L’histoire
Soupaulait pour Noël, Adhémar pour le 1er de l’an. C’est en effet dans la NR des 29/30 décembre 1945 qu’un aristocrate, portant haut de forme à reflets, monocle et nœud papillon débarque dans le quotidien.
Adhémar a beau être le magnifique, il ne fera qu’un séjour express dans la NR d’après-guerre. On trouve déjà sur la page recto le feuilleton, « Les dames des Louviers » de Suzanne Mila et à intervalle irrégulier des caricatures politiques signées Jean Eiffel. Mais avec ces deux tests BD/strips à une semaine d’intervalle, on sent que la NR hésite à se lancer dans une publication quotidienne. Cela va pourtant venir !
André-René Jolly (1912-1974) dit Jérôme Erik, dit Erik. Encore un dessinateur prolifique mal connu d’avant et après guerre. Des multitudes de héros dans un style débridé à la fois « rond et pointu ». Dans Benjamin (magazine fondé par Jean Nohain, dit Jaboune – l’oncle Erwann en reparlera) dans les années 1930 mais surtout dans les journaux catholiques Cœurs Vaillants et Âmes Vaillantes et les éditions Fleurus dans les années 1950/1960 (avec Pat’Rac reporter ou Commissaire Picablo). Et des dizaines d’autres. Erik, finalement, c’est un grand nom de la BD de cette période, dont les encyclopédies et les catalogues spécialisés recensent les créations et les héros divers et variés.
Pourtant, ce que l’on sait moins, c’est qu’André Jolly va aussi participer à animer, pendant les années d’occupation, le seul magazine pour la jeunesse autorisé par la censure, Le Téméraire. Gilles Ragache* note ainsi qu’il va y transposer son Professeur Globule contre docteur Virus d’avant guerre par un Docteur Fulminate et professeur Vorax, caricaturés selon les principes racistes de la propagande officielle. Coïncidence ? Les deux premiers dessinateurs de la Nouvelle République – Mat et Erik – ont travaillé au moins une fois ensemble pendant la guerre : c’était dans le journal Gavroche qui devait disparaître en 1942.
Néanmoins, une partie des dessinateurs du Téméraire fut approchée par des militants communistes qui, à la Libération, voulaient créer un nouvel illustré pour la jeunesse qui s’intitulera Jeune Patriote (d’octobre 1944 à mai 1945) puis prendra le nom de Vaillant avant de devenir, des années plus tard Pif. Erik fut de ceux-là et après une semi-retraite, revint travailler pour Coq Hardi, journal créé par Marijac, un ancien Résistant. C’est probablement cette carte de visite qui va jouer dans sa longue et fructueuse carrière et qui lui servit (c’est en tout cas fort plausible) pour faire quelques pas dans les pages de la Nouvelle République.
Sources. L’histoire de la BD dans la NR est le fruit d’un travail de recherche d’Alain Beyrand (www.pressibus@org), puis d’une exposition de la Nouvelle République à Blois dans le cadre de BD Boum dont l’essentiel est reproduit ici. * Gilles Ragache : « Un illustré sous l’occupation, le Téméraire » in Revue d’Histoire moderne et contemporaine, octobre 2000. Pascal Ory : « Le Téméraire ou le Petit nazi illustré », ed. L’Albatros, 1979.