Pour ce dernier samedi de mai , Case Départ vous ouvre sa malle aux albums, pleine de nouveautés et vous conseille certains sortis il y a peu. Parmi eux, il y a quelques belles bandes dessinées. Dame un beso : un roman graphique mettant en scène un trio amoureux, la réédition du Constat de Davodeau, Zombie walk : un thriller effrayant se déroulant à Strasbourg, le premier tome du très bon polar fantastique : Private liberty, Omaha beach 6 juin 1944 qui revient sur la plus célèbre photo de Robert Capa, Panthers in the hole : une biographie dessinée sur l’enfermement des 3 d’Angola faisant partis des Black Panthers, un album décalé de David Snug : Les rois de la récré, le nouveau roman graphique manhua de Li Kunwu : Empreintes, l’adaptation dessinée du roman de Stefan Wul : Rayons sur Sidar, le premier tome du manga : Entre ciel et terre, Britannia : la nouvelle aventure de Alix, Québec Land ou comment réussir sa nouvelle vie au Canada, la nouvelle série tirée de l’univers du jeu vidéo Dragon Quest : Emblem of Roto et le troisième tome de la série jeunesse : Grrreeny. Bonnes lectures !
Trio amoureux
Cet article est désormais disponible sur Comixtrip très précisément ici: Dame un beso
- Dame un beso
- Auteur : El don Guillermo
- Editeur: Misma
- Prix: 20€
- Sortie: 22 mai 2014
Sur la route
Dargaud propose ce mois-ci la réédition de l’album de Etienne Davodeau, Le constat. Publié la première fois en 1996, il conte l’histoire de trois personnes qui se retrouvent, par hasard, dans la voiture de Vincent afin de tous fuir leur vie vers un univers meilleur.
Maison de retraite, Les platanes. Abel, un des résidents en sort, sac de sport rouge à la main. Il vient de décider de fuir et de ne plus revenir dans l’établissement. Il a rendez-vous avec son passé.
Station service Shell. Vincent, ex-ingénieur et petit délinquant-trafiquant, est en prise avec le pompiste qui pense qu’il va l’arnaquer. Le jeune homme n’ayant pas d’argent sur lui pour l’achat de l’essence, lui promet de revenir avec l’argent qu’il aurait laisser chez lui. Alors que l’empoignade est à son paroxysme, Abel tend un billet au vendeur. En payant pour lui, Vincent s’engage à conduire le vieil homme où il le souhaite.
Avant de prendre l’autoroute, le conducteur repasse chez lui pour récupérer des affaires ; lui aussi veut fuir sa drôle de condition, ainsi que des hommes de main qui l’attendent au bas de son immeuble. Pour réussir leur fuite, le retraité rusé crève les 4 pneus des poursuivants. S’engageant sur la route, ils font un détour dans le garage de Manu, un ami de Vincent. Ce dernier lui demande d’aller chercher des affaires et ses papiers chez lui. Le lendemain, le garagiste s’exécute mais lorsqu’il revient, l’appartement a été fouillé et il décide de lui prêter des vêtements.
Alors qu’il voulait laisser Abel chez son pote, ce dernier avance encore de l’argent pour la suite du périple. Pour passer le temps, le vieil homme commence à lui raconter sa modeste vie, faite de douleurs dans un camp de la mort nazi parce qu’il était communiste-résistant, ainsi que la disparition de ses 4 enfants et de la mort de sa femme, quelques temps après leur retour en France. Toujours poursuivis par les deux hommes, ils enchaînent les problèmes liés à la vieille voiture de Vincent. Grâce à l’aide d’un croque-mort et une nouvelle fois à l’ingéniosité de Abel, ils reprennent leur trajet. Sur la route, ils croisent Rose, une jeune auto-stoppeuse…
Case Départ aime beaucoup Etienne Davodeau ; d’ailleurs nous vous avions déjà parlé du Chien qui louche (Futuropolis) et Les ignorants (Delcourt). L’album qui est réédité aujourd’hui, Le constat est le premier one-shot de l’auteur ; il fut publié après la trilogie Les amis de Saltiel (Dargaud, 1992). Ce sublime road-movie, l’un des premiers du genre en France, est d’une très grand maîtrise de la part de Davodeau. Le récit dense et efficace, repose sur un trio improbable, aux histoires différentes mais qui va réussir à en faire un point commun : l’envie d’ailleurs. Entre Vincent, ex-ingénieur, qui a voulu doubler des caïds quasi mafieux dans un trafic de télévision d’un nouveau genre et à l’amour incertain ; Abel, le vieux communiste à la recherche de son passé, des ses enfants ; et Rose, jeune femme idéaliste qui passe son temps sur les routes à faire de l’auto-stop pour voir le monde. Les deux hommes souhaitant solder leur passé et rêvant d’un futur meilleur. La force de l’auteur de Geronimo réside dans sa capacité à raconter la vie des gens simples comme monsieur tout-le-monde, des anti-héros à la vie écorchée. Comme si leur quotidien ne leur suffisait plus et que leur destin prenait le pas sur leur existence. Les dialogues d’une grande élégance contrastent avec la noirceur des histoires personnelles des personnages. L’histoire bouleversante touchante est magnifiée par un trait vif, presque jeté.
Le constat : première œuvre forte et touchante de Davodeau. A (re)découvrir avec plaisir…
- Le constat
- Auteur : Etienne Davodeau
- Editeur: Dargaud, collection Long courrier
- Prix: 15,99€
- Sortie: 23 mai 2014
Les zombies déferlent sur Strasbourg
Les éditions du Long bec publient ce mois-ci un thriller effrayant Zombie Walk, une histoire de Fabrice Linck mise en image par Guiseppe Manuta.
Strasbourg. Des manifestants se sont massés devant le siège des laboratoires Lenz. Ils scandent des slogans contre le Sarnex, le nouveau médicament miracle de la firme, qui permettrait de coaguler le sang et ne laisser aucune plaie après une blessure. A la tête de la manifestation, Rachel, ancienne collaboratrice chez Lenz et son compagnon Franck, ancien scientifique de la firme. Pour les deux ex-employés, le médicament est instable et les tests pas assez fiables. Pourtant, les dirigeants du laboratoire n’en n’ont que faire, ils savent que le mouvement ne sera entendu ni par le ministère de la santé ni par les autorités médicales.
Le jeune homme retrouve son ancien collègue Eric qui travaille toujours au sein de l’entreprise. Et pour une obscure raison, il va faire détourner le fourgon contenant Mister K, un animal mutant porteur d’un virus. Alors que ses deux complices tentent de voler le camion, la bête s’échappe et contamine les deux hommes qui deviennent alors des zombies.
Pendant ce temps, le PDG de Lenz lance sa conférence de presse pour détailler les ventes de Sarnex. Le premier infecté commence à fendre la foule de manifestants et débute son entreprise de destruction. Rachel et Nicolas, un ami, se retrouvent vite débordés par les zombies se multipliant sous leurs yeux. Acculés dans une salle du laboratoire, seule la jeune femme en réchappe par le système d’aération.
Franck, de son côté, est recherché par des super-flics mandatés par le gouvernement pour trouver une solution au problème qui se répand comme une traînée de poudre…
Ce thriller de Fabrice Linck est captivant et bien écrit, mêlant habilement l’horreur et les scènes d’action. Cette histoire, dans l’air du temps, mettant en scène des zombies est menée tambour-battant, enchaînant les scènes et permettent au lecteur d’être accroché jusqu’à la fin de l’album. Mais elle n’est pas qu’un album effrayant, elle appuie sa thèse sur la dénonciation des dérives des laboratoires pharmaceutiques, tout puissants et exerçant un lobby fort y compris sur les gouvernements. Elle dénonce par la même occasion les manipulations génétiques. Le trait quasi schématique et proche du story-board de Guiseppe Manuta permet de donner un rythme d’enfer au récit. Ce style vif et épuré en noir et blanc convient parfaitement pour les figures décharnées des zombies.
Zombie walk : un bon thriller mettant en scène des zombies et au graphisme original. Un album plaisant.
- Zombie walk
- Auteurs : Fabrice Linck et Guiseppe Manuta
- Editeur: Editions du Long Bec
- Prix: 12,95€
- Sortie: 09 mai 2014
Private liberty : excellent polar fantastique
Voilà une très belle surprise que cet album Private Liberty. Ce polar teinté de fantastique mâtiné de super-héros, est scénarisé par Nerac et Jean-Blaise Djian et mis en image par Cyrille Ternon. Prévu en triptyque, le premier tome L’échelle de Kent est publiée par les éditions Vagabondages.
Omaha beach, 2008. Un cadavre est découvert sur la plage. Ecrasé par un Range Rover, l’homme est aussi décapité. Pourtant, un mystère demeure : il n’y a pas de traces de pneus derrière la voiture. L’homme qui l’a découvert au petit matin, c’est Jean Fanal, journaliste dans un quotidien local où il s’occupe de la rubrique des chiens écrasés. Cynique, à la repartie acerbe, il connaît personnellement Claire, adjudant à qui l’enquête est confiée. Fouinant dans les parages, il est renvoyé des lieux par les policiers exaspérés.
Pourtant ce n’est pas un hasard s’il se retrouve dans les environs de Bayeux : Serge, son père, qu’il ne côtoie plus depuis de nombreuses années, l’a appelé sans lui laissé de message. Intrigué, il devait donc lui rendre visite parce qu’il habite un mobile-home sur la plage, mais il a trouvé le cadavre avant. Sans réponse alors qu’il frappe à la porte, il découvre que Serge a disparu et que son habitation a été retournée dans tous les sens.
De ses parents, il ne connaît finalement pas grand-chose. Mystérieux et peu présent dans sa vie, son père serait né le 6 juin 1944 et sa mère serait décédée alors qu’il était tout-petit.
Le lendemain, se présentant au bureau de Claire pour qu’elle lui confirme les premiers éléments qu’il a récolté, elle lui adresse un fin de non recevoir. Le barman de la ville aurait aperçu le futur mort en compagnie de deux molosses habillés en noir et d’un homme en fauteuil roulant.
Curieux, Jean décide de rendre visite à son ami Alvin qui lui doit un service. Médecin légiste, l’homme lui fait une révélation incroyable sur le corps du défunt : lors de l’autopsie, il n’a pas réussi à inciser la peau du mort, comme s’il avait une carapace en fer ! De plus, il lui apprend que trois autres personnes de même taille et gabarit sont mortes de façon similaire dans les semaines précédentes. Sorte de mutants indestructibles, ces hommes fascinent le journaliste.
Le lendemain, Alvin est retrouvé noyé dans le port de Caen. Claire et ses deux collègues viennent chercher Jean, chez lui, parce qu’il est la dernière personne à avoir eu la victime au téléphone. Faussant compagnie aux policiers, il est kidnappé par les sbires de l’homme au fauteuil roulant…
Le récit de Nérac et Jean-Blaise Djian est formidable, alternant le suspens, l’action et le fantastique. Teinté d’un bel humour cynique grâce à la personnalité de Jean, il met en scène de drôles de super êtres humains indestructibles. L’intrigue policière est parfaitement menée par le duo de scénaristes au fur et à mesure de l’album, en distillant des indices précieux. Le suspens intéressant repose sur une intrigue à tiroirs où le passé des protagonistes joue un rôle primordial. Les nombreux rebondissements permettent de tenir en haleine le lecteur. Le trait réaliste de Cyrille Ternon est extrêmement efficace. Les cadrages et le découpage simples sont agrémentées de magnifiques couleurs de Kanigaro.
Private Liberty : un polar fantastique original et rondement mené. Vivement la suite !
- Private liberty, tome 1/3 : L’échelle de Kent
- Auteurs : Nérac, Jean-Blaise Djian et Cyrille Ternon
- Editeur: Vagabondages
- Prix: 13.90€
- Sortie: 25 avril 2014
Qui est le monstre botté ?
Delcourt publiait, il y a peu, sa série concept 7, one-shot à la thématique commune : 7 mercenaires, 7 prisonniers ou 7 yakuzas. Dans chacun de ces albums, que l’on pouvait lire indépendamment, le lecteur faisait la connaissance avec 7 personnages. Et parmi ces ouvrages, il y avait 7 détectives, scénarisé par Herick Hanna et mis en image par Eric Canete.
Pour cette deuxième saison, le scénariste a décidé de raconter une histoire au travers de ses 7 fins limiers vus dans 7 détectives. Vous suivez ? Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas compliquer à comprendre. Pour ce premier tome de la série spin-off Détectives, Hanna met en scène Miss Crumble dans une histoire seule, dessinée par Sylvain Guinebaud.
Adélaïde Crumble, institutrice à la retraite, n’a pas le temps de s’ennuyer dans son superbe jardin fleuri. Elle veille sur la tranquillité des habitants de Sweet Clove, une petite bourgade anglaise.
Adelaïde est mécontente : des jeunes garnements se sont introduits dans son jardin pour y dérober des fraises. Les menaçant dans un premier temps avec sa fourche, elle récupère ensuite son tromblon pour chasser les malotrus. Le dernier a déguerpir, c’est Jimmy Cook, qui n’hésite pas à défier la femme en lui lançant une fraise sur le front à l’aide de son lance-pierres.
Cet événement plutôt amusant est stoppé par l’arrivée impromptue de Elisabeth Pumcake, sa remplaçante à l’école. Elle lui fait une étrange confidence : John Crackersmith, comte que tout le monde croyait mort à la guerre, est revenu d’entre les morts ! Le séduisant jeune homme, que toutes les femmes s’arrachaient est de retour. La veuve éplorée n’est plus veuve et souhaite organiser une réception pour fêter l’événement.
Le comte vient rendre visite à Miss Crumble, son ancienne préceptrice, afin de l’inviter à la soirée. Et comme la nouvelle institutrice et une autre amie, Madame Flange, en mauvaise posture, sont elles aussi là, l’homme décide de les inviter aussi.
Quelques jours plus tard, de nuit et près de l’hôtel Cove at first sight, l’institutrice tombe par hasard sur le comte, venu réserver des chambres dans ce lieu plutôt malfamé. Entre quelques révélations sur sa vie, l’homme apprend que Adelaïde a souvent aidé la police dans ses enquêtes, grâce à son sens aigu de l’observation. Ce moment privilégié est interrompu par un cri déchirant le silence de la nuit : Elisabeth a été agressée dans sa maison. Blessée à un bras, elle aurait été attaqué par le Monstre botté…
Que voilà un album réjouissant ! Cette enquête de Miss Crumble se déroule avant la série mère 7 détectives (sorte de préquel). L’album se concentre donc sur l’héroïne la plus discrète de la série. Et la réussite de l’album est à mettre à l’actif d’un scénario dense, très équilibré et très bien écrit, dans la veine des romans de Agatha Christie ou Arthur Conan Doyle. En effet, Adelaïde Crumble ressemble farouchement à Sherlock Holmes : beau phrasé, élégance, intelligence, humour dévastateur et un sens aigu de l’observation : elle n’a pas peur et paye de sa personne dans l’enquête ; sa robe et ses gants ne l’empêchant pas d’escalader ou de se battre. Les personnages, attachants et très drôles, sont accompagnés de dialogues savoureux et ciselés. Les multiples rebondissements complétement fous voire burlesques rythment agréablement ce moment de lecture-plaisir. Les hommages et clins d’œil sont nombreux, outre l’époque victorienne des romans policiers anglais, il y a aussi le jardinier-amant de la veuve du comte comme dans Desperate Houswives. Pour conclure l’histoire, un très bon « épilogue », à la sauce anglaise vient la parachever. Le trait rétro de Sylvain Guinebaud est d’une élégance parfaite. Les planches pleine de vie sont agrémentées de couleurs vives de Lou. Le graphisme est donc lui aussi d’une très grande qualité.
Sont annoncés Richard Monroe en août et Ernest Patisson en janvier 2015, toujours scénarisés par Hanna. Case Départ a hâte de découvrir ces nouveautés tant le premier est une agréable réussite.
Miss Crumble : un album plein de charme et d’humour pour une intrigue solide mâtinée d’hommages aux polars anglais. A lire !!!
- Détectives, Miss Crumble, Le monstre botté
- Auteurs : Herik Hanna et Sylvain Guinebaud
- Editeur: Delcourt, collection Conquistador
- Prix: 14,50€
- Sortie: 07 mai 2014
Un quart de seconde pour l’éternité
The face in the surf est le nom donné par les américains au célèbre cliché photographique de Robert Capa montrant un GI à moitié couché dans l’eau sur la plage d’Omaha beach, 6 juin 1944. Soixante-dix ans après cet événement, Jean-David Morvan et Dominique Bertail ont la brillante idée de raconter sous forme d’autobiographie : comment et dans quelles conditions cette photo fut prise par le photo-reporter. L’album présente 60 planches ainsi qu’un dossier associant des clichés et une biographie de Robert Capa, écrit par Bernard Lebrun, le tout publié dans une magnifique monographie par Dupuis et l’agence Magnum.
Janvier 1944, sur le front italien. Robert Capa profite du brouillard artificiel des alliés pour se ravitailler en champagne afin de le partager avec ses autres collègues reporters. Il vient d’apprendre que le Débarquement en France est imminent et décide de retourner à Londres dans l’espoir d’être choisi par l’Armée américaine afin de couvrir la future bataille. C’est d’ailleurs Eisenhower en personne qui accueille les journalistes afin de leur présenter le projet et donner des instructions aux potentiels retenus.
Londres, 29 mai. Parmi les centaines de correspondants de guerre, Capa est désigné avec seulement une douzaine de collègues. Il sera intégré au 16e Régiment d’Infanterie qu’il avait déjà suivi sur le théâtre d’opérations en Tunisie et en Sicile.
Le service de presse des armées briefe alors les heureux élus. Sur les conseils de son père, le célèbre photo-reporter achète un imperméable chez Burberry et prépare son paquetage. Un lieutenant l’accompagne alors jusqu’à Weymouth afin d’y attendre l’embarquement.
6 juin. C’est l’effervescence. Les soldats jouent, d’autres rédigent leur testament pendant que les officiers terminent de planifier les opérations. Capa embarque sur l’USS Henrico et commence à photographier l’intérieur de la barge puis lorsque la paroi se baisse, c’est le début du Jour le plus long. Tête baissée, il se réfugie derrière un hérisson d’acier installé par les allemands puis derrière un tank à moitié brûlé.
C’est dans cet immense capharnaüm que le photographe réalisera son plus célèbre cliché du GI allongé dans le sable, puis quelques minutes plus tard, il s’évanouira sur la plage, se retrouvant alors dans un bateau rempli de blessés qui retourne vers Londres. Dès le lendemain, il remonte à bord d’un navire pour continuer son travail sur les plages et le bocage normands.
Les conditions des prises de vues mais aussi de leur développement sont en soi, une histoire extraordinaire. C’est ce qu’ont voulu montrer Jean-David Morvan et Dominique Bertail dans ce sublime album. De toutes les photographies prises par Capa, seules 11 seront exploitables. Ces clichés uniques sur la plage du Débarquement, appelés The magnificient eleven sont un témoignage historique inestimable. En effet, pour diverses raisons, les 3 autres collègues du photographes ne pourront utiliser leurs clichés. De plus, à cause d’une mauvaise manipulation d’un technicien lors du développement, des bobines de Capa seront inexploitables.
Le duo d’auteurs sont tous deux passionnés de journalisme de guerre et c’est le scénariste qui aura l’idée de demander à Magnum Photos d’adapter en bande dessinée leurs reportages : « Cela paraissait évident de commencer par lui. Il est l’un des fondateurs de Magnum Photos, avec Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David Seymour. […] Il se trouve que nous célébrons également cette année, les 70 ans du Débarquement en Normandie. Cette actualité nous conforte dans notre premier choix ». Pour raconter cette histoire formidable des clichés de André Friedmann alias Robert Capa, il fait appel à Dominique Bertail pour la partie graphique. Son trait aux feutres et marqueurs rend parfaitement l’ambiance sombre de cette bataille. Le dessinateur sera séduit par The face in the surf : « Son côté expressionniste me donnait des envies de dessins. Elle ressemble d’ailleurs à un dessin. Elle a un côté graphique qui fait penser à la peinture chinoise, balancée en quelques coups de pinceau, avec trois masses très fortes ». Il ajoute même : « Le flouté de la photo lui donne un aspect fantomatique; la mort étant plus palpable ». Ce magnifique ouvrage comporte un dossier très détaillé réalisé par Bernard Lebrun, correspondant de guerre pour France Télévision, qui propose une biographie illustrée par les Magnificient Eleven, ainsi que 32 clichés du photo-reporter dont sa dernière photo peu avant qu’il ne meurt le 28 mai 1954 au sud d’Hanoï, tué par une mine.
- Omaha Beach, 6 juin 1944
- Auteurs : Jean-David Morvan, Dominique Bertail et Bernard Lebrun
- Editeur: Dupuis, collection Aire libre, en co-édition avec Magnum Photos
- Prix: 15,50€
- Sortie: 30 mai 2014
Détention injuste
Après le bouleversant Noxolo, les éditions La boîte à bulles et Amnesty International réitèrent leur association et publient Panthers in the hole de Bruno & David Cenou qui raconte l’incarcération arbitraire qu’ont pu subir les 3 d’Angola, à partir de 1972 aux Etats-Unis. Cela fait donc 42 ans que Albert Woodfox et Herman Wallace sont placés en isolement dans la prison américaine d’Angola : un triste anniversaire !
Robert King a été relaché en 2001 mais lui aussi a subi les mêmes humiliations que ses camarades encore enfermés. Il a passé son enfance à la Nouvelle-Orléans dans les années 40. Issu d’une famille pauvre, ayant des difficultés pour se nourrir, il sera pris, malgré lui, dans une première histoire le menant en prison en 1961. Voulant venir en aide à un homme ivre, ses amis et lui-même sont arrêtés injustement par des policiers blancs. Ces derniers n’ayant pas de suspect dans une de leurs affaires, en fabriquent un de toute pièce en arrêtant de jeunes noirs. L’homme et les témoins étaient complices pour « nettoyer les archives » policières.
Robert sera libéré sur parole en 1965. Cette incarcération sera la première d’une longue série, passant la majeure partie de sa vie en prison. Marié et futur père, il est de nouveau en prison jusqu’en 1969. L’année suivante, les policiers trouvèrent, comme par magie, l’arme qui servit à un vol à main armée dans la maison du jeune noir. Il fut encore accusé et atterrit de nouveau dans la prison d’Angola.
Herman Wallace et ses complices attaquèrent la National Bank of Commerce. Pour 60 000 dollars, ils furent condamnés à 50 ans de travaux forcés. Après une cavale de 3 ans à Pensacola, il fut incarcéré à Angola. Là, il y rencontrera un premier groupe de Black Panthers, dont la conscience politique les menaient à prendre les armes contre l’oppresseur blanc.
Albert Woodfox s’évada d’une prison de Thibodaux mais il fut rattrapé. Lors de son procès, il faussa compagnie à ses geôliers. A Harlem, il commença à tracter pour les Black Panthers. C’est à cause de cette orientation politique qu’il sera arrêté et jeté en prison.
En 1972, lors d’une émeute à la prison, un gardien de 23 ans, Brent Miller fut poignardé sauvagement. 4 suspects furent condamnés sans preuve…
Le récit bouleversant de Bruno Cenou, dont c’est le premier scénario, met admirablement en scène la vie des 3 détenus les plus célèbres d’Angola. Utilisant Robert King comme narrateur, il permet au lecteur de bien ressentir les émotions du prisonnier. Choisissant cette histoire extraordinaire, tel un polar, l’auteur livre la vérité de l’homme libéré en 2001. Pourtant le dossier semblera avoir été monté de toutes pièces et fondé sur des témoignages fantaisistes. Le jury composé uniquement de blancs condamna alors facilement les 3 pour le meurtre du jeune maton. Sans preuve, l’enquête ne sera abandonnée qu’à la libération de King. Wallace, Woodfox et King seront placés en isolement uniquement pour leur militantisme en prison. En effet, Burl Cain, le directeur passera outre la décision de justice dans ce domaine.
Si King est libéré en 2001, il faudra attendre 2013 pour que Wallace sorte, uniquement pour raisons médicales. Trois jours après sa libération, il meurt des suites d’un cancer du foie. Woodfox, quant à lui, est toujours enfermé. Malgré un comité de soutien important et la voix de Teenie Rodgers, la veuve du gardien de prison, les reconnaissant innocents, il en reste toujours un en prison. Cet album fait donc œuvre de plaidoyer pour faire reconnaître l’innocence des 3 d’Angola. Le trait en noir et blanc teinté de gris, de David Cenou est parfaitement juste pour décrire le quotidien d’enfermement des personnages principaux. L’auteur du sublime Mirador tête de mort rend leur condition un peu plus humaine.
Un dossier préparé par Amnesty International est adossé à la fin de l’album afin de comprendre au mieux cette affaire.
- Panthers in the hole
- Auteurs : Bruno & David Cenou
- Editeur: La Boîte à Bulles, collection Contre coeur
- Prix: 16€
- Sortie: 15 mai 2014
Ecole buissonnière
Jean Chat n’aime pas l’école ! Il passe donc son temps à échafauder des stratégies, avec son copain Jean Lapin, pour ne pas y aller. Ce sont ces petites histoires qu’a voulu raconter David Snug dans l’album Les rois de la récré, paru aux éditions Même pas mal.
Une nouvelle année scolaire s’annonce, celle du CM2, la dernière avant le collège, celle où l’on est le plus grand de l’école primaire. Fini le farniente sur la plage et les jeux ; bonjour les devoirs, les dictées, le calcul, l’histoire-géo et les punitions ! Jean Chat déprime, c’est la rentrée. De tout cela, il n’en a pas envie. Pas grave, il rejoint Jean Lapin, son meilleur ami, qui lui aussi en a horreur. Ils sont décidés à devenir les Rois de la récré, à échapper à l’école et aux devoirs. Pour cela, ils inventent des stratagèmes, mentent et rigolent bien. Mais à chaque fois, ils se font rattrapés par le directeur qui leur donne punitions sur punitions et les prive de leur moment favori de la journée.
– Les deux Jean sautent le mur de l’école, vont acheter des bonbons dans le magasin tout proche, resquillent au cinéma mais ne pensent pas à leurs cartables restés dans l’établissement…
– Le mercredi c’est football pour Jean Chat. Obligé par ses parents à faire du sport, lui ne l’aime pas. Il n’est pas très doué pour le foot, n’entrant que les cinq dernières minutes à chaque match et ne voulant pas prendre de douche à la fin. Le seul point positif, c’est qu’il y retrouve son meilleur ami, un as du foot…
– Aujourd’hui à l’école, un nouveau arrive : Jean-Mi le dinosaure. Pour l’accueillir comme il se doit, les deux Jean le martyrise jusqu’à lui casser le bras. Pour donner une bonne leçon à son fils, Monsieur Chat permet au nouvel élève de lui casser le bras avec un marteau. Les voilà quitte…
– Sortie en forêt. La maîtresse a prévu un jeu de piste par deux. Mais comme le nombre d’élèves est impair, les deux Jean et Jean-Mi se retrouvent ensemble. Perdus, ils doivent passer la nuit au milieu des arbres. Lapin et Chat construisent une cabane, tandis que le dino dort à l’extérieur. Comme mort, les deux amis ont une belle idée pour le réveiller : lui pisser dessus…
– Jour de piscine. Jean Chat n’aime pas l’eau, comme tous les chats. Pourtant, il va devoir s’y jeter pour apprendre. D’ailleurs, il ne sait pas nager et se retrouve dans le petit bassin avec les CE2…
– Lapin et Dino rejettent leur ami. En effet, pour Noël, Chat n’a pas eu les derniers jouets à la mode parce que ses parents ne roulent pas sur l’or. Déçu par ses parents et ses amis, il décide de fuguer et se retrouve dans un blockhaus sur la plage de Bayeux. Là, il fait la connaissance d’un chien néo-nazi. Ils vont cohabiter dans ce lieu si sombre…
Le récit de David Snug est drôle, décalé et parfois teinté d’humour noir. Si les personnages sont des enfants, les thématiques ne sont pas du tout enfantines : amitié, rejet de l’autre, racisme et esclavagisme. Ici pas de belles valeurs comme dans les albums jeunesse : on moralise les tricheurs, la loi du plus fort, la loi de la jungle ou la bagarre. Et ça fait du bien ! On rit beaucoup, même si certaines histoires font parfois plus réfléchir que sourire. Le processus narratif est ingénieux : des textes sous les vignettes répondent aux situations et dialogues, de manière décalée et ironique. Ce sont ces commentaires qui apportent le très bel humour de l’album. Le trait tout en rondeur, joyeux et coloré de l’auteur contraste avec les situations acerbes des histoires.
1) A noter qu’il y a une belle erreur orthographique sur le visuel de couverture (récré avec un e) mais que sur les albums en vente, elle a été rectifiée. 2) David Snug est un pseudonyme. Il l’a choisi parce que cela fait très américain et que snug signifie aussi douillet.
- Les rois de la récré
- Auteur : David Snug
- Editeur: Même pas mal
- Prix: 14€
- Sortie: 16 mai 2014
La transformation de la Chine
Après La voie ferrée au-dessus des nuages, les éditions Kana publient un nouveau roman graphique de Lin Kunwu, Empreintes.
Kunming, Chine. Li Kunwu, auteur le plus connu et le plus respecté de manhua (manga chinois) en Chine, raconte sa vie dans son pays à son fils Feifei qui vit à Londres. Photographe et dessinateur, l’auteur parcourt le monde entier pour faire découvrir ses œuvres à ses lecteurs nombreux. Ce sont aussi ces expériences qu’il raconte au téléphone.
Li est né dans les années 50, il conte donc sa petite enfance à la crèche, à l’école et la vie de famille jusqu’à aujourd’hui. Grâce à ses entretiens, il mesure le parcours de son pays depuis sa naissance à aujourd’hui. Cette nation passée d’une société agraire à celle moderne, toujours en mutation ; souvent confrontée à des contrastes violents liés aux changements de modèle économique : un système étatique communiste avec un marché de libre-échange.
Ce paradoxe, entre un état fermé sur lui-même au niveau des mœurs, des droits de l’homme, un régime dictatorial muselé par le parti et les militaire avec la mise à l’écart des dissidents ou de ceux qui ne pensent pas comme il se doit ; et une économie de marché au capitalisme exacerbé où seulement peu de personnes en profite. Un pays qui s’ouvre au monde économiquement, où seuls quelques personnes peuvent voyager et un pays toujours refermé sur lui-même.
C’est cette évolution depuis La révolution culturelle que Li Kunwu dépeint merveilleusement bien dans Empreintes, ce grand écart de plus en plus visible autour de lui ; ce tourbillon fou qui emporte tout sur son passage. Par les petits riens du quotidien, il montre admirablement cette grande révolution, toujours avec un grand humour, qui a mis moins de 30 ans à s’installer, là où les nations occidentales ont pris leur temps (un siècle voire plus). Et de ce demander ce qu’il en sera pour les générations futures. La construction de la narration est magnifique, se fondant sur des personnages forts, touchants et proche de nous.
Empreintes : à lire pour découvrir d’une manière différente la Chine, ce pays si lointain de nous.
- Empreintes
- Auteur : Li Kunwu
- Editeur: Kana
- Prix: 18€
- Sortie: 23 mai 2014
La perte d’une mère
Après La balade de Yaya (éditions Fei), Golo Zhao revient avec une nouvelle série Entre ciel et terre, un manga plein de tendresse et émouvant prévu en 2 tomes chez Cambourakis.
La mère de XiaoBa (Petite Huit) vient de décéder. La petite fille âgée de 7-8 ans est alors confiée à sa grand-mère, une femme chaleureuse et aimante. Lors du rite funéraire, le soir de la mort, deux villageoises soulignent cyniquement que : « C’est vraiment une gamine qui porte malheur ». Profondément triste, la vie de Petite huit sera alors de plus en plus dure.
Au village, lorsqu’elle puise de l’eau, ses bras trop fragiles ne peuvent pas soulever les seaux trop lourds. Mais elle sait qu’elle pourra toujours compter sur son ami Ming, véritable ange-gardien protecteur. Le jeune adolescent l’aidera dans les taches quotidiennes de la ferme mais sera là aussi pour lui remonter le moral.
Ensemble ils contemplent les étoiles cherchant celle qui serait sa maman. Au plus fort de sa maladie, au crépuscule de sa vie, la mère de XiaoBa lui dira qu’une fois partie, elle renaîtra en étoile. Et même lorsque la petite fille entendra la voix de sa mère dans un rêve, Ming sera là pour la consoler.
A l’automne, la fillette doit aller chercher du bois dans la forêt, lorsqu’elle croise le chemin de trois enfants désagréables avec elle. Ils lui reprochent le décès de sa mère et les mauvaises récoltes du village. De nouveau en mauvaise posture, c’est son protecteur qui viendra la tirer de ce mauvais pas.
Un soir en pleine nuit, Ming est réveillé en sursaut par un étrange rêve où il voit Petite Huit disparaître. Il sort alors de chez lui et se rend auprès de villageois amassés et pleurant autour d’un grand arbre. Pris de panique, son ange-gardien grimpe le long du tronc mais au sommet n’y trouve que les souliers de la fillette. Et si elle avait réellement disparu pour rejoindre les étoiles ?
Deux ans après ce mystérieux événement, la grand-mère décède, laissant le jeune adolescent dans un grand désarroi. Un soir et alors qu’il se morfond, Fan Yichen, un jeune taoïste le surprend et lui livre d’inquiétantes prédictions…
Dans la première partie de l’album, le récit de Golo Zhao s’attarde sur les sentiments de Petite Huit, attristé et inconsolable depuis la mort de sa mère. Si la vie décrite par l’auteur de La balade de Yaya semble dure dans cette Chine ancestrale, elle sera adoucie par la présence protectrice de Ming. Puis l’histoire prend un tour plus fantastique et philosophique à la disparition de XiaoBa. En plus de cette étrange perte, l’adolescent va être confronté tour à tour à un étrange prêtre taoïste connaissant tout de son passé et de son futur, mais aussi son inquiétante rencontre avec une sangsue-princesse qui recherche sa maison. Ce récit se fonde alors sur l’imaginaire, l’onirisme et les légendes anciennes. Découpé en chapitre, il met en scène des personnages haut-en-couleur. Le graphisme de l’auteur, très proche des film d’animation japonais (Le tombeau des lucioles, de Takahata ou La colline aux coquelicots, de Goro Miyazaki), convient merveilleusement bien pour le jeune public.
Entre ciel et terre : un premier volume très prometteur mettant en scène une histoire fantastique accrocheuse.
- Entre ciel et terre, tome 1/2
- Auteur : Golo Zhao
- Editeur: Cambourakis
- Prix: 15,50€
- Sortie: 23 avril 2014
Double robotique
Les éditions Ankama et Comix Buro se sont lancées dans un projet fou, ambitieux mais magnifique : celui d’adapter en bande dessinée l’œuvre de science-fiction de Stefan Wul. Après Oms (Morvan & Hawthorne), Niourk (Olivier Vatine), Piège sur Zarkass (Yann & Cassegrain) ou La peur géante (Lapière & Reynès) ; voici Rayons pour Sidar, scénarisé par Valérie Mangin et mis en image par Emmanuel Civiello.
Sidar, planète lointaine, colonisée par les humains. Pour échapper à un orage, Lorrain, un jeune être humain et Xaog, créature amusante au phrasé particulier, se réfugient dans une grotte. Après le tonnerre, ils poursuivent leur chemin vers Thig Mohi, sautant du haut d’un pont naturel. En prise avec un oiseau géant ou un papillon au poison foudroyant, la gentille bestiole a toujours la solution pour sauver son maître.
Il est à la recherche de Lionel, son double robotique, son alter-ego mécanique, mystérieusement disparu. Le jeune scientifique doit se presser, la Terre a choisi de se retirer de Sidar, l’abandonnant aux Xressiens, sorte de rats géants. Ces derniers ont promis aux sidarsiens de les délivrer du colonialisme humain. Le physicien semble être le dernier rempart face aux maléfiques souris.
Arrivés dans le village de Xaog, l’accueil de Lorrain est particulier et les habitants font une drôle de fête au jeune garçon. Il est ensuite emmené chez Le résident, administrateur terrien de la région, qui lui délivre des informations qu’il connaissait déjà. Le but du physicien étant de se rendre dans la tribu des Horbs afin de retrouver la trace de Lionel.
Après une nuit agitée, où les sidarsiens se saoulent à la lueur de la Nuit rouge, le réveil est brutal : un Krôtang attaque le village et avale une trentaine d’habitants. La créature sanguinaire est alors tuée par le Résident. Mais Lorrain est impatient de reprendre la route, il n’attend pas et décide de partir, accompagné de Xaog et plusieurs comparses du gentil sidarsien. Le chemin va alors être semé d’embûches…
Stefan Wul (Pierre Pairault, 1922-2003) a publié entre 1956 et 1959 onze romans qui constituent l’essentiel de son œuvre. Edité dans la collection populaire Anticipation chez Fleuve Noir dans les années 50, ce space-opera (se déroulant sur une autre planète que la Terre) lui permet de créer de toute pièce une planète avec sa faune, sa flore et ses habitants. C’est aussi la première fois qu’un robot apparaît dans l’un de ses romans. Ecrit en 1957, pendant la Guerre d’Algérie, il livrait alors une vision plutôt adoucie du colonialisme, sorte de colonialisme civilisateur pour écarter l’indigène de ses mauvais desseins. Mais le livre de Wul n’est pas uniquement un roman sur le colonialisme, il était d’ailleurs assez éloigné de la politique, c’est avant tout un très grand roman de science-fiction. D’ailleurs Valérie Mangin l’explique parfaitement dans un texte introductif au début de l’album. C’est donc Rayons pour Sidar qu’ont voulu adapter Valérie Mangin et Emmanuel Civiello parce qu’il est riche de cette univers créé de toute pièce. Prévu en diptyque, le premier tome Lorrain permet d’installer l’intrigue tranquillement mais surtout de suivre le parcours chaotique des deux personnages que sont le physicien et Xaog à travers cette planète peuplée de créatures plus étranges les unes que les autres. Le second tome devrait répondre aux questions, et notamment le transfert de l’autorité entre les terriens et les Xressiens. Le récit est captivant grâce aux scènes d’action s’enchaînant rapidement. Côté graphisme, c’est excellent. Le trait de l’auteur de Graines de folie ou Korrigans est toujours aussi somptueux. Les cases fourmillent de détails, il s’amuse avec les créatures fabuleuses et les couleurs très lumineuses sont magnifiques.
Rayons pour Sidar : un premier album assez accrocheur grâce à un univers graphique exceptionnel. On attend le second tome pour que l’intrigue prenne enfin son envol.
- Rayons pour Sidar, tome 1/2 : Lorrain
- Auteurs : Valérie Mangin et Emmanuel Civiello
- Editeur: Ankama
- Prix: 13,95€
- Sortie: 23 mai 2014
A la conquête de Britannia
Après la trente-deuxième aventure d’Alix, intitulée La dernière conquête, Marc Jailloux reprends ses pinceaux pour un nouvel opus Britannia, qui emmènera Alix et Enak de l’autre côté de la Manche lors de la conquête de l’île britannique par Jules César. Pour le scénario de cet album, Casterman a choisi Mathieu Breda après Géraldine Ranouil , qui avait moins convaincu sur le tome précédent.
Gaule Belgique, le long du chemin côtier. Alix et Enak sont à l’intérieur du convoi qui les mènent à Port Itius. Entre les soldats et les chars de marchandises, ils déambulent vers le camp militaire.
Alors que les simples soldats vivent modestement dans leurs tentes, celle du proconsul est richement décorée. Cette opulence choque nos deux héros, tandis que Jules César la justifie par le fait qu’aucun d’entre eux ne suivraient un chef en haillons.
Il évoque le débarquement de ses troupes sur l’île britannique. Là-bas, les chefs Britons sont des alliés naturels des gaulois et souvent les rebelles venus du continent trouvent refuge chez eux. Alors que l’année précédente, les troupes romaines avaient essayé de conquérir Britannia ; elles avaient été obligées de battre en retraite. Mais cette fois-ci, le proconsul a décidé d’emmener plus de soldats à travers plusieurs légions.
Alors que Mancios, jeune prince briton dépossédé de ses terres par un puissant chef de guerre entre dans la tente de César pour une entrevue, Viridoros, un marchand britannique, l’interrompt. Mais le chef romain le congédie directement. Il explique qu’il souhaiterait que Alix et Enak l’accompagnent dans son entreprise ; ce qu’ils acceptent. En attendant, les deux amis invitent le jeune prince autour d’un verre afin qu’il leur raconte son histoire.
Le lendemain, les troupes romaines embarquent sur les nombreux navires armés. Sur celui qui transporte les trois hommes, il y a aussi le marchand briton surpris par Alix alors qu’il écoutait leur conversation. L’homme explique qu’il sert d’agent à César pour lui fournir des informations importantes en vue de sa future conquête. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’après cet incident, il n’inspire guère confiance à Alix…
Alors que le récit du tome précédent n’avait guère convaincu, celui-ci est d’une meilleure qualité. Le scénario de Mathieu Breda est dense et très bien documenté. En ajoutant les personnages du jeune Mancios et du trouble Viridoros aux personnages d’Alix et Enak, il renforce le suspens de l’histoire. Ainsi que les guerres des clans, les trahisons et les complots. De plus, la trame historique (la conquête de Britannia) est une belle toile de fond pour ce volume. Comme pour La dernière conquête, le dessin de Marc Jailloux est toujours très efficace. La charte graphique léguée par Jacques Martin est fidèlement restituée par le dessinateur.
- Alix, tome 33 : Britannia
- Auteurs : Mathieu Bréda et Marc Jailloux d’après Jacques Martin
- Editeur: Casterman
- Prix: 10,95€
- Sortie: 14 mai 2014
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Québec Land
Québec Land ou comment réussir son installation au Canada ? C’est ce à quoi Pauline Bardin et Edouard Bourré-Guilbert ont voulu répondre de manière humoristique dans l’album Québec Land qui paraîtra la semaine prochaine, aux éditions Sarbacane. Les deux scénaristes français ont décidé de quitter la France pour s’installer dans la pays de Robert Charlebois avec leur chat Gaspard, racontent leurs préparatifs et les premiers mois de leur installation dans ce one-shot amusant, dessiné par Aude Massot. Le couple fait parti des 40 000 demandeurs par an, ce qui est l’une des destinations les plus en vue chez les français. Seuls 14 000 visas sont délivrés par l’Ambassade du Canada en France.
Pauline et Edouard ont un rêve fou : quitter le territoire français, leurs familles et leurs amis pour partir vivre à Québec au Canada. Toutes les personnes qui les entourent ont des anecdotes, des informations, des bons plans pour leur séjour. En effet, « tout le monde connaît quelqu’un qui est allé au Canada et qui a adoré » !
L’aventure commence réellement avec l’obtention de leurs PVT (Permis Vacances- Travail) qui leur permettra de vivre et de travailler au Canada pour une durée limitée dans le temps. Puis vient le temps des visites du pays : Le parc de la fontaine, le Mont-Royal, le restaurant La banquise, Le marché Jean Talon, Le biodôme, La ronde, ainsi que les activités typiques : hockey, tandem… Les balades et le bon temps terminés, il faut chercher un appartement et un travail…
Teinté d’un très bel humour et de beaucoup de tendresse, l’album s’intéresse de près aux grandes thématiques de l’expatriation au Canada, tout y passe, y compris les clichés, mais toujours de manière amusante. Le trait en noir et blanc, teinté de nuances de gris de Aude Massot rend parfaitement l’ambiance humoristique de Québec Land. Parfois, elles agrémente ses planches de touches de couleurs pour souligner les situations les plus cocasses.
Québec Land : pour donner envie de s’installer dans le pays découvert par Jacques Cartier.
A noter que le livre fut diffusé pendant 8 mois sur Delitoon, à travers 20 épisodes. Série la plus lue avec 170 000 lecteurs, dans la section Repérage ; c’est un très beau succès.
- Québec Land
- Auteurs : Pauline Bardin, Edouard Bourré-Guilbert et Aude Massot
- Editeur: Sarbacane
- Prix: 13.90€
- Sortie: 04 juin 2014
Dragon Quest saga,
Emblem of Roto,
volumes 1 & 2
Après Dragon Quest – La quête de Dai, la saga est de retour avec Dragon quest saga – Emblem of Roto, grand succès éditorial (19 millions d’exemplaires vendus au Japon). Ce bel univers est fondé sur le jeu vidéo du même nom créé par Akira Toriyama (Dragon Ball), Yuji Horii (pionnier des jeux vidéos RPG) et Kôichi Sugiyama (compositeur), vendu à des millions d’exemplaires dans le monde.
Les 6 premiers volumes du manga (sur 21) seront publiés par Ki oon entre mai et octobre 2014. Ce shonen manga est l’œuvre de Kamui Fujiwara.
De nombreuses années se sont écoulées depuis que Loran et Carmen, les héritiers du légendaire héros Roto, ont triomphé des forces du mal. Emportant avec eux un fragment du mythique emblème de leur aïeul, les deux frères ont chacun fondé leur propre royaume : celui de Loran au nord et celui de Carmen au sud. Mais après cent ans de paix et de prospérité, le monde est de nouveau menacé… Les armées maléfiques font le siège des derniers bastions humains, qui tombent les uns après les autres.
Possédé par un démon, le roi de Carmen entraîne son royaume à sa perte. Seuls survivants de cette tragédie : le prince Arus, héritier du héros Roto, et Lunafrea, fille du général en chef des armées de Carmen. Pendant dix ans, la jeune femme élève le petit Arus dans le plus grand secret, à l’abri de ses ennemis. Mais, débusqués par une troupe de monstres, nos deux héros et leurs compagnons décident de prendre la route pour contrer la montée des ténèbres. D’autant que dans le royaume jumeau de Loran, l’héritier du trône est né à son tour. Baptisé Jagan, il s’est allié aux forces du mal et a juré la perte des humains…
Pré-publié en 1991 dans le magazine Shonen Gangan, ces deux premiers volumes plongent le lecteur dans un univers fantastique et féerique. Il aura donc fallu 25 ans pour découvrir la version française de ce manga. Le récit est basé sur l’aventure et l’action où le lecteur retrouvera avec plaisir les héros (le moine Tao, Lunafrea, Tarquin, Kira, Arus et Kadai) ainsi que l’armée du mal (Gorgona, le dieu de la terreur, Jagan et le roi dragon). Comme pour Dragon Ball, la quête est très classique : un jeune garçon (Arus) et ses amis essaient de retrouver un grand maître des arts martiaux pour le former et défendre le monde.
Si entre temps, de nombreuses sagas shônen ont vu le jour en France, l’intérêt du lecteur de Emblem of Roto pourra paraître un brin dénué. En effet, les dessins un peu datés et l’intrigue mille fois vue depuis, ne font pas de ce manga, une histoire de toute fraîcheur. Néanmoins, pour l’univers, pour les recherches graphiques de Toriyama, on se doit de lire ces albums d’une grande maturité et extrêmement maîtrisés. Les fans du jeu vidéo seront hyper ravis de ces deux premiers volumes.
Emblem of Roto : un très beau divertissement avec de l’aventure, de l’action, du fantastique, de l’heroïc fantasy et une grande dose d’humour.
- Dragon quest saga, Emblem of Roto, volumes 1 & 2
- Auteurs : Kamui Fujiwara et Chiaki Kawamata d’après Akira Toriyama et Yuji Horii
- Editeur: Ki oon
- Prix: 6,60€ le volume
- Sortie: 15 mai 2014
Grrreeny,
tome 3 : Habitons bio !
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- Grrreeny, tome 3 : Habitons bio !
- Auteurs : Midam, Adam, Patelin, Araceli et Julien Mariolle
- Editeur : Mad Fabrik / Glénat
- Prix : 10,95€
- Parution : 03 février 2016
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