“ Les médiocres ont pris le pouvoir… ”
Le philosophe québécois Alain Deneault pense que le système encourage l’ascension des acteurs moyennement compétents au détriment des autres.
« Le mot Médiocrité est en français le substantif désignant ce qui est moyen, tout comme « supériorité » et « infériorité » font état de ce qui est supérieur et inférieur. Il n’y a pas de « moyenneté ». Mais la médiocrité désigne le stade moyen en acte plus que la moyenne. Et la médiocratie est ce stade moyen hissé au rang d’autorité. »
Le penseur québécois, invité du réseau Carnet Pro, signe un livre retentissant sur ce nouvel ordre devenu norme qui, selon lui, prédomine dans bien des domaines, de la politique à l’entreprise. « On assiste à l’interchangeabilité des postes et à une exigence qui enjoint toute personne à s’en tenir à la moyenne. L’insignifiance a pris le pouvoir. On va également exercer une forme d’autocensure ».
Signes distinctifs du médiocre ? « faire » comme il faut selon les règles d’un comportement correct – sans remous ni scandale, dans le cadre des limites admises, en se rendant vendable et pardessus tout présentable, apolitique, transparent et objectif. Le médiocre devient dès lors pour le pouvoir l’être moyen, celui par lequel il arrive à transmettre ses ordres et à l’imposer plus fermement. Alain Deneault ne se pose pas en moraliste « Être médiocre, ce n’est pas être incompétent. Le système encourage l’ascension des acteurs moyennement compétents, au détriment des super-compétents ou des parfaits incompétents. Il va faire en sorte de calibrer les intelligences. Ce qui amène à standardiser la pensée. Ce livre est une tentative de comprendre une tendance, qui oblige à une production moyenne… ».
Dans les entreprises, on a transformé les métiers en fonctions. « C’est d’autant plus dommage que des nouveaux enjeux écologiques, économiques, demandent de la hauteur » ajoute l’essayiste. Et puis, on fait de plus en plus appel à l’expert. Serait-il le remède à la médiocratie. « Un problème se pose quand l’expert se substitue aux décideurs et tend à poser le la du débat… ». Alors comment résister à cette révolution anesthésiante ? « Il ne faut plus parler de gouvernance mais de politique, ni de partenariats mais de projets de société. Il faut revenir à des discours de biens communs… ».
BIO EXPRESS
> Titulaire du doctorat en philosophie de l’Université de Paris-VIII.
> « Professeur invité » à l’Université de Grenoble.
> Enseignant en science politique à l’Université de Montréal.
> Auteur notamment de » La Médiocratie » ainsi que de » Gouvernance « , « Le management totalitaire « (Lux Éditeur).