Pour cette troisième semaine de juin, Case Départ vous propose sa sélection d’albums de la semaine. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : L’envers du décor hollywoodien dans Une vie à écrire, Manolis un jeune garçon grec contraint de fuir la Turquie au début du 20e siècle, une biographie dessinée de Karl Marx, Ressac un album original et conceptuel, L’Amérique ou le disparu une adaptation du roman de Kafka, Les énigmes de Léo un livre-jeu pour les enfants et D-Day un recueil des meilleures histoires de la revue Commando. Bonnes lectures !
Une vie à écrire : la face cachée d’Hollywood.
Une vie à écrire est un très bon album de Jérôme Félix et Ingrid Gautier-Liman, se déroulant à Hollywood dans l’univers de l’industrie cinématographique dans les années 30. On y suit les péripéties de Billy-Bob, un jeune écrivain en herbe et Scarlett, une jeune femme au passé trouble qui cherche à devenir un star du grand écran.
Dans les années 30, Billy-Bob, un jeune paysan texan, écrit en secret des histoires à l’eau de rose. Il est la risée de tous car il est naïf, peu enclin vis-à-vis de la gente féminine et il louche énormément. Sa famille, bientôt propriétaire d’une ferme, est pourtant très peu fortunée. En secret, il rêve de devenir scénariste pour le cinéma. Avec l’assentiment de son père, il puise dans l’argent mis de côté et part pour la Californie. En chemin, il rencontre Scarlett, une jeune danseuse de saloon, dont la vie est sombre et qui veut fuir sa situation précaire, faite de violence et de sexe. Le jeune texan pense qu’elle sera une future star.
Arrivés à Hollywood, Scarlett vole le petit pécule de Billy-Bob, elle lui fausse compagnie et tente sa chance seule à une audition pour la future super-production, Cléopâtre. Pourtant elle le sent, elle n’a pas de talent pour la comédie mais elle essaie quand même. De son côté, l’aspirant écrivain tente lui aussi sa chance en plaçant son récit chez l’un des plus puissants studio hollywoodien National Pictures. Son gérant, Sulpice, le rejette mais à un autre projet pour lui : écrire la vie des stars. En effet, à l’époque, pour générer l’envie du côté des fans, les studios demandent à des jeunes auteurs de scénariser leur vie, de leurs amours à leur fausse mort. Tout est faux pour créer le buzz. Mais une journaliste a des doutes concernant ces manipulations, elle décide d’enquêter et se rapproche dangereusement de Billy-Bob mais aussi de Scarlett.
La première partie d’Une vie à écrire fut déjà publiée sous le titre de Hollywood Boulevard en 2009 aux éditions Bamboo. Prévue en triptyque, l’histoire ne trouvera pas son public. Pour éviter une petite déconvenue économique, Jérôme Félix remodèle son scénario pour créer un album d’une centaine de pages et permettre aux lecteurs de connaître enfin la fin de cette solide histoire. Cruel et bien construit, l’album serait-il proche de la réalité ou fait-il œuvre de vraie fiction ? Jamais le lecteur, happé par ce dernier, ne sera en mesure de le savoir, tant les idées de l’auteur semblent crédibles. Une des grandes force d’Une vie à écrire est le trait élégant d’Ingrid Gautier-Liman qui se rapproche parfaitement de l’ambiance cinématographique des années 30. Les silhouettes de ces starlettes sont magnifiquement mises en images par le dessin très stylisé de la jeune dessinatrice.
- Une vie à écrire
- Auteurs : Ingrid Gautier-Liman et Jérôme Félix
- Editeur: Grand Angle
- Prix: 18.90 €
- Sortie: 29 mai 2013
Manolis : une enfance gâchée.
Manolis est un jeune grec qui vit en Turquie au début du 20e siècle et qui se trouve obligé de fuir son village sous la pression de l’armée d’Atatürk. Ce périple est dessiné par Antonin Dubuisson qui a décidé d’adapter le roman Manolis de Vourla écrit par Allain Glykos en 2005. Cet album met en lumière un fait méconnu des français : le déplacement volontaire par l’armée, des grecs installés en territoire turc.
1922. Smyrne (actuelle Izmir, dans la région égéenne), le petit Manolis vit tranquillement avec sa famille à Vourla (près de Smyrne). A cette époque grecs et turcs s’entendent bien et travaillent ensemble. Le jeune garçon joue souvent avec ses amis arméniens, musulmans et juifs. Aucun nuage à l’horizon, tant ces différentes communautés vivent en parfaite harmonie. Mais cette quiétude est mise à mal par ce que les historiens appellent la Grande catastrophe. En effet, après la Première Guerre Mondiale, la Turquie est démantelée et la gestion de ses territoires est confiée aux français ou aux anglais. Cette situation est intenable pour Mustapha Kemal, futur Atatürk, qui organise une armée pour chasser les grecs et les chrétiens de l’Anatolie.
Alors que les armées turques avance, le jeune garçon inconscient du danger, va rendre visite à sa grand-mère dans un village proche de Vourla. Accompagné par son âne, il reste quelques jours chez elle. Mais rapidement, il est contraint de fuir et il se réfugie à Nauplie, ville grecque du Péloponnèse. Séparé de sa famille, il essaie par tous les moyens de retrouver les siens en Crête. Sans grand résultat, il émigre en France, avec toujours dans le coin de sa tête, son envie de revoir ses proches. Manolis qui jusque là ne connaissait ni le racisme ni l’intolérance, va y être brutalement confronté.
Ce roman graphique très émouvant, évoque l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire grecque, La grande catastrophe, encore actuellement nié par les instances turques. Massacres, expulsions, vexations, racisme sont des faits de plus en plus nombreux de la part des turcs . Cette mémoire douloureuse est au cœur de cet album, qui montre les souffrances endurées par les populations sans jamais s’y appesantir. La personnalité de Manolis, petit garçon courageux, généreux, avide de connaissances et désireux de découvrir le monde, illumine le récit. Au fil du livre, il perdra peu à peu sa naïveté initiale, écoutant les conversations des adultes qui rendent compte de la complexité de la situation. Le trait en noir et blanc d’Antonin traduit bien la vitalité de son jeune héros.
- Manolis
- Auteurs : Antonin Dubuisson, d’après le roman d’Allain Glykos
- Editeur: Cambourakis
- Prix: 20 €
- Sortie: mai 2013
Marx :
une biographie dessinée du père du communisme
Marx est une biographie dessinée signé Corinne Maier et Anne Simon. Les deux auteurs emmènent le lecteur à la rencontre du père du communisme, de la découverte de la philosophie hégélienne à la rédaction du Manifeste du parti communiste en passant par les révolutions de 1848.
Voici comment l’album commence : « Je m’appelle Karl Marx. On m’a surnommé « le Diable », car j’ai voulu mettre à mort le capitalisme. Il faut libérer l’humanité de la misère et des inégalités. Votre crise ressemble à celles que j’ai vécues. Alors une seule solution : la révolution ! » Dans cette bande dessinée, c’est Karl Marx, lui-même, qui raconte sa vie et son œuvre.
Il naît à Trèves en 1818. Petit, il est un garçon remuant, qui multiplie les petites bêtises. Mais il est déjà libre, libre de ses idées. Plus tard, il se passionne pour la grande littérature dont Homère qu’il lit souvent. Il souhaite épouser Jenny, une jeune fille qu’il connaît depuis son enfance, mais il est lucide et attendra d’avoir un vrai métier pour cela. Alors que son père souhaite qu’il étudie le droit, lui est plus réticent. En 1835, contraint, il accepte et pars pour Bonn. Il devient alors journaliste à La gazette rhénane et à pour ambition de relier tous les savoirs et comprendre le monde. A la même époque, il découvre la philosophie avec Hegel. Il se passionne pour les théories de Proudhon, David Ricardo, Saint-Simon ou encore Louis Blanc. Avec Jenny, qu’il a épousé, et ses enfants, il vit en Allemagne, en France, en Belgique et en Angleterre. Marx commence alors à travailler de façon intensive et à écrire ses idées et réflexions dans de nombreux ouvrages comme Le manifeste du Parti Communiste ou encore Le capital.
Corinne Maier et Anne Simon, qui avait déjà réalisées ensemble une biographie dessinée de Freud, s’attaquent à la vie du théoricien du communisme, Karl Marx. Elles essaient de rendre ses idées révolutionnaires accessibles à tous, grâce à une narration simple. Le récit de la scénariste survole trop rapidement les pensées marxistes et le lecteur a du mal à s’attacher aux personnages, qui passent souvent très vite dans l’histoire. Le dessin nerveux d’Anne Simon est quant à lui assez réussit. Cette vie bouillonnante et très riche aurait d’ailleurs méritée plusieurs albums pour pouvoir en comprendre les tenants et les aboutissants.
- Marx
- Auteurs : Anne Simon et Corinne Maier
- Editeur: Dargaud
- Prix: 14.99 €
- Sortie: 7 juin 2013
Ressac :
une expérience de lecture originale
Ressac est un album très original de L.L de Mars et Choi Juhyun, publié par la maison d’édition alternative Tanibis, qui continue de cheminer dans des univers peu explorés de la bande dessinée. Basé sur la contrainte oubapienne éponyme inventée par Alex Baladi. L’histoire se construit alors directement sous les yeux du lecteur à partir du dialogue et des strips. Un album pas si évident à expliciter.
Les deux auteurs s’aventurent dans un échange pour construire l’histoire. D’un côté, L.L de Mars, dessinateur, que l’on nommera A et de l’autre, Choi Juhyun, dessinatrice B. Le dessinateur A propose un strip de 3 cases, auquel répond la dessinateur B par un strip de 4 cases, qui doivent s’intercaler dans le récit mais qui pourront aussi être lues de façon autonomes. Puis le dessinateur A intercale à son tour un strip de 3 cases qui viennent remplacer ses premières cases… etc. Le lecteur doit alors aller et venir d’une page à l’autre. A gauche de l’album, les 3 ou 4 cases de strip et sur la page de droite, son pendant, c’est-à-dire la nouvelle histoire en 7 cases.
Le fil conducteur de Ressac étant l’élément liquide. En effet, le mot ressac correspond à la brisure de la vague sur elle-même.
Proche de la mécanique du rêve, Ressac est un ovni dans le monde du 9e art. Si son approche semble délicat pour le lecteur, celui-ci comprend rapidement le mécanisme et est happé par cet album. Stimulant pour l’imagination, les multiples récits de L.L de Mars et Choi Juhyun sont convaincants. Graphiquement, il y a de nombreuses trouvailles qui pour certaines d’entre elles sont magnifiques.
- Ressac
- Auteurs : L.L de Mars et Choi Juhyun
- Editeur: Tanibis
- Prix: 20 €
- Sortie: 22 mai 2013
L’Amérique ou le disparu :
la destinée absurde
d’une jeune allemand aux USA.
Il est toujours délicat de vouloir adapter un roman de Franz Kafka; c’est pourtant ce qu’a joliment réussi Réal Godbout avec L’Amérique ou le disparu. Il y a plus de 35 ans que l’auteur avait songé à ce roman et il lui a fallu plus de 7 ans de travail pour terminer cet album. Ce livre inachevé par le romancier pragois met en scène les déboires d’un jeune adolescent allemand dans les Etats-Unis du début du 20e siècle. Ce regard acide sur l’Amérique way of life de Kafka est bien retranscrit par Godbout.
Karl Rossman est un jeune allemand de 17 ans qui est chassé du foyer familial à la suite d’une relation avec la bonne de maison (scandale qui sera fortement remis en cause par la suite). Seul, il s’embarque à bord d’un navire pour les Etats-Unis. Pendant la traversée, il se prend de sympathie pour le soutier du bateau et se fait même avocat lors d’une réprimande d’un commandant. Dans le bureau de ce dernier, il rencontre son oncle, le sénateur Jakob, qui deviendra son protecteur.
Son oncle très riche l’initie à la vie de notable ; il apprend l’équitation, l’anglais, son existence est alors au zénith. Mais la quiétude est de courte durée, un homme d’affaires, Pullunder, l’invite dans sa demeure et cela devient un sérieux motif de distension entre le jeune homme et son oncle. Il est renié et doit quitter son oncle. Sans argent, il est bien décidé à trouver un honnête travail. Il croise alors le chemin de deux vagabonds, l’un est irlandais Robinson, l’autre est français Delamarche. Faisant cause commune, ils errent de ville en ville, jusqu’à ce que Karl les abandonne. Il est alors embauché comme groom dans un grand hôtel où le travail est difficile. Mais comme à son habitude, il est chassé de l’établissement après quelques mois.
Karl retrouve alors Delamarche et Robinson, les deux compères qu’il avait abandonné auparavant. Le français est devenu l’amant Brunelda, une cantatrice dont la carrière est en perte de vitesse. Le jeune allemand deviendra alors le domestique et souffre-douleur de la chanteuse lyrique.
Roman d’apprentissage inversé, L’Amérique ou le disparu, met en scène la vie chaotique de Karl. Sa destinée s’acheminant de déboire en déboire plus qu’en celle d’un véritable accomplissement. Cet inaccomplissement est du aux structures bureaucratiques qui dépassent le héros, l’un des thèmes favoris de Kafka. Souvent le jeune homme est en proie aux décisions très arbitraires des personnages qu’il rencontre. Si l’univers absurde qui entoure Karl est bien mis en lumière, Réal Godbout s’appuie aussi sur des situations très réelles. Cet album est une très belle adaptation du roman de Kafka. Le dessinateur décrit assez bien l’ambiance du New-York des années 20, ses rues, les ambitions et les ego sur-dimensionnés des notables… Quant au trait du québécois, il propose des personnages et des visages intéressants mais aussi des décors assez fouillés.
- L’Amérique ou le disparu
- Auteur : Réal Godbout, d’après le roman de Kafka
- Editeur: La Pastèque
- Sortie: mai 2013
Les énigmes de Léo :
Attention enquêtes intergalactiques !
Les énigmes de Léo est un album jeunesse de Philippe Larbier et Erroc. Les plus petits suivent Léo, le détective le plus malin de toute la galaxie, et Proton, son fidèle assistant, dans leurs vingt-six extraordinaires enquêtes cosmiques.
Léo est un jeune garçon, agent du FBI, accompagné de son assistant Proton. Les deux compères doivent résoudre des enquêtes délicates dans l’ensemble de notre galaxie. On retrouve pêle-mêle : des robots voleurs, un faux agent du FBI, un as du cambriolage ou encore un touriste braqueur de banque.
Sur le même principe que les Enquêtes de Mickey ou les histoires de l’Inspecteur Bayard, Les enquêtes de Léo s’adressent aux jeunes lecteurs. Ils doivent résoudre les énigmes en même temps que les deux héros. Pour réussir, ils doivent minutieusement observer les planches et bien lire les dialogues afin d’y retrouver les indices. Les solutions sont données dans un encadré dans la dernière vignette et à l’envers. Elles ne sont ni trop simples ni trop difficiles pour que les plus jeunes puissent trouver. En plus des énigmes, on trouve aussi des jeux comme des grilles de lettres, des labyrinthes, les dessins-différences ou encore des objets cachés. Les récits d’Erroc sont décalés et amusants. Le trait humoristique de Philippe Larbier, dont Case Départ a fait le portrait en vidéos dans son atelier, est dynamique et très vivant. Les couleurs de Mirabelle et Alexandre Amouriq rendent les histoires explosives et attrayantes.
- Les énigmes de Léo
- Auteurs : Erroc et Philippe Larbier
- Editeur: Bamboo
- Prix: 9.95 €
- Sortie: 29 mai 2013
D-Day :
les meilleures histoires
de la revue Commando
Créée en 2011, la jeune maison d’édition Pierre de Taillac s’est spécialisée dans l’histoire militaire et plus particulièrement les grands conflits. D-Day, aborde l’un des moments clés de la Seconde Guerre Mondiale, à savoir le Débarquement en Normandie. Ce recueil de 12 histoires reprend les récits de la revue anglaise Commando, créée par DC Thomson en 1961. A travers 800 pages de bande dessinée, elle décrivent les assauts et la vie des soldats américains et britanniques, en juin 1944 pour délivrer l’Europe du joug nazi.
Juin 1944, les Alliés s’apprêtent à lancer l’opération Overlord sur la Normandie afin d’ouvrir une tête de pont pour les forces de libération. Pour réussir cette mission, les armées britanniques et américaines engagent leurs meilleurs hommes : les Commandos. Spécialistes des missions les plus périlleuses, ces hommes s’attaquent à la Forteresse Europe, défendue par les troupes de Hitler. Experts en sabotage, ils sont envoyés en éclaireurs derrière les lignes ennemies pour détruire les cibles stratégiques.
Avec plus de 4500 numéros, Commando est une revue, qui conte en bande dessinée en noir et blanc des récits de guerre et qui paraît encore de nos jours en Grande-Bretagne. Dans son âge d’or, la série pouvait sortir entre 8 et 12 fois par mois ! Et les parutions de 64 pages nécessitaient alors des centaines de dessinateurs. Parmi les auteurs ayant contribué au succès, on peut voir au sommaire des revues des noms prestigieux du 9e Art : José Ortiz, Jordi Bernet, Dino Battaglia, Victor De La Fuente ou encore Hugo Pratt.
- D-Day, les 12 meilleures histoires sur le Débarquement
- Auteurs : Collectif
- Editeur: Pierre de Taillac
- Prix: 24 €
- Sortie: mai 2013