Le grand déballage d’André Roor
De ses racines juives russes et auvergnates, André Roor a puisé force et (sacré) caractère. Son grand-père fabriquait des outils. Et son père en a inventé. « J’aurai pu faire quincaillier sédentaire mais j’ai toujours eu la bougeotte » s’amuse-t-il. Et c’est à Bléré que tout a commencé.

Le fondateur de l’enseigne Outiror, qui vit à Bléré, raconte son irrésistible réussite professionnelle, de la criée à internet.
André Roor a lancé le premier camion magasin et le concept du catalogue pour être encore plus proche de ses clients.
(Photo NR).
Son sens de la proximité – il tutoie tout le monde – mais aussi sa gouaille font très vite de lui un personnage incontournable des marchés dans les années soixante. En 1965, à Lorient, il se retrouve non loin d’un marchand de vaisselle qui lui suggère le futur nom de son enseigne : « Son stand s’appelait Vaissel’Or. Pourquoi ne t’appellerais-tu pas Outil’Or, me souffle-t-il. Puisque je porte le nom de Roor, ce sera Outiror ! Et voilà ! L’aventure dure depuis 50 ans… ».
André Roor parcourt la France entière, avale 120.000 km par an, s’en va démarcher des fournisseurs en Europe. De l’est à l’ouest : « Un jour, je vois des types qui vendaient des maillots de bain sous des parapluies, à Saint-Guénolé, en Bretagne. La marchandise partait comme des petits pains. Je ne comprenais pas pourquoi ils avaient autant de succès. C’est alors que l’un d’eux m’a révélé qu’il avait passé une publicité annonçant leur passage, dans le journal local. Ca m’a donné des idées. J’ai à mon tour fait publier des encarts dans la presse régionale et ça a marché du tonnerre… ».
1968 et ses cortèges de manifestants. André Roor s’offre une partie de football sur le périphérique parisien alors bloqué, à l’ombre de son camion de 19 tonnes. C’est aussi l’année où il décide de faire grossir sa flotte et faire décoller son commerce : « On était trois par camion, ce qui n’était pas de trop pour charger et décharger. Les outils, ce ne sont pas des cacahuètes… ».
Attaché à ses racines auvergnates
L’entrepôt devient trop petit. « Je voulais acheter l’ancien abattoir pour y monter un dépôt. Mais ça ne s’est pas fait… ». André Roor décide d’imprimer des catalogues après s’être fait berner par des clients qui livraient ensuite des comités d’entreprise avec ce type de support. Il s’adresse à Jean Pigot, imprimeur à Loches qui viendra s’installer à Bléré non loin de chez lui. Les premiers semi-remorques arrivent à la fin des années soixante-dix. « Les camions étaient rouges. Ils avaient un petit côté pompier. On a ensuite changé la couleur, gris bleu ensuite et, quand mes enfants m’ont succédé, en jaune et bleu… ».
Sans doute faut-il y voir un clin d’œil à l’Auvergne. Ces deux couleurs sont aussi celles de la manufacture Michelin. André Roor, qui a fondé l’Académie du Tripoux en Indre-et-Loire, se souvient d’une anecdote sur le marché de Salers qu’il arpentait incognito avec René Bouissou. L’ancien conseiller général de Joué-lès-Tours discutait avec un marchand de chapeaux et lui demande s’il n’a pas besoin d’aide en désignant son ami camelot de l’outillage, sans le nommer. Réponse du commerçant : « Je n’en verrai qu’un pour m’aider, c’est Dédé… ». Voilà comment se fait une réputation déjà largement acquise…
Outiror continuera de se développer jusqu’à ce que l’enseigne connaisse un coup de mou il y a quelques années, après le départ de son fondateur. André Roor y va de son explication : « Nous distribuions jusqu’à sept millions de catalogues par la Poste lorsqu’ un grand penseur de Bruxelles nous l’interdise, préférant une société privée. On a essuyé les plâtres pendant deux ans car les catalogues étaient expédiés après le passage de nos camions… ».
Leader de la vente de proximité, Outiror est aujourd’hui cédé à la société Trucks & Stores et vient de célébrer son demi-siècle en même temps qu’André Roor soufflait ses 77 bougies. Le grand déballage peut continuer, comme une cerise sur les gâteaux de leurs anniversaires !
VIDEO. Tours : Outiror a 50 ans par lanouvellerepublique