Entre Paris et Tours, un parcours gagnant ?
Sociologues du travail à l’Université de Tours, Jean-Philippe Fouquet et Nicolas Oppenchaim ont photographié ces “ célibataires géographiques ”.
Il y a quelques années, l’Université de Tours et Beauvais Consultant réalisaient un rapport sur les migrants professionnels. Leur enquête vaut encore pour aujourd’hui.
À quoi ressemble ce travailleur qui prend le train de la province vers Paris comme un banlieusard ?
JPF : « Il est multiforme. La population se segmente en deux sous-groupes qui partagent les mêmes motivations : préserver la vie de famille et se consacrer à sa carrière professionnelle. Notre enquête met en avant les couples ou les familles qui ont fait le choix de s’installer en province pour accéder à une qualité de vie (espace, qualité de l’habitat, environnement social, prise en charge des enfants, scolarité.). L’un des conjoints fait le sacrifice de sa carrière, l’autre de son temps personnel avec pour argument le » bien-être « des enfants… »
Il y a aussi ceux qui, dans le département, utilisent le TER depuis Tours vers Nantes comme Louis Maurin, ou Chinon-Tours, ou Loches Tours. Y a -t-il là une analyse du sociologue ?
N.O. : « Chercher à favoriser les alternatives à l’usage de la voiture individuelle dans le périurbain suppose d’abandonner la vision du changement modal comme un processus de conversion, réfléchie et définitif, d’un mode à un autre. Les individus s’engagent dans des processus d’expérimentation de modes alternatifs, durant lesquelles ils tâtonnent et découvrent peu à peu des ressources associées à ces nouveaux modes, en particulier les activités qu’ils peuvent réaliser durant le temps de déplacement..Ces processus sont socialisants, car ils modifient à terme les pratiques modales des individus mais entraînent aussi des changements dans d’autres sphères d’activités. Les trajets se déroulent dans un temps long, sont réversibles. Ils se caractérisent bien souvent par une hybridation de différents modes, non seulement en fonction des motifs de déplacement mais également selon le contexte du déplacement domicile-travail. Cette hybridation des modes est sans doute plus prononcée dans le périurbain que dans les autres zones géographiques en raison de la dépendance automobile. Elle suppose d’inventer de nouvelles politiques de transports et de tarification prenant en compte cet usage non exclusif d’un seul mode pour se rendre au travail. Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, fait le trajet Tours-Nantes pour aller enseigner… »
Rester sur Paris ou rentrer tous les soirs ?
JPF : « Tout est question d’argument financier, familial et de santé. Un salaire parisien, dans une vie provinciale, est attractif. Certains souhaitent rentrer tous les soirs pour coucher les enfants et dîner avec le conjoint. Les cadres seniors sont plus enclins à rester sur Paris la semaine… »