille avec elles. Une œuvre valorise leur image. C’est assumé des deux côtés ! »