Un regard optimiste sur “cette utopie qui dure”
Maître de conférence en sciences économiques, Alain Clément explique sur quels ressorts fonctionne l’économie sociale et solidaire et pourquoi ellel va perdurer.
A quand remonte le terme d’économie sociale et solidaire ?
« On parle de l’économie sociale et solidaire essentiellement depuis la crise de 1974. En réalité, les premiers fondements remontent dans les années 1830 avec des penseurs comme Étienne Cabet, Joseph Proudhon, ou Charles Fourrier, qui prônaient un nouveau monde industriel et sociétaire (associatif). Moins révolutionnaire et plus réformateur, Charles Gide sera – dans la seconde moitié du XIXe – l’inspirateur historique du mouvement coopératif français et le théoricien de l’économie sociale. On assistera au développement du mouvement associatif à partir du Front populaire, au développement des coopératives entre les deux guerres puis des mutuelles complémentaires après la création de la sécurité sociale en 1945… »
Et à l’université ?
« On en parle depuis les années quatre-vingt-dix. Je l’enseigne à Tours en Master 2 Promotion Gestion de la santé et dans des cours optionnels. Je m’appuie sur les travaux de Karl Polanyi qui est un des rares auteurs contemporains à avoir montré que dans toutes les sociétés, l’économique et le social étaient très imbriqués. Son œuvre nous permet de mieux comprendre ce qu’est cette nouvelle manière de faire de l’économie, de mieux appréhender tous ces concepts tels que le juste prix, le commerce équitable…. L’utopie dure ! »
Quels sont les visages modernes de l’économie sociale et solidaire ?
« D’abord, tout système économique repose sur trois éléments : le marché, la redistribution et la réciprocité. L’ économie sociale et solidaire compose avec ces trois éléments en jouant surtout sur la dimension réciprocité. Ensuite L’économie solidaire a de multiples visages institutionnels : les associations (800.000 en France) qui œuvrent beaucoup pour l’insertion (des chômeurs), la diffusion du sport et de la culture (exemple : les Studio à Tours), qui agissent beaucoup pour lutter contre les exclusions (Restos du cœur…) les entreprises mutualistes (santé, assurances) et les coopératives (banques, coopératives agricoles, coopératives ouvrières de production – Il y en a environ 2 000 en France- . Lip en fut l’un des symboles). On peut également citer le logement, avec le mouvement d’habitat coopératif
Faut-il craindre pour l’avenir de ces différents modèles face à une économie libérale de plus en plus omniprésente ?
« Oui, si ces structures et notamment les plus importantes d’entre elles (je pense au secteur bancaire ou assurantiel en particulier) ne se démarquent pas du marché. Mais les circuits courts, vont redynamiser les économies locales. Et puis, les associations font preuve de beaucoup d’inventivité et de plasticité ! »