La sélection de la semaine : La quête de l’Oiseau du Temps, L’actu en patates, Scumbag Loser 2, L’art du chevalement, Gewalt 2, Les pieds noirs à la mer, El Tigre, Itinéraire d’un soumis et Daydreams 2

Pour cette dernière semaine de l’année 2013, Case Départ vous a concocté sa sélection d’albums. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : Le quatrième volet de la série d’héroïc-fantasy Avant la quête, la quête de l’oiseau du temps : Le chevalier Bragon, L’actu en patates : l’année 2012 sous les crayons de Martin Vidberg, le deuxième tome du manga fantastique : Scumbag Loser, un bel album sur les œuvres du Louvre-Lens : L’art du chevalement,  le deuxième volume du manga ultra-violent : Gewalt, Les pieds noirs à la mer : un album autobiographique de Fred Neidhardt, un album pour adultes : Itinéraire d’un soumis et un très bel ouvrage d’illustrations : Daydreams. Bonnes lectures !

Bragon devient chevalier

Le chevalier Bragon est le quatrième tome de la série Avant la quête, le deuxième cycle de la mythique et formidable série La quête de l’oiseau du temps. Pour cet opus, ce sont de nouveau Serge Le Tendre et Régis Loisel qui signent le scénario et Vincent Mallié qui met en images l’histoire. Dans cet album, le jeune Bragon devient chevalier après un combat remporté contre son maître Le Rige.

Depuis qu’il a quitté la ferme familiale, Bragon vit sur les terres du Rige. En cinq ans, il a beaucoup appris auprès de son maître d’armes et notamment à se battre, à chasser et se défendre. Pour le jeune homme, le temps de l’ultime épreuve est arrivée : il doit se battre contre lui. Pendant ce dernier combat à l’écart de tout le monde, tous les coups sont permis. Près de bassins renfermant des fleurs empoissonnées, poussé à bout, Bragon le terrasse et l’envoie dans l’eau. Alors que le maître aurait voulu mourir seul, le fier barbu désobéit et le soigne grâce à de l’onguent extrait de la pode rouge.

Avant de le laisser partir, Le Rige lui donne sa fameuse hache. Trois jours plus tard, il arrive à l’auberge de Flamine et commence à raconter tous les exploits qu’il a accompli durant son séjour chez son maître. Le jeune homme va rapidement se lier d’amitié avec Bulrog qui deviendra alors son compagnon d’armes.

Palais de la Marche des roches pourpres. La lutte pour accéder au trône est à son comble. Des mutins sèment la terreur et tuent un à un tous les membres de la famille royale. Seule rescapée, la dernière héritière du royaume Raya, une jeune fille muette, réussit à fuir. Avant de se donner la mort, son père lui confie un parchemin et lui indique la personne à qui elle devra le remettre : le prince Humoun, de la Marche des voiles d’écume.

Prise en chasse, Raya tombe de son animal volant, pas très loin d’où se trouve le néo-chevalier. Cette rencontre impromptue va changer ses plans. Après l’avoir sauvée de ses poursuivants, il l’emmène dans la ferme familiale. Passées les effusions des retrouvailles, la jeune fille est soignée par sa mère. A la lecture du parchemin, il décide d’escorter Raya, accompagné de Bulrog.

Extrêmement plaisant, Le chevalier Bragon, est un excellent album. Le récit du duo Serge le Tendre et Régis Loisel impose un rythme dynamique. Haletant, le scénario est solide et apporte son lot d’actions. Le lecteur ne sera pas dépaysé, retrouvant tous les personnages attachants rencontrés dans les précédents opus. Bragon prend sous son aile Bulrog comme lui-même a été l’apprenti du Rige, comme une sorte de filiation ; d’ailleurs le chevalier demandera à son nouvel élève de traire des bouverelles comme lui-même a pu le faire avec son ancien maître. Le trait de Vincent Mallié est fidèle à celui de Régis Loisel dans le premier cycle. Elégant, le dessin du jeune auteur, n’est pas pour autant un calque de son prédécesseur ; il a en effet, un style bien à lui. Le découpage est enlevé et les planches très équilibrées. Voilà l’une des belles surprises de cette fin d’année. Un excellent album dans la lignée de la série mère.

• La quête de l’oiseau du temps, cycle Avant la quête, tome 4 : Le chevalier Bragon
  
• Auteurs : Serge Le Tendre, Régis Loisel et Vincent Mallié
  
• Editeur: Dargaud
• Prix: 13,99€
• Sortie: 6 décembre 2013

Un an d’actus en patates

Tout est sous contrôle est le troisième tome de la série L’actu en patate, signé Martin Vidberg. Ce recueil regroupe les dessins d’actualités politiques et sociétales concernant la première année du quinquennat de François Hollande. Ils sont parus dans un premier temps sur le blog BD L’actu en patates, hébergé par le site internet du journal Le Monde. Tous les personnages sont représentés sous la forme de pommes de terre.

Martin Vidberg vit à la campagne avec sa femme et ses deux enfants. Tout est normal, il travaille à ses dessins tous les jours, tout est donc sous contrôle. Sauf qu’il n’y a plus de coca dans le frigo et là c’est la panique ! Il faut aller faire des courses et affronter les éléments extérieurs… Voilà comment, l’auteur commence son album, par ce petit préambule très amusant.

Puis dans les pages suivantes, le lecteur découvre les dessins issu du blog L’actu en patates créés entre septembre 2012 et septembre 2013. On y retrouve pêle-mêle : La politique en France et les débuts chaotiques du tandem Hollande-Ayrault (les impôts, la baisse de popularité, la réforme des retraites, le mariage pour tous, l’affaire Cahuzac…). Mais aussi le fiasco de l’élection interne pour la présidence de l’UMP (le combat des chefs entre Copé et Fillon), ainsi que l’ombre de Nicolas Sarkozy qui plane sur le mouvement. La politique internationale avec les élections présidentielles américaines : Barack Obama qui se représente et Mitt Romney son challenger ou encore l’Europe qui reçoit le Prix Noble de la paix, à la surprise générale. Mais aussi :  la fin du monde annoncée par les Mayas, la libération de Florence Cassez, l’intervention de l’armée française au Mali ou encore le conclave qui élira François, le nouveau pape, après la démission de Benoît XVI.

Bref, une actu très importante et passionnante en 2012, qui a permis à Martin Vidberg de s’en donner à cœur joie. Dans la veine des grands anciens, les dessinateurs de presse : Cabu, Siné, Plantu ou Pétillon, l’auteur rejoint les jeunes et talentueux commentateurs de la vie politique comme Catherine, Charb ou Jul. Décalés, les dessins sont souvent très drôles et bien sentis. La forme des personnages, en patate, apporte de la douceur et parfois même un peu de candeur et de naïveté. Il n’y a donc pas de méchanceté, comme dans Siné Hebdo ou Charlie Hebdo, mais plutôt de la douceur dans ce monde de brute. Le trait est sympathique et simple, touchant au but à chaque fois.

• L’actu en patates, tome 3 : Tout est sous contrôle
  
• Auteur : Martin Vidberg
  
• Editeur: Delcourt
• Prix: 16,95€
• Sortie: 20 novembre 2013

Masahiko en prise avec les démons

Case Départ vous a présenté le tome 1 de la série Scumbag Loser en octobre et voici que sort déjà le deuxième volume, édité par Ki-Oon. Ce manga fantastique d’épouvante de Mikoto Yamaguti est toujours aussi dérangeant et oppressant. Masahiko Murai est de plus en plus en prise avec des personnes transformées autour de lui.

Dans le précédent volet, le lecteur découvrait Masahiko Murai, un adolescent gros, laid, asocial, vulgaire, lâche et fétichiste. Alors qu’il ne souhaitait pas être le pire loser du lycée, il décida de se créer une relation avec une ancienne amie d’enfance, Haraka. Cette dernière, morte depuis plus de cinq ans, réapparaissait à l’école et confirmait les dires du jeune garçon devant ses camarades. Intrigué, il découvrit alors qu’une jeune femme avait pris son apparence et qu’elle était possédée et transformée en un véritable démon avide de chair fraîche. En échange de son silence sur leur prétendue relation, Masahiko devait lui livrer régulièrement des hommes ou des femmes pour assouvir ses envies.

Dans cet opus, Masahiko se réveille chez lui, après un mois de coma. En face de lui se tient Kaori, une jeune femme d’une vingtaine d’années, future épouse de son père et déjà divorcée par deux fois malgré son jeune âge. Tout est allé très vite pour les futurs mariés : il y a trois jours, son père la demandait en mariage et la cérémonie se déroulera le lendemain. Les époux ne se connaissant pas réellement. Très surpris et surtout très méfiant, l’adolescent se rend compte que le couple, lui aussi, est possédé et s’est transformé en démon assoiffé de sang. Dans un excès de colère, il tue son père à coups de batte de base-ball.

Le lendemain, il retourne au lycée, armé, au cas où il croiserait encore ces maudites créatures. A peine entré dans sa classe, il découvre avec surprise que Chihaya et Sâto, des camarades transformés, sont encore vivants. Il s’avance vers eux et les frappe avec sa batte. Alors que cela aurait dû affoler les autres lycéens, ces derniers applaudissent. Il reconnaît alors la fameuse odeur de la mort et du sang, si particulière aux personnes infectées par les démons. Ses camarades ainsi que le professeur sont eux aussi devenus d’horribles créatures. Après quelques coups portés, il saute à travers là fenêtre et réussit à s’enfuir. Dans une petite ruelle, il assemble les pièces du puzzle et commence à comprendre ce qui arrive : les démons se multiplient à grande vitesse autour de lui.

Cette suite de Scumbag loser est particulièrement réussie. Dans la même veine que le tome précédent, le manga mêle toujours aussi habilement l’horreur au fantastique. L’ambiance très oppressante est au rendez-vous et le récit de Mikito Yamaguti prenant est mené tambour battant. Les démons progressent autour de Masahiko et le jeune adolescent lui aussi se transforme en un véritable chasseur de ces maudites créatures, dont la plus importante Haraka, pensant que c’est elle le monstre créateur. C’est malsain et violent, mais on attend le dénouement final avec le tome 3.

• Scumbag loser, 2/3
  
• Auteur : Mikito Yamaguti
  
• Editeur: Ki Oon
• Prix: 7,90€
• Sortie: 12 décembre 2013

L’art et la mine

Rencontre intemporelle d’un jeune garçon mineur accompagné de son cheval et les œuvres d’art du nouveau musée du Louvre-Lens. C’est l’histoire qu’ont voulu raconter Loo Hui Phang et Philippe Dupuy dans cet album poétique, L’art du chevalement. Le lecteur découvre la vie quotidienne du mineur mais aussi les pièces importantes du musée.

Début du 20e siècle. Orphéo est un jeune mineur « meneu d’queviaux », meneur de chevaux qui travaille depuis quelques années dans la Fosse 9 de Lens. Son métier consiste à diriger son cheval Pigeon dans les galeries de la mine. Il est les yeux de l’animal qui tire des wagonnets remplis de charbon. Le garçon descend dans la mine comme son père et avant lui son grand-père ont pu le faire. Pigeon, quant à lui, était déjà chargé de tirer la marchandise depuis 10 ans avant que Orphéo arrive. Autour de lui, il y a aussi le Grand Dédé, son ami d’enfance et collègue dans la fosse, ainsi que Yvette, une jeune fille de son âge qui semble aussi être sa muse.

Alors que le petit mineur décide d’utiliser le chavalement pour faire remonter son cheval, un peu malade de la silice, à l’air libre, les deux complices se retrouvent projetés dans le futur. En face d’eux, la structure de verre du Musée du Louvre-Lens. Intrigués mais pas effrayés, le mineur entre dans ce merveilleux endroits remplis d’œuvres d’art qu’il n’avait jamais vu. La première rencontrée est la statue de Kouros de Paros (représentant un homme nu, -450 avant JC), qui lui fait étrangement penser à son ami le Grand Dédé ; puis une figurine féminine nue coiffée d’un diadème (Suse, -1300, -1100 avant JC) qui ressemble à Yvette. Mais le plus étonnant, c’est cette petite statue Idole aux yeux (Syrie, -3300, -3000 avant JC) qui commence à lui parler. Puis les autres œuvres se mettent à discuter avec lui, racontant leur histoire et leur spécificité.

La collection d’albums co-produits par Futuropolis et Le Louvre s’enrichit d’un nouvel opus. Après Le chien qui louche, de Etienne Davodeau, ou Période glaciaire de Nicolas de Crécy, l’auteure Loo Hui Phang et le dessinateur Philippe Dupuy (sans Charles Berbérian) créent L’art du chevalement. Le récit poétique de la romancière est tout en sensibilité et mêle habilement deux époques très lointaines mais proches à la fois : le début du 20e siècle dans les mines du Nord de la France et 2013 à Lens. Elle lance une belle passerelle entre ces deux mondes. Un retour vers le futur plus subtil qu’on ne le croit. Le héros est attachant, tant par sa candeur vis-à-vis des œuvres que de son rapport aux femmes ou que de sa vie difficile au fond de la Fosse 9. Il devient donc par la force des choses, une sorte de guide naïf du musée, rencontrant des statues ou des idoles. Son prénom Orphéo n’est d’ailleurs pas choisi au hasard, se rapprochant du mythe grec d’Orphée, capable de s’émerveiller pour des êtres inanimés. Le trait élégant du talentueux Philippe Dupuy se prête merveilleusement bien avec le récit poétique et très sensible de la scénariste. Les couleurs de Isabelle Merlet apportent une belle touche d’harmonie au dessin. Néanmoins, il manque ce petit plus qui aurait permis au lecteur d’être sous le charme, comme si ce dernier était resté un peu à l’écart du récit. A noter qu’un dossier est adossé à l’album comprenant un lexique sur le vocabulaire de la mine et celui de l’art, ainsi qu’une petite présentation des œuvres rencontrées dans l’album.

• L’art du chevalement
  
• Auteurs : Loo Hui Phang et Philippe Dupuy
  
• Editeur: Futuropolis en coédition avec Le Louvre-Lens
• Prix: 15€
• Sortie: 25 novembre 2013

L’Alphatribe dans le viseur du Gewalt

A peine le premier tome paru, les éditions Doki Doki publient le deuxième volet du manga Gewalt, signé du japonais Kôno Kôji. Dans ce volume 2, Ruito continue sa lente transformation de garçon gentil en méchant ultra-violent, entamée dans le premier tome, dont Case départ vous a parlé.

Né prématurément, Ruito Genba a beaucoup évolué depuis. Son changement est radical : il est devenu membre du Gewalt 5, un club de skateurs violents. Le deuxième tome s’ouvre sur la confrontation entre le jeune homme et Tête d’œuf, membre du clan Akiyama. Les coups pleuvent, les insultes aussi. Alors que les deux bagarreurs sont à la limite de leur force, Ruito assène un coup de tête à son adversaire, le laissant à terre. Mais ce dernier ce relève et s’enfuit. Rattrapé, c’est pourtant le jeune adolescent qui se retrouve quasi inanimé.

Guri, élève du lycée général, a décidé de prendre ses distances avec le Gewalt 5. Alors qu’il se bat avec un membre du clan, Taro, il lui raconte pourquoi il ne souhaite plus en être un acteur. Deux ans auparavant, l’un d’entre-eux Ginji se retrouve dans le coma à la suite d’une rixe opposant Gewalt 5 à L’alphatribe, un groupe d’anciens motards violents. Le jeune homme tomba dans une fosse creusée par ses amis, sous la menace de l’autre clan. Il chuta sur le crâne faisant de lui un légume. Le Gewalt 5 a alors cessé d’exister à ce moment là dans la tête de Gurio. Taro gardant le clan sous perfusion pour un jour se venger de ce terrible événement.

Le manga Gewalt prévu en trois tomes, est au summum de la violence dans ce deuxième volet. La série se poursuit toujours sur les chapeaux de roue, avec un rythme effréné, passant d’une bagarre à l’autre, sans temps-mort, laissant peu de place au lecteur pour souffler. L’apparition du nouveau clan L’alphatribe promet de nouvelles bagarres mais aussi un sentiment de vengeance de la part des anciens membres de skateurs. Au niveau graphique, c’est toujours aussi bon et les cases s’enchaînent à grande vitesse. Haletant, Gewalt ne laisse personne indifférent. Le dernier tome sera publié en février 2014. Un manga puissant pour les amateurs de seinen de type baston.

• Gewalt, tome 2/3
  
• Auteur : Kôno Kôji
  
• Editeur: Doki Doki
• Prix: 7,50€
• Sortie: 4 décembre 2013

Les pieds noirs à la mer :

au cœur de l’histoire

L’album Les pieds-noirs à la mer est une autofiction, en très grande partie autobiographique de Fred Neidhart. Il met en scène le jeune auteur montpelliérain dans les années 80 qui trouve refuge chez ses grand-parents alors que les premiers défilés anti-racistes voient le jour.

Alger 1962. Les grands parents de Daniel, le narrateur, fuient l’Algérie comme près d’un million de pieds-noirs. Vingt-trois ans plus tard, le jeune homme fait le mur et décide de rejoindre ses grands parents à Marseille. Après une nuit dans sa voiture, le jeune homme fait irruption dans le salon. Il y a là le grand-père et la grand-mère assis devant le journal télévisé : le présentateur y parle de La marche contre le racisme et des milliers de manifestants arborant fièrement le badge Touche pas à mon pote! Mais le vieux couple ne l’entend pas de cette oreille, ils pensent que le combat des anti-racistes est là pour légitimer les Arabes qui les ont chassés de leur pays d’adoption.

Après les accords d’Evian en 1962, les pieds-noirs ne sont pas les bienvenus en France et plus particulièrement à Marseille où ils débarquent sans rien. Le climat est délétère. Un leader de la GCT dockers dira d’ailleurs : « Les pieds-noirs à la mer ! » Le maire de la cité phocéenne, Gaston Deferre prononcera à leur encontre : « Qu’ils aillent se faire pendre ailleurs ! ». Les ressentiments sont alors de plus en plus grands entre l’Algérie et ces expatriés.

Mais il y a là beaucoup de contradictions :les grands parents sont contre les arabes alors qu’ils ont vécu très longtemps en Algérie avec autour d’eux des arabes et ils ont assimilé leur culture. Papi était un dentiste réputé. Pas à un paradoxe près et même encore à la retraite, il continue de soigner les arabes parisiens. De plus le grand-père est antisémite alors qu’il a lui même épousé une juive de Constantine. Mamie, elle injurie toujours les gens en arabe et ne tient en aucun cas qu’un de ses petits-fils épouse une algérienne. Horrifié par de telles paroles, Daniel, pourtant ne veut pas choisir son camp et rejeter ses grands parents, car quoiqu’ils disent, il les aime.

Daniel, à cette époque, commence tout juste à dessiner. En rupture très forte avec ses propres parents, il souhaite que sa famille se réconcilie. Pour cela, il décide de recoller les morceaux entre sa grand-mère et son cousin épris d’une jeune algérienne.

Les pieds-noirs à la mer est un album très fort. Le récit dense de Fred Neidhart est très touchant, tout en pudeur. Il raconte brillamment tout le paradoxe du jeune Daniel : l’amour qu’il porte à ses grands parents et la haine de leurs propos si xénophobes ; ce grand écart presque impossible à tenir. Même si parfois les paroles sont dures, le message positif de l’album est plein d’espoir. La narration et les dialogues de Neidhart sont extrêmement bien maîtrisés. Le petit bémol viendrait du trait zoomorphe de l’auteur. Les personnages représentés sous la forme d’animaux, s’ils permettent un grand recul face à l’histoire, sont parfois inégaux dans leur traitement. Un beau livre qui fait œuvre de travail de mémoire.

• Les pieds noirs à la mer
  
• Auteur : Fred Neidhardt
  
• Editeur: Marabout, collection Marabulles
• Prix: 13,50€
• Sortie: octobre 2013

El Tigre :

 pièce de théâtre déjantée

El Tigre est un roman graphique de Alfredo Arias et mis en images par José Cunéo. Il reprend en dessins le spectacle musical déjanté donné depuis le 17 décembre et ce jusqu’au 12 janvier au Théâtre du Rond Point à Paris, avec dans le rôle du fantôme de Lana Turner, Arielle Dombasle. Dans cet album surréaliste, les deux auteurs ont voulu raconter l’histoire d’hommes se grimant en femmes donnant des réceptions avec leurs amis pour reconstituer des chefs-d’œuvre hollywoodiens.

Argentine, delta du Rio Parana. Près de la capitale Buenos Aires, se situe la petite ville de El Tigre. Cette localité est parsemée d’îlots, dans le bayou, lieu de villégiature des alligators et des maisons exotiques sur pilotis.

Dans l’une de ses sublimes maisons vit Ricardo Robles et son employé Fernand Fricotin. Tous les deux ont une drôle de passion : ils aiment à se déguiser en femme. Le propriétaire très riche après avoir reçu un gros héritage, devient alors Madame Holy, femme ressemblant étrangement à Cher habillé en panthère et l’homme de main lui devient Dark, une femme de ménage de couleur, avec coiffe et tablier blancs. Ce dernier s’habille en noir car Madame Holy a toujours rêvé d’avoir une camériste noire comme Mae West. La maîtresse de maison, quant à elle, part souvent dans des songes surréaliste où elle rencontre Fata Fatale, « la fée protectrice des pédés cinéphiles », qui présente les futurs films à jouer.

Toutes les deux attendent avec impatience leurs invités pour rejouer les scènes d’un film culte hollywoodien Mirage de la vie, de Douglas Sirk avec Lana Turner dans le rôle principal. Mais tout ne va pas se dérouler comme ils le souhaitent. Tout d’abord, Dark va se faire mordre le bras droit par un caïman. Il sera recousu grossièrement par Holy. Ensuite le Tropical Ferry, le bateau qui emmène les invités est totalement vide. A la place des passagers, des poissons nagent sur les sièges abandonnés. La seule rescapée est La Tota, la bonne indienne de Nadia, la manucure. La petite femme très ronde et au physique peu avantageux doit remplacer sa patronne dans le rôle-titre de Lana Turner. Dark, quant à elle, pense que cette bonne est venue lui prendre sa place. Excédée par les mauvais traitements donnés par Madame Holy et le fait que son bras ne soit pas soigné correctement, la gouvernante décide de faire ses valises et de partir, le soir du film.

Le récit de Alfredo Arias, auteur et metteur en scène à l’imagination débordante, dynamite tout sur son passage. Il est très surréaliste, parfois difficile à suivre, tellement il y a de rythme et que cela part dans tous les sens. Les personnages sont déjantés et telles des tornades emportent tout sur leur passage. Stimulé par la découverte d’un album photos Casa Susanna qui regroupait des clichés de travestis américains rassemblés près de New-York pour y vivre leurs fantasmes de femmes ; Arias décide d’écrire alors El Tigre. Pour composer le livret du spectacle, il fait appel à René de Ceccatty, pour la musique à Bruno Coulais et pour la scénographie à José Cuneo; c’est lui-même qui met en image le roman graphique. Le trait en noir et blanc très simple de l’auteur argentin rend bien la folie du metteur en scène pour ce vaudeville complètement absurde.

• El Tigre
  
• Auteurs : Alfredo Arias et José Cuneo
  
• Editeur: Les Contrebandiers
• Prix: 20€
• Sortie: 2 janvier 2013

Itinéraire d’un soumis

(album pour adultes)

Itinéraire d’un soumis est un album pour adultes signé  Fée Tishe et dessiné par Axterdam. Il raconte son parcours initiatique pour les pratiques sadomasochistes.

Fée Tishe est un parisien célibataire de 35 ans. Très bel homme, il aime les pratiques extrêmes dans le sexe. Il se soumet volontairement à des femmes dominatrices pour qu’elles l’humilient. Il n’a pourtant jamais été martyrisé dans son enfance, mais c’est juste qu’il apprécie le fouet, la cravache et être lié, donc tous les châtiments corporels donnés par une femme dominatrice.

Sa première expérience se déroula lors d’une soirée organisée par 4 femmes. Lady Lou, sa domina, lui demanda d’être son petit chien de compagnie. Après quelques difficultés, il entra dans son rôle de petit toutou dressé. Adaptes du latex, les femmes sortirent leurs plus belles tenues et Fée Tishe devint alors leur joujou, encagoulé. Surprenant, il commença à apprécier la souffrance sexuelle.

Ce roman graphique mis en image par Axterdam peut paraître dérangeant pour les non-initiés à ces jeux sexuels très border-line. En effet, le récit de Fée Tishe est très cru et ne lésine pas sur tous les petits détails sadomasochistes de ses rencontres. Le livre alterne donc les textes narratifs, souvenirs du scénariste et des illustrations très évocatrices du dessinateur. Les soirées BDSM parisiennes sont très décrites, très équivoques et sans aucune censure. Le trait d’Axterdam reste quant à lui très classique dans son approche. Un album à ne pas mettre entre toutes les mains; uniquement pour les fans de ce style de sexualité.

• Itinéraire d’un soumis
  
• Auteurs : Fée Tishe et Axterdam
  
• Editeur: La Musardine – Alixe BD
• Prix: 15€
• Sortie: 12 novembre 2013

Et pour quelques pages de plus…

Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :

Daydreams, artbook  n°2

Le magnifique artbook numéro 2 de la série Daydreams est signé par Nicoletta Ceccoli, publié aux éditions Soleil dans la collection Venusdea.

Cet album fascinant d’une cinquantaine d’œuvres, est divisé en quatre chapitres, : Toy stories dont les illustrations concernent les jouets, la deuxième partie Eat me drink me porte sur les plaisirs gourmands, des scènes poétiques et oniriques sont au cœur du troisième chapitre intitulé Heavenly nightmares et enfin la dernière partie est un très bel hommage aux monde d’Alice au pays des merveilles Almost Alice. En plus des belles illustrations, il y a un long entretien proposé par Fanny Giniès, une biographie et une bibliographie.

Les dessins de Nicoletta Ceccoli est un mélange subtil entre le très beau et les pires cruautés, voire même parfois le glauque. Ils sont sensuels mais aussi troublants et étranges. Ses héroïnes, au regard mélancoliques, sont à la fois fragiles et fortes, à la fois naïves et cruelles.

La peinture de Nicoletta est ainsi : à la fois rêveuse, mélancolique, séduisante… et parfois aussi, dérangeante et inquiétante. Elle emporte son lecteur et le submerge d’émotions vives et contradictoires qui ne peuvent le laisser de marbre. Les illustrations sont envoûtantes et hypnotisantes.

Récompensée par le Prix Andersen en 2001, puis par la médaille d’argent de The Society of Illustrators en 2006, Nicoletta Ceccoli est une artiste dont le travail s’expose dans de prestigieuses galeries à l’international.

Elle réalise quelques couvertures de titres de la collection Actes Noirs aux éditions Actes Sud. Mathias Malzieu, chanteur de Dionysos et écrivain l’a choisi pour réaliser le design des personnages pour son film d’animation La mécanique du cœur, dont la sortie est prévue en février 2014. Elle a aussi créé des bijoux pour la maison La Marelle.

• Daydreams, artbook n°2
  
• Auteur : Nicoletta Ceccoli
  
• Editeur: Soleil, collection Venusdea
• Prix: 27,50€
• Sortie: 20 novembre 2013