Jour de gloire à Angoulême. Ce mercredi 26 janvier, c’est la consécration pour le salon qui accueille un visiteur de tout premier choix : le président de la république François Mitterrand. « L’Elysée chez les Mickeys », écrit l’Oncle Erwann dans la Nouvelle République du 26 janvier 1985. Car cette visite présidentielle est un sacré événement que notre merveilleux conteur d’Oncle Erwann vous a déjà raconté ici. Et la visite de Tonton est lourde de conséquences pour le salon qui prend une tout autre dimension.
Le mariage entre la bande dessinée et Angoulême fait un pas de plus, Mitterrand annonçant la création de ce que certains appellent « Le Baubourg de la bande dessinée » : le Centre National de la Bande Dessinée et de l’image. Celui-ci sera logé dans les locaux d’anciennes brasseries entièrement repensés par l’architecte Roland Castro. Il ouvrira ses portes trois ans plus tard.
Et puis il y aussi cette rencontre de présidents, entre Mitterand et Mézières, Grand Prix 1984 et donc président du salon 1985. Son univers fait l’objet d’une exposition à la scénographie spectaculaire où l’on pouvait même entrer dans l’astronef de Valérian, mesurant 14 m sur 4 m ! Les personnages de Mézières règnent en maître à Angoulême. Grace à un partenariat entre Dargaud et l’afficheur Dauphin, une toile de 8 m sur 3 m est installée au carrefour de l’Isle.
Face au succès toujours grandissant du salon, les organisateurs ont décidé de s’étendre dans la ville. Aussi immense soient les chapiteaux du Champ de Mars, ils ne peuvent pas accueillir tout le monde. Il est donc décidé d’installer une autre toile sur la place New York et une troisième, réservée aux professionnels, dans la cour de l’Hôtel de Ville. Bingo ! Les rues piétonnes sont noires de monde. Les 150.000 visiteurs annoncés découvrent un peu mieux Angoulême lors de leur quête de la bande dessinée.
Pourtant, il y a un fond de polémique. Les éditeurs situés au Champ de Mars sont jaloux de New York, considérée comme une bulle plus prestigieuse et confortable, avec sa moquette, son chauffage et ses stands superbes de grands de l’édition. Casterman y a d’ailleurs reconstitué le cube de La Fièvre Urbicande, des Cités obscures de Schuiten et Peeters, récompensé à juste titre cette année là par le prix du meilleur album. La grogne monte d’un ton avec la visite de Tonton. Mitterrand ne visite que New York. C’est Jack Lang qui se rend au champ de Mars. Le ministre de la culture est présent durant les trois jours et réalise quelques actions fortes en faveur de la bande dessinée, décorant Moebius du Grand prix national des arts graphiques et travaille sur un plan d’aide à la bande dessinée.
Le neuvième art a le vent en poupe en 1985. Et pour le célébrer, les prix se multiplient. Angoulême innove même en créant les « Alfredesirables », sélection d’albums couronnables. Il y en a pour tous les goûts. La Charente est en fête, l’avenir lui appartient.
- Le palmarès 1985
- Grand Prix de la ville d’Angoulême : Jacques Tardi
- Alfred meilleure BD de l’année : La fièvre d’Urbicande de François Schuiten et Benoît Peeters – Belgique (Casterman)
- Alfred meilleur premier album en langue française : Quéquette Blues de Baru (Dargaud)
- Alfred enfant : Trafic de Philippe Sternis et Patrick Cothias (Bayard)
- Alfred BD scolaire : Luong Dien Phong, Laurent Pavesi et Pascal Masslo
- Alfred fanzine : Pizza (Nantes)
- Alfred avenir : Daniel Germain et Christophe Bonnaud (Cholet)
- Prix Bloody Mary : Les pionniers de l’aventure humaine de François Boucq (Casterman)
- Prix FM – BD dit «Prix Lucien» (décerné par les auditeurs de 30 stations de radio, à l’initiative de Radio-Marguerite d’Angoulême) : Les Passagers du vent, Le Bois d’Ebène de François Bourgeon (Glénat)
- Prix TF1 : Balade au Bout du Monde de Makyo et Vicomte (Glénat)
- Prix Témoignage Chrétien : Le Transperceneige de Rochette et Lob (Casterman)
- Prix des lecteurs de la Bibliothèque Municipale : Le Moine Fou de Vink (Dargaud), Tendre Violette de Servais (Casterman), Grimion Gant De Cuir de Makyo (Glénat)
- Grand Prix National des Arts Graphiques : Jean Giraud – Moebius (prix remis par Jack Lang, ministre de la culture)
- Le jury 1985
- Le Grand Prix 1984 : Jean-Claude Mézières
- Le maire : Jean-Michel Boucheron
- Quatre journalistes : Pierre Veilletet (Sud-Ouest), Jean-Paul Morel (Le Matin), Robert Escarpit (Le Monde), Jean-Pierre Cliquet (Lire)
- Le conservateur du musée : Monique Busac
- Une libraire spécialisée : Adrienne Krikorian
- Un spécialiste : François Pierre
- Un professeur de dessin : Dominique Bréchoteau
- Le directeur : Pierre Pascal
- Episodes précédents:
- 1984, tout augmente
- 1983, un dixième anniversaire à la sauce américaine
- 1982, premières visites ministérielles
- 1981, le changement de dimension
- 1980, le virage professionnel
- 1979, la censure fait débat
- 1978, sortie de crise et nouvelle ère
- 1977, la visite du roi Hergé et l’accident de la bulle
- 1976, l’apparition de BD Bulle et un débat passionné
- 1975, l’apparition de la première « bulle »
- 1974, le succès populaire au rendez-vous
- La genèse d’un monument