Pour cette semaine semaine juste avant Noël, Case Départ vous ouvre sa hotte avec de très bons albums. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : La version en album de Romain & Augustin, prépublié sur le site du Nouvel Observateur dont le thème est le Mariage pour Tous, Loulou l’incroyable secret : la version dessinée du film d’animation éponyme de Grégoire Solotareff, un sublime album jeunesse de Emile Bravo : Les contes palpitants des 7 ours nains, la nouvelle aventure de Blake et Mortimer : L’onde Septimus, Fables 1001 nuits de neige : un recueil de légendes avec des personnages de fables connues, le retour du justicier social Revanche, le deuxième tome de la série-manga Lucika Lucika, Nobles paysans : le premier volume du nouveau manga de Hiromu Arakawa et le sixième tome de l’incroyable série Cesare. Bonnes lectures !
Romain & Augustin :
un mariage pour tous
Prépublié tout l’éte 2013 sur le site du Nouvel Observateur, Romain & Augustin, un mariage pour tous est le nouveau feuilleton BD de Thomas Cadène et mis en images par Didier Garguilo et Joseph Falzon. Cet album propose un regard sur le débat autour du Mariage pour Tous, à travers une histoire d’amour contemporaine, celle entre Romain et Augustin : de la demande en mariage à la cérémonie.
En plein débat sur la Mariage pour Tous, lors de la dernière séance, après le vote, Christiane Taubira prononce un discours fort, qui touche Augustin : « Je me souviendrai toute ma vie du discours de Taubira. J’ai pleuré. […] J’ai pleuré parce que je suis hypersensible. J’ai pleuré parce que c’était mon histoire, tu vois ? Mon égalité. »
A peine votée le 17 mai 2013, la loi autorisant le mariage pour tous, y compris ceux du même sexe, Augustin décide de faire le grand saut et de demander en mariage son compagnon Romain. Gus est un jeune homme d’une vingtaine d’année, ancien skateur et vendeur dans un magasin de vêtements, Romain est un homme d’une trentaine d’années, juriste. Le couple vit ensemble à Paris depuis plus de deux ans et souhaite ainsi officialiser cette union ; une vie somme toute banale comme la plupart des couples hétéros ou homos.
Par un simple sms de Gus« Epouse-moi », et la réponse aussi courte de Romain, ils ne savaient pas qu’ils allaient déclencher une série d’événements plus ou moins délicats liés à la future cérémonie : des réactions positives, des réactions de rejet, des rires, des larmes ou encore une petite séparation.
Les deux parents d’Augustin ont eu beaucoup de mal à accepter l’homosexualité de leur fils : le père est parti habiter très loin après son divorce alors que Gus était très jeune. Il s’est d’ailleurs encore plus éloigné de lui depuis son coming-out. En couple avec une nouvelle femme, il ne souhaite en aucun cas se mêler de la vie de son fils. Cet éloignement géographique est finalement bon pour les deux hommes. La mère, qui vit dans l’appartement au-dessous des fiancés, est une catholique réac et dépressive, qui pense que la naissance de son fils est une véritable erreur. Proche des ultras de la Manif pour Tous, elle pense que son fils est malade et que Dieu va dans son infinie bonté le sauver de ce fléau. Ajouté à cela, une cousine très engagée, Veilleuse qui souhaite le retrait de la loi. Les seuls qui le comprennent : Maxime et Honorine. Max, c’est son jeune demi-frère, ado sympa de 16 ans qui viendra même quelques jours habiter chez Romain et Gus. Et Honorine, c’est sa grand-mère, féministe engagée, c’est une femme très ouverte qui ne souhaite que le bonheur des deux tourtereaux.
Du côté de Romain, ce fut plus simple lorsqu’il annonça sa sexualité à ses parents. C’est tout juste s’ils ne l’ont pas félicité pour sa sortie de placard. A cela, il faut ajouter Kader, son ex, qui vient tout juste d’avoir un enfant avec une belle femme ; ce qui trouble Romain et rend jaloux Gus.
Alors que le débat sur le Mariage sur Tous a animé la France pendant plus d’un an, souvent d’une façon très violente et alors que Thomas Cadène, le scénariste pensait comme beaucoup, que le texte serait voté facilement, il se rend compte que quelque chose se passe dans les consciences des français partagés entre pro et anti, il commence à écrire le récit à partir de juin. Cet album d’une actualité brûlante est riche et très dense. Cette histoire d’amour universelle est à la fois originale, politique mais aussi tendre et parfois drôle. Une histoire de deux personnages simples et complexes pour décrire l’Histoire avec un grand H. Il est vrai qu’au-delà du couple homosexuel, il y a un couple tout court ; et c’est cela aussi la force de ce livre : faire de cette histoire d’amour, une histoire de tous les couples homos ou hétéros ; un couple avec ses certitudes, ses doutes, son amour, sa lâcheté, ses forces, ses faiblesses et surtout son envie de se marier le plus rapidement possible avec tout ce que cela engendre : les invitations, les défections, les costumes, le lieu… Augustin et Romain sont deux héros très attachants et crédibles. Les dialogues sont simples et très efficaces, les personnages sont bien choisis ayant des réactions variées pro ou anti. Les discours sous-entendus ou militants sont tous politiques, donnent à réfléchir aussi à ce grand débat et notamment les récits intermédiaires qui le sont hautement. En effet, en plus du récit où l’on suit les affres du couple pour le mariage dessinés par Didier Garguilo, il y a des récits courts qui permettent de faire des passerelles. Dessinés par Joseph Falzon, il mettent en scène les réactions de différents protagonistes loin du couple. Le cousin d’Augustin part à la rencontre de ces derniers et les filme pour monter un court métrage qu’il donnera aux deux mariés par la suite : la grand-mère, la mère et le père de Gus, mais aussi des amis et la famille de Romain. Les deux styles de planches sont différents : celui de Garguilo en couleur est anguleux et lumineux, celui de Falzon en noir et blanc est plus intimiste dans la veine des albums de l’Association. Et c’est une grande réussite aussi, cela permet de bien banaliser les deux histoires : le mariage et les rencontres vidéo. En espérant que lorsque l’on relira cette histoire dans 20 ans, les mœurs auront changé, que ce mariage sera banal et que l’on sera effrayé par le déferlement qu’ont pu susciter ces débats, un peu ridicules. Bel instantané de notre époque, Romain & Augustin un mariage pour tous est un album que Case Départ vous recommande.
- Romain & Augustin, un mariage pour tous
- Auteurs : Thomas Cadène, Didier Garguilo et Joseph Falzon
- Editeur: Delcourt, collection Mirages
- Prix: 19,99€
- Sortie: 27 novembre 2013
Loulou :
à la recherche de sa maman
Loulou, l’incroyable secret est l’adaptation dessinée du film d’animation éponyme, sorti sur les écrans depuis le mercredi 18 décembre et réalisé par Eric Omond , auteur de Toto l’ornithorynque (Delcourt). Ce dessin animé est basé sur les merveilleux albums jeunesse Loulou, créés en 1989 par le talentueux Grégoire Solotareff. Dans cet album scénarisé par Jean-Luc Fromental, Loulou et son ami Tom partent à la recherche de la maman du petit loup dans la région de Wolfenberg.
Loulou, le petit loup et Tom le lapin sont des amis d’enfance inséparables et qui passent leur vie ensemble. Alors qu’ils pêchaient sur une belle rivière, Loulou est envoûté par une petite mélodie venue du fin fond de la forêt. Cette musique provient de la roulotte de Cornelia, une étrange bohémienne diseuse de bonne aventure au physique d’oiseau maléfique. La femme invite alors le jeune loup à se rendre à l’intérieur. Là elle lui dévoile un incroyable secret : sa maman Olympe de Wolfenberg serait en vie ! Inconnue pour lui, il décide de partir à sa recherche avec son ami Tom.
Partis à bord de l’auto rouge de l’Oncle Vatanen, les deux compères arrivent dans cette cité à l’allure sinistre. Rejetés par le portier du Prinz Palace Hotel, ils se réfugient à la Pension Galantine, tenue par une truie plutôt avenante. En plein Festival des Carnes, ils doivent se fondre dans la masse ; pour cela la patronne les emmènent voir Simon-Edgar le tailleur. Loulou, habillé en costume rose et Tom, habillé en chemisette orange, décident d’enquêter sur la maman du jeune loup. Ils rencontrent alors Scarlett, une renarde intrigante proche du Prince Romus, véritable petit dictateur de la cité.
Ensemble, les 3 compagnons entrent secrètement de nuit dans les entrailles du château. Surpris par la garde princière, ils sont jetés au cachot. Romus accueille alors Loulou pour en faire un vrai noble, le prince Loudovic. De fil en aiguille, le jeune loup se détourne de sa quête initiale et s’éloigne de son ami Tom. Dans le même temps, les Rebelles de la forêt, opposants du Prince, se préparent à délivrer Loulou. A leur tête Olympe, sa maman…
Le récit adapté des albums pour enfants de Grégoire Solotareff est écrit comme un véritable conte. Subtil, il mélange l’action, une quête, les rebondissements, le suspens et beaucoup d’humour. Cet album qui ravira les petits mais aussi les plus grands met en avant de belles valeurs : l’amour, l’amitié, la bravoure ou encore l’honneur. Les deux personnages positifs sont attachants et drôles. Leur amitié indéfectible est pourtant mise à mal par des personnages sans scrupules, le prince Romus, Scarlett (une sorte de Milady dans les 3 mousquetaires) ou encore les gardes. Tous sont orgueilleux, vantards et méchants. Mais si les Loncros sont forts et désagréables; les Sancros (Tom, Loulou et les rebelles) sont petits et malins et comme d’habitude dans un conte pour enfants, la fin est heureuse. Les images de cet album sont tirés du film d’animation, si cela se voit un peu, la lecture n’est pas contrariée par cela. Le lecteur retrouvera les magnifiques dessins et couleurs de Solotareff. L’auteur du sublime film d’animation U avait déjà travaillé avec Jean-Luc Fromental sur une première adaptation en dessin animé de la même série, intitulée Loulou et autres loups. Case Départ vous recommande le visionnage de Loulou l’incroyable secret, sorti mercredi 18 décembre dans les salles obscures, produit par l’excellente maison de production Prima Linéa, qui a déjà travaillée sur des adaptations cinématographiques d’œuvres d’auteurs de bande dessinée comme Peur(s) du noir en 2007.
- Loulou, un incroyable secret
- Auteurs : Grégoire Solotareff et Jean-Luc Fromental
- Editeur: Rue de Sèvres
- Prix: 12,50€
- Sortie: 27 novembre 2013
Les contes palpitants des 7 ours nains :
attention détournement de contes !
Les contes palpitants des 7 ours nains est un recueil de trois histoires du talentueux Emile Bravo, déjà éditées en livre seul : Boucle d’Or et les 7 ours nains (2004), La faim des 7 ours nains (2005) et La belle et les ours nains (2009) parues aux éditions du Seuil Jeunesse. Ces trois récits délirants et hilarants mettent en scène les 7 ours nains et des personnages de contes et légendes connus du grand public, qui se rencontrent dans des situations cocasses et non-conventionnelles.
Boucle d’Or et les 7 ours nains : Alors que les 7 ours nains rentrent de leur travail dans les mines de sel, ils sont étonnés de l’état de leur modeste demeure : les placards ont été dévalisés et toute la nourriture a été mangée. La faute à une géante ! Cette jeune femme est une princesse qui s’est endormie sur les 7 petits lits. Pris de panique, les petits animaux décident de demander de l’aide au Prince tueur de géants. Ce dernier, un ancien tailleur, avait gagné de haute lutte le château en débarrassant la région d’un géant. Après l’exposé de la situation, il décide de relever le défi et accompagne les 7 ours nains chez eux…
La faim des 7 ours nains : Les 7 ours nains décidèrent de reconstruire leur maison après que leur dernière demeure fut détruite dans l’épisode précédent. Mais comme cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas travaillé, ils étaient sans le sou. Leur seule vraie richesse : une vache empruntée à Poucet qu’ils décidèrent de vendre au marché. L’un d’entre-eux fut désigné pour cette tâche ô combien importante ! Sur le chemin, il croisa un vieillard qui lui échange la vache contre un haricot magique. Mais un haricot ne nourrit pas son ours et la famine arriva… C’est alors que le Chat aux bottes fourrées toqua à la porte de la maison…
La Belle aux ours nains : Pour que la princesse se sente moins seule à son réveil, sa marraine la fée, plongea tout son royaume dans un sommeil de 100 ans. Au même moment, les ours sortirent de leur hibernation et découvrirent une princesse perdue qui voulait se réfugier dans leur maison : cette jeune et jolie jeune femme, c’était Blanche-Neige. Etonnés, il lui demandèrent ce que pouvait faire une princesse. Elle leur répondit : « ça se marie avec un prince ! » Ils désignèrent l’un d’entre-eux pour trouver un prince à cette princesse. Dans la forêt, le petit animal croisa la route d’un oiseau bleu qui se prétendait être un prince à qui l’on avait jeté un sort de transformation. Mais l’ours ne le crut pas. Pour le faire changer d’avis, ils partirent à la recherche de la fée marraine pour conjurer l’enchantement. Ils arrivèrent alors près d’un château où une réception était donnée par un très beau prince. L’oiseau insista pour que l’Ours Nain n’entre pas dans le palais…
Cette réédition en recueil des trois très bonnes histoires contées par Emile Bravo est fantastique. Drôle, décalé et quelque fois surréaliste, il permet à l’auteur de fournir un très bel exercice de style, de variations sur les contes populaires. Sourire et rire sont au rendez-vous. Le créateur du Journal d’un ingénu (Spirou) revisite de manière burlesque ces légendes connues. Les personnages sont très modernes : il y a là des héros apathiques et névrosés ou des princesses à moitié hystériques. La force de ce récit très bien construit et maîtrisé, ce sont ces deux niveaux de lecture : un premier degré pour les enfants et un second pour les adultes. Tous les publics peuvent donc apprécier ce très beau livre au format à l’italienne et au dos toilé. Le trait de Bravo est toujours aussi séduisant et élégant et participe activement au comique des situations. A noter qu’un très beau tiré à part est offert pour l’achat de cet album. Case Départ vous le recommande pour Noël : au pied du sapin, il peut faire une excellente impression.
- Les contes palpitants des 7 ours nains
- Auteur : Emile Bravo
- Editeur: Seuil Jeunesse
- Prix: 18€
- Sortie: 17 octobre 2013
Très mauvaises ondes pour Blake et Mortimer
Les deux héros so british du 9e Art sont de retour. Dans leur vingt-deuxième aventure, intitulé L’onde Septimus, nous retrouvons Blake et Mortimer en prise avec la diabolique machine inventée par le Professeur Septimus, capable de prendre le pouvoir psychique des hommes. Cet album se situe après celui imaginé par Edgar Pierre Jacobs, le formidable La marque jaune. Imaginée par Jean Dufaux et mise en images par Antoine Aubin et Etienne Schréder, cette histoire mélange aventure, enquête et fantastique.
Années 50. Londres. Un entrepôt de Southwark. Trois hommes et une femme se réunissent dans le plus grand secret pour honorer la mémoire de Jonathan Septimus, scientifique dévoyé, mort à la fin du fameux épisode de La marque jaune. Il y a là : le lieutenant Mac Farlane, commissaire de Police et chef de Scotland Yard, le banquier Oscar Balley, qui a fondé sa fortune sur les mines de charbon du Kent, le professeur et psychiatre Evangely, radié de l’ordre et Lady Rowana, jeune veuve à la recherche d’un nouveau mari fortuné.
Le psychiatre offre au chef du Yard, le disque frontal de Septimus qui lui permettait de contrôler mentalement ses interlocuteurs. Afin de poursuivre ses recherches machiavéliques, ils souhaitent continuer les expérimentations sur le Colonel Olrik. Ce dernier se trouve dans l’ancien quartier chinois de Londres, soigné par Tuog grâce de fortes doses de stupéfiants qui lui permettent de surmonter ses crise de folie liées à l’onde Septimus. Il fut le fameux Guinea Pig, celui qui se prosterne devant son maître.
Au même moment, Blake et Mortimer, invités au Centaur Club, sont interrompus par Millovitch, du cabinet du Home Office. Il somme Francis à le suivre dans un des hangars de King’s Cross : un homme comme possédé refuse de se rendre aux autorités. Alors qu’il tente de s’enfuir, le forcené reçoit une forte décharge électrique qui le foudroie sur place.
De son côté, Mortimer se trouve à Newham dans la banlieue de Londres. Le professeur a décidé d’investir l’ancien laboratoire aujourd’hui fermé de Septimus et de continuer ses recherches sur le fameux Télécéphaloscope dans le plus grand secret, sans même en parler à son ami Francis. Il souhaite ainsi orienter l’invention à des fins régénératrices, évitant ainsi la faim, la soif ou encore la fatigue.
Après avoir écouté dans les locaux du Yard, James Mercier, un nouvel homme touché de démence, Blake et Mortimer décident de se promener sur le boulevard devant la célèbre agence ; lorsque soudain le conducteur perd le contrôle de son véhicule et manque de peu d’écraser Francis. En approchant de la voiture, le célèbre duo assiste médusé à son embrassement après que le corps ait reçu des décharges électriques. Cette deuxième victime par le même processus, commence sérieusement à intriguer le professeur et le colonel. Mais encore plus étonnant lorsque Nasir, le fidèle serviteur de Philip lui révèle qu’il vient d’apercevoir la silhouette de Septimus dans le quartier de Bloomsburry, portant l’homme est décédé sous la sphère du Télécéphloscope.
Le récit de L’onde Septimus inventé par le prolifique scénariste Jean Dufaux est dense. Teinté de fantastique, il porte beaucoup plus sur Olrik et Septimus que sur Blake et Mortimer, délaissant surtout le colonel. Les deux héros sont d’ailleurs étrangement absents de la couverture. Il y a aussi peu d’actions : pas de réelles bagarres ni de poursuites en voiture et ni d’échanges de tirs. Dufaux essaie de moderniser la série, adieu donc les longs récitatifs, les « bye jove » et les « damned » ou le côté très kitsch chers à Jacobs. Voilà les petits bémols concernant cet album : le scénario est bon mais pas excellent.
Mêlant le suspens, humour so british et rebondissements, l’enquête est orientée comme un vrai polar. Un des points forts est le rapprochement inattendu entre Olrik et Mortimer. Cette relation inhabituelle sert bien le récit et apporte une grande humanité à l’infâme malfrat.
L’agréable surprise de cette nouvelle aventure est bel et bien le dessin. Le trait de Antoine Aubin et Etienne Schréder est fidèle à l’œuvre originale. Et c’est bon de le souligner, tant il est difficile de marcher dans les pas de Jacobs parce que ses codes graphiques sont prégnants. Aubin avait d’ailleurs travaillé avec Jean Van Hamme pour le second tome de La malédiction des 30 deniers, reprenant au passage le témoin du regretté René Sterne.
57 ans après le célèbre album La marque jaune, cette suite est agréable et assez maîtrisée, surtout du côté du dessin, moins du côté scénaristique. Pour comprendre ce nouvel opus, il vaut le mieux (re)lire pour ne pas être vite perdu par l’intrigue. Case Départ vous conseille aussi de vous replonger dans les très albums post-jacobs comme L’affaire Francis Blake (Van Hamme et Ted Benoit) ou encore Le serment des cinq lords (Sente et Juillard).
- Blake et Mortimer, tome 22 : L’onde Septimus
- Auteurs : Jean Dufaux, Antoine Aubin et Etienne Schréder, d’après Edgard-Pierre Jacobs
- Editeur: Blake et Mortimer
- Prix: 15,25€
- Sortie: 6 décembre 2013
Fables : 1001 nuits de neige
1001 nuits de neige est un album de la série Fables paru aux éditions Urban Comics. Scénarisé par Bill Willingham, il est illustré par un collectif d’auteurs. Regroupés en récits publiés mensuellement pendant 4 ans aux Etats-Unis, il met en scène des personnages familiers de tous (Le prince charmant, Blanche-Neige, le Grand Méchant-Loup…) transposés dans le monde moderne et racontent ce qui leur est arrivé avant ou après les légendes que l’on connaît.
Dans les tomes précédents, Les Fables, des héros immortels, ont été chassés de leur royaume par les armées d’un puissant et diabolique seigneur de guerre appelé l’Adversaire. Ils se sont alors réfugiés à New-York dans une colonie clandestine Fableville. Depuis des siècles, ils sont là parmi nous, sans que nous le sachions. Leur unique but : renverser l’Adversaire et récupérer leurs royaumes perdus.
Palais du Sultan. Blanche-Neige se présente au roi Shahryar en tant qu’émissaire de la communauté des Fables. Avant de pouvoir rencontrer le sultan, elle fut conduite dans des appartements en haut d’un tour où elle put se restaurer et s’apprêter. Mais elle dut attendre des semaines avant d’avoir un entrevue avec lui. Après un trop long délai, elle alerta le sultan des machiavéliques desseins de l’Adversaire contre les Fables d’Arabie. Elle proposa alors une alliance contre cet ennemi. Mais le sultan rejeta l’offre parce qu’elle venait d’une femme impure. Comme elle ne put le convaincre, elle décida de rester autant que faire ce peu.
Mais cela n’allait pas être aussi simple. Le sultan lui annonça qu’il allait le faire exécuter à l’aube. Pour repousser l’échéance, elle décida de lui raconter une histoire de vengeance : Les leçons d’escrime. A la fin de ce récit, les premiers rayons du soleil apparurent, Shahryar bailla de fatigue. Blanche-Neige lui proposa alors une deuxième histoire. Le temps manqua et piqué par la curiosité, il demanda de décaler d’un jour l’exécution. Le soir même, elle entreprit de conter cette nouvelle légende : Les tourtes de noël. Et ainsi de suite, pendant 1001 nuits…
Construit sur le même schéma narratif que les Contes des 1001 nuits, l’album alterne des textes narratifs illustrés et des planches de bande dessinée. Les différentes histoires de Bill Willingham sont à elles seules de vraies petites fables avec leur morale et leurs valeurs. Mélangeant habillement les différents contes et légendes connus, il en fabrique de nouvelles à part entière. Ici Blanche-Neige est le principal personnage jouant le même rôle que Shéhérazade dans le célèbre conte. Si les histoires sont relativement intéressantes et assez bien écrites, il n’en va pas de même pour la partie dessinée. Les planches des auteurs étant assez inégales d’un récit à l’autre. Si les dessins de Charles Vess et Mickaël Wm Kaluta (Une femme contrariante), de Mark Buckingham (Les tourtes de Noël), de James Jean (Sous l’œil du crapaud), de Esao Andrews, de Tara Mc Pherson, de Jill Thompson (Partage équitable) sont réussis et agréables ; en revanche ceux de John Bolton (Les leçons d’escrime), de Mark Whealtey (Modèle réduit) et de Derek Kirk Kim (L’amour d’une mère) sont beaucoup moins maîtrisés. Il en va souvent de même lorsqu’un collectif d’artistes se réunit pour créer un album.
- Fables : 1001 nuits de neige
- Auteurs : Bill Willingham et un collectif de dessinateurs
- Editeur: Urban Comics, label Vertigo
- Prix: 15€
- Sortie: 6 décembre 2013
Revanche, restaurateur de justice sociale
Raison sociale est le deuxième tome de la série Revanche, scénarisée par Nicolas Pothier et mis en images par Jean-Christophe Chauzy. Thomas Revanche a une double vie : il travaille pour la plus grande organisation patronale du pays et en parallèle, il lutte contre l’injustice sociale.
Dans la journée Thomas Revanche est l’assistant de la présidente du MODEF, le plus gros syndicat patronal du pays et le reste du temps, il restaure la justice sociale, avec ou sans arme. A travers de petites histoires, il se donne pour mission de redresser les torts causés par les notables, les banquiers et toutes les personnages qui détiennent le pouvoir et qui soumettent la France d’en-bas :
Déguisé en Superman, Revanche, dans Comics trip, s’en prend à un producteur de films véreux Languom, qui touche des aides du ministère de la culture et qui au dernier moments annule ces productions en ne payant personne.
Dans Burn-out, le justicier s’attaque à une entreprise de BTP qui use ses ouvriers au point de les retrouver morts en tombant d’échafaudages. C’est Marie, une de ses amies qui travaille à Pôle emploi qui lui soumet le dossier. Il découvre en plus de cela, que la DRH de la boîte et le contremaître détournent de l’argent de cotisations.
Dans Huis clos, il s’attaque à Gilles Beune, un brigadier de commissariat qui humilie et harcèle une de ses jeunes collègues Dom. Poussée à bout, la femme se suicidera. Il le fera tomber par une plainte à la police des polices.
Le lecteur apprendra même les motivations profondes qui ont poussé Revanche à devenir ce justicier si particulier, lui qui n’était qu’un simple journaliste. Comment il est passé d’observateur à acteur.
Châtiant à tour de bras, les patrons voyous, le héros Revanche, est jubilatoire, tellement on aimerait être à sa place pour se faire justice soit même contre les nantis qui avilissent les petites gens. Expéditif, le personnage imaginé par Nicolas Pothier est pourtant aussi dans la réflexion. Très politiques et engagés, ses récits font réfléchir, mais peuvent quelques fois déranger. Le trait de Jean-Christophe Chauzy est toujours aussi plaisant. L’auteur de la très belle série Clara, nous émerveille par ses planches semi-réalistes et des couleurs agréables.
- Revanche, tome 2 : Raison sociale
- Auteurs : Nicolas Pothier et Jean-Christophe Chauzy
- Editeur: Treize étrange / Glénat
- Prix: 13,90€
- Sortie: 20 novembre 2013
Lucika Lucika : un grain de folie
Lucika Lucika est un manga de Yoshitoshi Abe. Créé en 2009, il est encore en parution au Japon où il compte déjà sept tomes édités, voici le deuxième opus de la série. Il met en scène la vie mouvementée d’une petite fille nommée Lucika : catastrophes, rires et un grain de folie… c’est ça l’existence japonaise d’une enfant un peu fofolle.
Lucika est une petite japonaise de 6-7 ans qui vit avec Paa et Man, ses parents ainsi que Yukiki, sa grande sœur et son frère Masaru surnommé Marou qui ont tous les deux du mal à suivre la petite fille.
Curieuse et jamais à court d’idées complètement saugrenues, Lucika est un peu folle, cette folie douce qui berce de nombreux enfants. Pourtant cette folie est différente, elle déclenche souvent des catastrophes autour de la petite fille. Tout est propice aux jeux, aux quiproquos en tout genre :
Un simple rouleau de papier toilette demandé par Marou, devient pour Lucika bien plus que du papier, se demandant ce qu’il peut y avoir au bout.
Dans La créature aux rayures vertes, Lucika se questionne sur cet intriguant légume rond et de couleur verte. Les zébrures lui font tout de suite penser au zèbre, au passage piéton.
Yukiki et Marou achètent des pétards et mini feux d’artifice qu’ils font essayer pour la première fois à la jeune fille.
Elle décide aussi de capturer une petite cigale qui fait énormément de bruit…
Yoshitoshi Abe, l’auteur des anime Ailes grises ou Serial Experiments Lain, revient à ses premières amours avec un manga tout en couleur. Le récits de Lucika Lucika sont décalés, farfelus et surréalistes, souvent drôles et parfois poétiques. A travers les petites histoires, le lecteur découvre Lucika, une petite fille un poil psychopathe à l’imagination débordante où chez elle tous les coups sont permis. Pourtant la succession de petites scénettes ne permet pas d’avoir une grande unité dans le récit. Ce dernier est en effet un peu décousu et parfois un peu confus. Ce manga d’une grande fraîcheur peine pourtant à s’imposer. Si vous aimez les personnage complètement décalés et un peu barré, Lucika Lucika est fait pour vous, sinon, passez votre chemin.
- Lucika Lucika, tome 2
- Auteur : Yoshitoshi Abe
- Editeur: Ki-Oon
- Prix: 9,65€
- Sortie: 12 décembre 2013
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Nobles paysans, tome 1
Vous avez apprécié Silver spoon, dont Case Départ vous a présenté le tome 1 et le tome 4, alors vous aimerez la nouvelle série de Hiromu Arakawa, Nobles paysans. Ce manga est prépublié dans le magazine japonais Wings depuis 2009. Dans ce premier tome, la mangaka auteur du célèbre Fullmetal Alchemist – on en est d’ailleurs très loin ici – , nous emmène à Hokkaïdo pour nous parler de son enfance à la campagne.
Pour nous parler d’elle et les siens, dans cette autobiographie, Hiromu se représente en petite vache noire et blanche. Pendant 7 ans, elle va travailler dans la ferme familiale sur l’île d’Hokkaïdo au nord du Japon. Au cœur de ce tome : chat-ninja sur le packaging des bouteilles de lait, des saumons au milieu des champs après un typhon, un écureuil Tama de Sibérie qui vole des graines, une machine à arracher les pommes de terre ou encore les pesticides dans les légumes.
Originale, cette nouvelle série Nobles Paysans est souvent très drôle. Les personnages et les situations permettent toutes sortes de cocasseries. Habitants haut-en-couleurs et membres de la famille apportent une grand sens de la dérision. Beaucoup plus grand public que ses autres mangas Fullmetal Alchemist ou Hero Tales, il met en lumière le talent de conteur de Hiromu Arakawa. En bonus, un petit flip-book sur le bas des pages ! A déguster sans modération !
- Nobles paysans, tome 1
- Auteur : Hiromu Arakawa
- Editeur: Kurokawa
- Prix: 9,10 €
- Sortie: 14 novembre 2013
Cesare, tome 6
Alors qu’au Japon, les lecteurs ont découvert le dixième tome de la série Cesare, les français en sont au sixième opus. Le manga de Fuyumi Soryo, assisté de Motoaki Hara, est toujours aussi enthousiasmant, fait de machinations, de trahisons ou d’actions, tout cela à la Renaissance sous le règne des Médicis.
Pour vous mettre dans l’ambiance et rafraîchir votre mémoire, Case Départ vous propose de relire la chronique du tome précédent, ici.
Dans le tome 6, le lecteur va découvrir les auteurs de l’incendie de la manufacture dont les Médicis sont le soutien financier. Cette aide permet aux habitants les plus pauvres de Pise de travailler.
A l’université de Pise, c’est la traditionnelle Mêlée à cheval. Henri, de son côté profite de cette fête pour régler ses comptes avec le jeune Borgia. Tandis que Angelo va pouvoir prouver tout son dévouement à Cesare ; il offre la victoire à son camp en s’emparant par un heureux hasard, le drapeau ennemi. Dans le même temps, Cesare démasque ses ennemis et commence à réfléchir à un plan pour les contrer.
Le récit très dense de Fuyumi Soryo et Motoaki Hara avance lentement. Même si le lecteur avait déjà découvert l’identité de ceux qui complotaient contre Cesare, l’action et les rebondissements sont encore nombreux dans ce tome 6. Ce manga, au fur et à mesure des opus, maintient un bon suspens et les enjeux politiques et financiers sont de plus en plus palpables. Que dire des dessins, si ce n’est que les planches sont toujours autant maîtrisées et magnifiques. Les décors, les costumes sont parfaits, basés sur une grosse étude historique. A noter que Cesare est nommé dans la Sélection Officielle 2014 du Festival International BD d’Angoulême.
- Cesare, tome 6
- Auteurs : Fuyumi Soryo et Motoaki Hara
- Editeur: Ki-oon
- Prix: 7,90€
- Sortie: 14 novembre 2013