DOSSIER : Une filière bois en dents de scie…
Si la ressource est bien là, son exploitation et sa transformation sont sources de brûlots dans l’interprofession. Regards sur la couleur de la fumée…
C’est d’abord un « flash-back », un retour en arrière qui traduit une crise ou une mésentente : la vente de bois de l’Office national des forêts était attendue de pied ferme, le mois dernier, à Lamotte-Beuvron, en Loir-et-Cher. 72.000 m3 de bois, dont 32.000 m3 de chênes – d’une valeur de 6 millions d’euros selon l’ONF – étaient proposés au catalogue. Mais, à l’ouverture du marché, une dizaine d’exploitants forestiers constitués en Collectif de protection de la filière bois créé la veille, ont fait irruption sur l’estrade pour protester contre la nouvelle réglementation européenne qui impose désormais une première transformation du bois de chêne sur le sol européen. « Nous sommes contre ce label qui interdit l’accès des exploitants forestiers au chêne », a martelé son président, David Caillouel, au vu de ce qu’il estime « mettre en péril nos entreprises et la filière bois ».
La fracture entre scieurs et exploitants forestiers était perceptible. Dans la première catégorie, Jean-François Gaudelas, exploitant d’une scierie du Blésois, pointait l’incohérence de la situation actuelle : « Aujourd’hui, on a du bois de France qui part pour la Chine et qui revient ici, transformé et vendu en France, comme meubles et parquet, essentiellement. Avec des effets à la clé, insiste-t-il : En 2008, il y avait 1.000 scieries, en 2015 il en reste 400. »
Malaise ensuite chez les professionnels du secteur réparti en trois branches. Là, le bois d’œuvre, ensuite le bois « industrie » puis le bois « énergie ». On le vérifie aussi chez les exploitants forestiers, avec des mises en garde que l’association inter-professionnelle ArboCentre dénonce sous ce qui pourrait apparaître comme un slogan : « il y a trop de bois non entretenus, donc trop de friches, de morcellement, donc trop de parcelles inexploitables ! » C’est exactement ce que nous disent les professionnels interrogés dans ce dossier, même si les filières tourangelles et Loir-et-Chériennes ont de la ressource en surfaces de forêts.
Blanc ou noir ?
Cela écrit, voici un autre malus supplémentaire : la mobilisation du bois s’avère compliquée dans le département : desserte insuffisante, concurrence de la chasse, cours du bois faible, travail au black qui dévalorisent les exploitants de la filière énergie, un manque de communication entre ces derniers…
Cette économie s’avère pourtant intéressante à plus d’un titre dans notre département, en Touraine et pour la région Centre Val-de-Loire. A condition de suivre quelques recommandations des représentants de la profession : remédier au morcellement forestier commenté par ailleurs dans nos différents reportages, concilier leurs différents usages (production, loisirs, chasse), rentabiliser les surfaces (regroupement des propriétaires pour les opérations de gestion et de coupe). Le Lor-et-Cher et l’Indre-et-Loire sont premiers de leur classe dans la matière « bois ». Il serait dommage que la démobilisation des acteurs enfume la filière dans sa restructuration des parcelles ou d’un manque de solidarité interprofessionnelle.