Cérémonie de remise des prix d’Angoulême, début février. A l’un des intervenants l’interrogeant suite à une remarque de François Schuiten sur la qualité du noir de son graphisme qui fait sa marque de fabrique, un monsieur âgé à la barbe blanche, assis au premier rang, va répondre. C’est Didier Comès. Il a 71 ans. Il est fatigué, miné, reconnaît-il par la disparition de son épouse.
Mais il explique au dessinateur de la Fièvre d’Urbicande (qui s’en souvient dans l’hommage de BdZoom) qu’il laisse ses encres vieillir… comme des vins et qu’il arrive un moment où il considére qu’elles arrivent à maturation. Alors, dans sa retraite des Ardennes bleues, là où est toute sa vie, là où est toute son œuvre, Didier Comès ouvre la bouteille et sous sa plume, les noirs prennent forme. Corbeaux, chouettes, fantômes, soldats, nabots, arbres, sorcières… unis dans cette encre épaisse et inquiétante.
Didier Comès, ou l’œuvre au noir ! Didier Comès disparu le 7 mars d’une pneumonie. Didier Comès qui avait accepté, avec son humilité et sa discrétion légendaire, le tonnerre d’applaudissements et la standing ovation du festival qui lui avait donné le jour.
Après deux expositions consécutives en Belgique (Liège, mai 2012) puis au festival d’Angoulême (janvier-février 2013), le public commençait à redécouvrir cet auteur majeur marqué du poids d’un chef d’œuvre, Silence. Le silence, en 1981, avait dû rendre les armes devant le tohu-bohu angoumoisin qui avait entouré l’éclosion de ce fils direct de Milton Caniff et Hugo Pratt.
Didier Comès, dont il faut arrêter de répéter que son « vrai » prénom était Dieter (Dieter est un prénom allemand datant de l’occupation nazie – Comès est né en 1942 – et que Didier a totalement remplacé), n’aura produit que onze albums en quarante ans de carrière.
Celui suffit pourtant pour en faire à la fois une référence absolue, et un géant de la BD. A nos confrères du Soir de Bruxelles qui avaient été le rencontrer dans sa retraite non loin de Verviers avant l’expo de Liège, quand ils lui demandent comment il appréhendait l’événement, il déclarait : « J’hésite entre l’hommage et l’enterrement ! Je considère la bande dessinée comme une expression spontanée. Je n’ai jamais voulu analyser mon oeuvre. Je suis avant tout un conteur et je ne me considère pas comme un grand dessinateur. »
Silence désormais règne en maître sur la terre féconde et mystérieuse des Ardennes belges. Que ces quelques images prises à Angoulême, cette photo de 1981 et cet autographe collector (ô combien) puissent servir de modeste hommage de Case Départ à un grand monsieur du 9e art.
-> Retrouver la présentation de l’expo de Liège et la bio de Comès faite par Case Départ en mai 2012
-> Retrouver le dernier entretien de Didier Comès accordé au Figaro lors d’Angoulême 2013
Comès était un très grand, cet hommage lui va bien.