La nouvelle approche du monde du travail
Réorientation, reconversion, mutations : la vie professionnelle n’est pas un long fleuve tranquille. Faut-il avoir peur du changement et comment l’accompagner au mieux…
Les prétendants à l’élection présidentielle avancent leurs pions. Ces derniers jours, Jean-François Coppé (LR) proposait de supprimer le statut – à vie – du fonctionnaire en le substituant à des contrats à durée indéterminée pour les nouveaux arrivants. Une idée qu’Emmanuel Macron avait le premier jeté sur la table quand il était ministre de l’Économie du gouvernement Valls. Le communiste Maurice Thorez, qui en était l’instigateur, a dû se retourner dans sa tombe. Alors, fin inéluctable d’une époque ?
Voilà qui pose le débat récurrent de faire carrière ou pas, de choisir le public plutôt que le privé parce que l’emploi y est protégé, d’épouser pour la vie un métier qui deviendra exposé, au fil du temps, à l’usure des marchés, à des drames sociaux, à des nouvelles technologies révélatrices de mutations. Mais le changement va beaucoup plus loin en terme de bouleversements personnels. Est-on sûr d’avoir choisi la bonne orientation à l’adolescence, lorsque l’Éducation nationale nous demande de faire des choix, de prendre les bonnes options qui forgeront notre vie sociale ? Et pourquoi a-t-on peur de franchir le pas, une fois mis au pied du mur ?
« Ne croyons pas à la fatalité, demande Alexandre Adjiman. Il faut des fois plonger dans la piscine. Mais avant, il faut bien apprendre à nager. Cela veut dire suivre des formations et ne pas en avoir peur… ». Cette fameuse peur qui naît de l’ignorance de quoi l’avenir sera fait. Elle paralyse et pousse les plus vulnérables à se refuser une suite. Parfois hélas dans les colonnes des faits divers… L’ancien chef d’entreprise tourangeau, qui a souvent prêté l’oreille à des salariés au-delà d’un entretien préalable à un licenciement, s’accordait un temps d’écoute pour connaître les nouvelles motivations de ses ouailles. Avec bienveillance et humanité. Il a passé son diplôme de conciliateur national à l’âge de 70 ans, une chose qu’il était loin d’admettre pendant ses responsabilités de patron !
Muter ou périr face à l’ubérisation
Changer d’orientation. « C’est possible », vient témoigner Mélissande qui renonce à ses années d’études en lycée professionnel de bijouterie pour exercer au sein d’un grand opérateur téléphonique. « C’est possible ! » renvoie en écho Nicolas Normand, ancien juriste au salaire respectable qui comprend, que le service à la personne vaut humainement bien plus que l’esprit des lois.
Se remettre en question, c’est aussi le lot de certains métiers comme celui de chauffeur de taxi. Là encore, « c’est possible face à l’ubérisation de la profession » revendique Mauro Cuzzoni qui vient défendre une certaine éthique face à la transgression des règles de son secteur. « Entreprise, muter ou périr face à l’ubérisation du monde » était d’ailleurs le titre d’un récent ouvrage écrit par Denis Marquet et Édouard Rencker (Éditions L’Archipel). Les auteurs n’y vont pas avec le dos de la cuillère. « Près de 50 % des entreprises vont périr et ne le savent pas. Les nouveaux barbares ont pris le pouvoir en s’appuyant sur une lame de fond qui se nomme digitalisation des relations, dématérialisation des usages, objets connectés, médias sociaux et partage collaboratif. Le tout dans une crise économique qui est devenue structurelle. Même le consommateur se réinvente en passant d’une société fondée sur la valeur de la propriété à « la valeur d’usage ». Fini la résidence secondaire, place à Airbnb… ».
Cruel tableau mais c’est en fait l’histoire qui se répète pour les frileux. Les « Attila », les barbares dont ils nous parlent, « fleurissent dans tous les secteurs de l’économie : transports, bien d’équipements, habillement, cosmétique, santé, sports, sexe, médias. Les nouvelles start-ups, les Licornes, ont quadruplé leur valorisation en trente ans… ».
Alors, de quoi sera fait demain ? Il nous reste, du salarié au patron, à accompagner le changement du modèle économique de l’entreprise, inexorablement vieillissant. C’est donc à la perpétuelle boucle de passage de génération que nous assistons. Comment s’y préparer ? Les Tourangeaux Jean Pages et Pietro Cossu, orateurs du rendez-vous « Carnet Pro » du réseau d’entreprises du groupe La Nouvelle République, se veulent optimistes. Ils incarnent ce changement de paradigme dans lequel baignent les entreprises, les organisations et les sociétés humaines en général dans lequel tout est possible dès lors que la solution aux problèmes (restructuration, rachats, réorganisation, nouvelles technologies) vient de leur ADN, de l’ intelligence mère. Avec eux, il est possible de rechercher et de trouver cette énergie vitale. De muter individuellement ou collectivement. Sans périr !