Dirigeant : la solitude du coureur de fond
La prise de décision est un exercice complexe, quelles que soient les situations. Quand solitude et partage amènent leur part de solutions…
La prise de décision est devenue un sujet quotidien et médiatique quand elle fait débat en politique. C’est pourtant elle qui fait avancer la société, du moins qui l’empêche de l’immobiliser et de la faire reculer. C’est du pareil au même dans l’économie. De ses nombreuses définitions, c’est ici se déterminer à entreprendre. Avancer. Se projeter. Pourtant, que d’obstacles, que de peurs parfois.
Le résultat de cette enquête démontre d’emblée une première vérité : qui entend prendre une décision cruciale se doit de trancher en équipe, pourvu que celle-ci soit stable. À nuancer quand même. Ce dirigeant de TPE (quatre salariés), se confie sous couvert de l’anonymat : « Les décisions financières, c’est moi qui les prends. Mais j’en discute avec ma conjointe, à la maison, pas avec mes gars. Les choix techniques, c’est mieux d’échanger avec l’équipe. En fait, on se sent seul quand on prend un gros revers, qu’un client ne vous paye pas ou que les commandes ne viennent plus. Là, on se retourne et il n’y a personne… ».
» C’est l’absence de projection qui impacte la non prise de décision… »
Pour sortir le chef d’entreprise de sa pseudo-solitude, les réseaux se sont multipliés. Ils répondent à une demande, à des besoins de communiquer et de croiser des parcours dont il est bon de s’inspirer. La nouvelle génération l’a compris un peu différemment et jure de ne jamais se plier à l’isolement en ouvrant à gogo… des espaces de coworking.
Décider, c’est prendre des risques. Et dans ce domaine, la démarche n’engage pas le confrère rencontré dans un cercle mais bien une équipe. Il n’y a que dans la Royale pour dire qu’il n’y a qu’un seul capitaine… après Dieu. Pour les entreprises, le risque est partagé de la timonerie (direction) à l’équipage.
Grand témoin de cette enquête et invité du réseau Carnet Pro du groupe La Nouvelle République ce 19 janvier 2016 à Tours, l’explorateur et aventurier Nicolas Vanier vient dire ses quatre vérités sur le sujet. Ses défis sont incroyables et forcent l’admiration : traversée de la Sibérie, Rocheuses de l’Alaska, Mongolie, Arctique : à pied, à cheval, en canoë, radeau et bien évidemment traîneau. Mais est-il seul ? Non. Quatre-vingts personnes tournent derrière lui. Par contre, il est quelqu’un qui sait s’entourer et se préparer. « Il faut bien choisir ses équipiers » vient-il dire devant les entrepreneurs tourangeaux. Et à l’instar du dirigeant de la TPE interviewé plus haut, il se garde pour lui la responsabilité des choix supérieurs puisque son nom est à lui seul une entreprise. À bon entendeur…
Quand le doute subsiste encore…
La prise de décision s’apprend pour beaucoup sur les bancs de l’école, à l’IAE de Tours par exemple où les étudiants, entre deux parties de business game, contribuent à nourrir les réflexions des décideurs sur des projets concrets. Sans doute y verront-ils les prémices d’un instinct professionnel que Claude Paris, président départemental du Medef et codirigeant de Géoplus, estime indispensable, voire incontournable, dans une carrière.
Dans le groupe Hervé, le mode de décision se veut participatif. Penser le bon pour les autres n’est jamais bon. Un schéma directeur descend de la plus haute hiérarchie. Mais les décisions qui seront prises le seront par petits groupes. Si elles sont bonnes, elles se verront aux résultats. Elles ont au moins le mérite d’êtres discutées, partagées et validée avant de remonter. Cela crée beaucoup de cohésion au sein des équipes.
Alors, dans ce kaléidoscope de situations et de bonnes gouvernances, subsiste parfois encore le doute. Ai-je pris la bonne décision ? Le regard d’une équipe est-il important pour moi ? Que me faut-il encore pour avancer ? Aussitôt dit, aussitôt fait. Les réponses fusent de toute part. Soit comme force de contre-propositions émanant généralement des syndicats. Soit comme des conseils ou leçons publiés dans les magazines. « Certains dirigeants, a-t-on pu lire sur papier glacé, n’osent plus prendre de décision, comme tétanisés par le contexte économique difficile alors même que parfois leur société se porte bien. Ils ne manquent pourtant ni de compétences techniques, ni de capacités financières pour développer leur activité, mais » simplement » de force pour prendre un risque… ». S’ensuivent les incontournables « Yakafocon » ou les « Tunorépadu » qui plombent le moral des intéressés le lundi matin, à l’heure du laitier…
Éric Hilario (ProPulse Tours) se veut rassurant : « C’est l’absence de projection qui impacte la non prise de décision… Le contraire, c’est avancer… ». Pour un dirigeant moins seul et plus accompagné !