D’aucuns ne retiendront que le maréchal des logis Albert Merlot de Saint-Tropez, ou les multiples fous rires des soirées de théâtre ; certains encore d’autres films signés Autant-Lara, Yves Robert, Robert Dhéry, d’autres pièces télévisées, voire quelques chansons.
Mais pour le monde de la BD, Christian Marin est une figure mythique. Celle, et c’est excessivement rare, de la symbiose (allons-y pour les grands mots) parfaite entre la case dessinée et l’écran. Pour des générations de lecteurs du magazine Pilote et de téléspectateurs du feuilleton Les Chevaliers du Ciel, il était le lieutenant Ernest Laverdure (qui finira d’ailleurs avec les trois galons de capitaine), l’alter ego de Michel Tanguy (qui lui terminera sa carrière commandant).
Jacques Santi (qui a rejoint les nuages le premier en 1988) et Christian Marin, unis sur le petit écran, comme dans le cockpit de leur zinc, désormais éternelles figures de Tanguy et Laverdure.
Ah, Tanguy et Laverdure ! Imaginées par Jean-Michel Charlier, dessinées au départ en octobre 1959, par Albert Uderzo, et publiées dès le lancement du journal, Pilote, mâtin, quel journal !, les aventures musclées et drôles de ce duo de pilotes de chasse ont inspiré bien des vocations et servi très positivement l’image de l’armée de l’air française.
De 1959 à 1969, nos deux héros font l’objet d’abord d’un feuilleton radiophonique sur Radio Luxembourg (qui avait lancé Pilote).
Puis Jean-Michel Charlier et Antoine Tudal adaptent, sur une réalisation de François Villiers, la série pour la télé : trente-neuf épisodes de vingt-six minutes dont treize en noir et blanc, à partir de 1967.
« Les chevaliers du ciel dans un bruit de tonnerre ! », ah que le générique du feuilleton chanté par notre Johnny national va contribuer à faire décoller l’audience.
En matière de BD, la série reprise en 1966 par Jijé (Joseph Gillain) sera ensuite dessinée par Patrice Serres, puis Alexandre Coutelis.
Grand retour chez Dargaud en 2002, par Yvon Fernandez (dessin) et Jean-Claude Laidin (scénario), un ancien de l’armée de l’air qui travaillera en 2005 avec un nouveau dessinateur, Renaud Garreta.
Les héros dessinés ne se crashent jamais complétement.
Mais au moment où paraît l’Ecole des aigles, c’est l’époque où fonctionne à plein (depuis 1947 ! aux éditions Dupuis) un autre couple de pilotes chevronnés, Buck Danny et Sonny Tucson (n’oublions le troisième larron, Tumbler), américains cette fois, mais également imaginés par Jean-Michel Charlier sur des dessins de Victor Hubinon. Placés, eux, dans des contexte hyper-réalistes de guerres chaudes (Japon, Corée) et froides.
On lira ci-dessous un extrait de la revue Air Fan qui précise les liens étroits qu’avait conservé, malgré l’âge, Christian Marin-Laverdure avec son arme de prédilection, l’armée de l’air. Ce n’est par hasard si un superbe hommage lui est rendu sur son site officiel. Quant à son chef d’Etat-major, il a d’ailleurs annoncé que l’armée de l’air serait présente aux obsèques du comédien.
Voici d’ailleurs ce qu’en dit le général Jean-Paul Paloméros : « C’était un ami de la famille, quelqu’un de très fidèle, attaché notre armée. Il venait aux meetings, comme à Orange il y a quelques années et il rêvait devant les avions ». Très marqué par les Chevaliers du Ciel, alors qu’il se préparait à une carrière militaire, il raconte : » Pour moi, Tanguy et Laverdure, c’était l’esprit d’équipe. ça respirait la vérité. J’ai voulu endosser à mon tour cette combinaison ».
Et que dire de l’allusion du ministre délégué aux Anciens combattants, Kader Arif, pris « en stop » en Alpha Jet entre Salon-de-Provence et Tarbes par la Patrouille de France : « Gamin, j’étais mauvais en maths mais j’ai toujours rêvé d’être pilote de chasse, comme beaucoup de petits garçons. J’ai bouffé des Chevaliers du ciel…. Tanguy et Laverdure, ça me parle ! » a déclaré le ministre qui s’est pris un 6G d’accélération qui l’a laissé « un peu largué » !
L’une des dernières apparitions publiques de Christian Marin a eu lieu à la fin de l’année dernière, à Chambéry, où François Defaye et le fils de Jean-Michel Charlier, Philippe, organisaient une superbe exposition en souvenir du scénariste le plus extraordinaire de son époque. Il y avait certes d’autres stars (notamment de la BD) mais avec sa haute taille, ses cheveux blonds, son sourire, sa disponibilité, et sa silhouette, on ne pouvait pas le rater : « Tu as vu, c’est Laverdure » chuchotaient les visiteurs ravis devant les panneaux retraçant les premières planches de L’école des Aigles. Une équipe de télé venue de La Plagne s’était même déplacée pour le filmer en souvenir d’un vieil épisode des Chevaliers du Ciel qui avait fait connaître à la France entière l’existence de cette station de sports d’hiver. C’était dire l’impact…
La Nouvelle République, pendant sept mois de 1967 (de janvier à juillet) va publier toutes les semaines un supplément de bandes dessinées intitulé L’illustré du dimanche. Les (jeunes) lecteurs y (re)trouveront toutes les séries vedettes de Pilote (plus quelques autres) telles qu’à leur naissance dans le journal (mâtin, quel journal) quelques années plus tôt.
Astérix en est la vedette – c’est d’ailleurs l’année où Uderzo, totalement prisonnier de son petit Gaulois confie la plume des Chevaliers du ciel à Joseph Gillain – mais on y trouve aussi d’autres trésors signés Jean-Michel Charlier, comme le Lieutenant Blueberry et les aventures de Michel Tanguy.
C’est donc au nom de ces quarante-huit pages de L’école des Aigles (où Ernest Laverdure ne ressemble pas encore à Christian Marin puisque c’est Jijé qui donnera le visage des héros télévisés aux héros dessinés) et au nom de la publication en 1979, d’Opération Tonnerre (dans le quotidien La Nouvelle République, cette fois mais édité par Novedi) dessiné à cette époque par Patrice Serres, que Case Départ peut se permettre de rendre, modestement, un hommage sincère à Christian Marin, qui a pris son dernier envol, le 5 septembre dernier à l’âge de 83 ans.
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Extrait de la revue Air Fan.
Pour les passionnés d’aviation, Christian Marin est avant tout le lieutenant Ernest Laverdure, le pilote de chasse fantasque qu’il interpréta dans la série désormais culte “Les Chevaliers du ciel”, aux côtés de Jacques Santi, qui, incarna le lieutenant Michel Tanguy. Bien qu’ayant tenu, par la suite, des rôles très éloignés de celui du lieutenant Laverdure, Christian Marin avait conservé des liens avec l’armée de l’Air, et, plus généralement, l’aviation militaire.
Ainsi, en 2006, invité par le commandant de la base aérienne 115 d’Orange, il avait pu mesurer sa popularité demeurée intacte auprès des aviateurs qui le sollicitèrent pour des photos et des autographes.
Un an plus tard, il avait été une nouvelle convié à la BA 115 pour assister à la cérémonie de dissolution de l’Escadron de Chasse 1/5 Vendée (“Avec vous, ce sera moins triste” lui avait-on dit). “Depuis la série, j’ai gardé un intérêt pour l’aéronautique, notamment pour ses débuts, l’aéropostale…. Mais revoir ainsi évoluer des Mirage me remplit d’admiration et de nostalgie” avait-il confié à l’époque.
La même année, Christian Marin avait été l’invité d’honneur du 60e anniversaire de la base belge de Florennes (deux épisodes des Chevaliers du Ciel ont été tournés en Belgique). Là encore, il fut reçu dignement par les aviateurs d’outre-Quiévrain, qui, comme leurs homologues français, ont suivi avec intérêt les aventures de Tanguy et Laverdure. Plus récemment, Groupement Aéromobilité de la Section Technique de l’Armée de Terre (GAMSTAT) lui avait proposé de parrainer le meeting organisé annuellement à Valence-Chabreuil.
Au total, Christian Marin a joué dans les trente-neuf épisodes des Chevaliers du Ciel. Une autre série, “Les nouveaux chevaliers du ciel” avait été tournée dans les années 1980 avec Christian Vadim et Thierry Redler. Autre époque, autre ambiance.
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La première planche de L’école des Aigles montre un Fouga Magister au dessus de la base de Meknès au Maroc.
Il y eut certes des Fouga dans la base aérienne 708 « Christian Martel ». Mais l’appareil essentiel de l’école de chasse à cette époque était le T33 sur lequel voleront aussi Tanguy et Laverdure.
En témoigne ce numéro spécial de Pilote, daté de juin 1960, un an avant que les ailes françaises ne quittent le Maroc et que l’école de Meknès ne soit transférée à Tours. Mais oui !
Pour la petite histoire, il n’est pas inintéressant d’apprendre que les T33 sont arrivés, venant de Reims, au Maroc le 14 novembre 1951 et que l’atterrissage du premier appareil, piloté par le commandant de la base (co-piloté par un aviateur américain, le major Barrett) fut acrobatique et se termina sur le ventre.
Surprise, ce commandant ne s’appelait pas Le Gall, comme dans la première planche de l’Ecole des Aigles, même s’il était aussi Breton. Son nom était Victor… Tanguy (de Plougastel-Daoulas). Jean-Michel Charlier le savait-il ? En tout cas, l’anecdote est belle…
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Superbe hommage au héro de mon enfance !
Pourriez vous m’indiquer l’origine de la photo du T33 en vol (au dessus de la base 408) ?
Chargée d’histoire pour notre famille car ….
Exactement la même accroché au mur du salon de ma grand mère et envoyé par l’armé de l’air suite à la disparition en mission de son fils (mon oncle) en 56 à Mekness.
J’ai quelques très belles photos N&B officielles de l’armée,
de lui en tenue de vol et fond de North Americn T6 (qui avait servi de « modèle » à l’époque)
Salutations
Eric