Une fois de plus, rendons à la Belgique ce qui lui appartient. Dans la famille des grands de la BD, je voudrais Philippe Foerster, petite soixantaine, étudiant à l’institut Saint-Luc à Bruxelles, en même temps que les Andreas, Schuiten, Sokal ou Berthet…
A la fin des années 70 , l’homme débarque en France, où un certain Marcel Gotlib lui ouvre les portes du journal Fluide Glacial. Nous sommes en 1979. Commence alors pour ce dessinateur particulier une longue et fructueuse collaboration avec le magazine auquel il livrera pendant 20 ans plus de 120 histoires courtes en noir et blanc. On remarque tout de suite la « patte » Foerster, son univers décalé et fantastique…
De « Certains l’aiment noir » ( 1982) à « L’appel du fossoyeur » en passant par « Nuits blanches », « La Soupe aux cadavres », « Hantons sous la pluie » ou « Instants damnés », les talents de Foerster se sont beaucoup exprimés à travers le fantastique. Aujourd’hui, les éditions Fluide Glacial publient une belle intégrale de 288 pages, « Certains l’aiment noir », bel hommage à l’oeuvre du dessinateur
Froid dans le dos
Les amateurs du genre ( et les autres) trouveront dans ce gros livre une sélection de 48 histoires écrites et dessinées pour Fluide Glacial entre 1979 et la fin des années 90. Si on y retrouve par intermittences Théodule Gouâtremou, représentant de commerce peu ragoûtant, on y croise à chaque case, ou presque, tout un peuple de personnages torturés, aux visages affaissés et déformés, certains monstrueux, évoluant dans un univers morbide, macabre, parfois à la limite de l’horreur.
De l’enfant qui apprend le mal à l’école, devient diable et tue son père ( « C’est pas beau de mentir, fiston! ») au médiocre employé de bureau qui s’efface peu à peu jusqu’à ne plus existyer aux yeux de ses proches ( « Henri Lambiotte n’est qu’un zéro ») c’est ici tout un arsenal de contes dérangeants qui nous est proposé. Foerster sait construire et raconter des scenarios impossibles et inquiétants. Avec un trait ciselé, des perspectives affolantes et malmenées, des noirs et blancs très appuyés, il nous embarque immanquablement dans « ses » mondes tous plus loufoques les uns que les autres. A l’image d’un Franquin qui a trimballé avec lui ses « Idées noires », Foerster fait ressurgir avec force dans notre imaginaire de lecteur nos ancestrales peurs du noir… A lire (ou à relire) absolument. Dans ses remerciements en préambule à la préface dessinée de Ferri et Larcenet, Foerster mentionne: « …/… et toutes mes excuses aux pauvres lecteurs qui ont passé de longues nuits de cauchemar, m’ont-ils dit, pour avoir lu ces monstruosités trop jeunes… »
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Certains l’aiment noir (Intégrale Foerster)
- Dessin et scénario: Philippe Foerster.
- Editions Fluide Glacial.
- Parution: 19 février 2014.
- Prix: 35 €.