L’épée de l’immortel



On reçoit toujours un nouveau volume de L’Habitant de l’infini avec un peu d’appréhension. D’emblée, un choix difficile se pose au lecteur déjà convaincu par ce manga présent dans les librairies françaises depuis la fin des années 1990. S’agit-il de commencer aussitôt la lecture de l’ouvrage tant attendu (au moins 6 mois entre chaque volume), au risque de ne pas se souvenir de l’intrigue ou de ne pas reconnaître les personnages, ou faut-il sacrifier – de bonne volonté – un week-end pour relire l’ensemble des 27 volumes parus ?

 Ce dilemme jamais résolu finit inévitablement par une relecture complète des aventures de Lin et de Manji. Et l’on pardonne alors les longueurs qui marquent parfois la série, tant elles prennent leur sens lorsque l’on reprend depuis le début. L’Habitant de l’infini est un de ces ouvrages qui sera d’autant mieux apprécié lorsque le feuilleton en sera achevé.

 Le pitch de départ semble à première vue proche d’un shonen classique : Manji, voyou habile de ses sabres, a acquis l’immortalité grâce à au Kessentchou, un ver magique qui se charge de le rafistoler sitôt blessé. En quête de rédemption, il décide de tuer mille scélérats pour se faire pardonner ses crimes. Lorsque la jeune Lin vient lui demander de l’aide, il accepte avec hésitation cette occasion de se racheter. Fille d’un maître de dojo assassiné par une nouvelle école rebelle, Lin obéit à contre-cœur à son devoir filial et recherche la vengeance. Ensemble, ils s’opposent à l’Itto-Ryu, l’école créée et dirigée par Anotsu Kagehisa.

 Loin d’un récit linéaire de vengeance, qui remonterait lentement les échelons de l’organisation ennemie, de l’adversaire le plus faible à son chef, on assiste à la création de tout un monde : à l’exception du ver magique qui assure à Manji une résurrection après chaque combat malheureux, c’est un Japon historique qui est dépeint à grand renforts de détails.

La poursuite des assassins de la famille de Lin fait vite place à une trame politique complexe, qui met en jeu différentes factions sur fond de conflit entre Anciens et Modernes. Cette question, très présente dans l’histoire et la création japonaises, est d’autant mieux exploitée que l’histoire prend place à la fin du XVIIIe siècle, moment où l’archipel s’est isolé volontairement de l’influence du reste du monde.

 Si L’Habitant de l’infini confine au gekiga (manga dramatique, intense, s’adressant à un public adulte), il demeure par d’autres aspects un seinen (manga pour jeunes adultes) : chaque volume fournit une part généreuse de combats parfois étalés sur de pleines pages. L’auteur, initialement formé en médecine, y prend un malin plaisir à étaler ses connaissances en anatomie de façon souvent sanglante. Le dessin précis, à l’encre de Chine, contribue à créer une cohérence graphique admirable pour un manga d’une telle longévité.

  • L’Habitant de l’infini (t. 27)
  • Auteur : Hiroaki Samura
  • Éditeur : Sakka
  • Prix : 10,95 €
  • Parution : 2 mai 2012
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