Les vacances avancent et nous en sommes déjà à la mi-août. Pour vous faire voyager, Case Départ vous ouvre sa malle aux albums. Parmi les cinq albums présentés, il y a quelques bonnes bandes dessinées : un album sur le désespoir d’une jeunesse chinoise à la dérive de Lu Ming : Hard melody, le troisième volume du manga d’anticipation des éditions Ki oon : Dimension W, un nouveau recueil d’histoires Batman & Robin où les relations père-fils sont au cœur de l’intrigue, Rafale leader : le quatrième opus de la série d’aviation de Frédéric Zumbielh et Matthieu Durand et le quatrième tome du manga coup de poing Gangsta. Bonnes lectures.
Hard melody
A la fin du mois, les éditions Mosquito publieront Hard melody, un drame contemporain sur la jeunesse chinoise, de Lu Ming. Il livre une plongée vertigineuse de ces jeunes en perte de repères à travers la musique. Fort, poignant et excellemment bien mis en image.
Au fond du ciel bleu, groupe de musique chinois se produit dans de nombreux festivals pour se faire connaître. La foule se masse en nombre pour écouter les morceaux de hard composés par les trois membres : Heizi le batteur, Dadong le bassiste et Xiao le chanteur-guitariste. Le succès est au rendez-vous pour le groupe au début des années 2000 : fans nombreux et interviews qui s’enchaînent.
Quelques années plus tard, à Gangzhou, rien ne va plus pour Xiao, dont le divorce le mine. De son côté, Dadong, qui est marié et père d’un petit garçon, s’éloigne de plus en plus de ses responsabilités paternelles. Le groupe s’est séparé et a cessé d’exister.
2012. Pour leurs retrouvailles, Dadong invite ses deux comparses à boire un verre dans un bar. Ils ne s’étaient pas revus depuis longtemps. Avec quelques kilos en plus, l’ex-bassiste explique son parcours : business dans les fringues, argent coulant à flots, prostituées mais aussi divorce. Heizi, quant à lui, est revenu à Shandong pour réparer des voitures, forcé par sa famille à trouver un vrai travail, après avoir raté ses études. Xiao propose alors de reformer le groupe et de donner de nouveau des concerts. Mauvaise idée ?
Après Mélodie d’enfer (Xiao Pan, 2006), le talentueux Lu Ming est de retour en France avec cet album sombre Hard melody. Comme pour sa précédente histoire, il plonge le lecteur dans l’univers de la musique et la destinée cruelle de ses protagonistes. Le récit est poignant et dépeint parfaitement les dérives de la jeunesse actuelle chinoise, dans un pays entre traditions et modernité, entre communisme d’état et économie de marché où les plus pauvres restent sur le carreau tandis que les plus riches prospèrent à toute vitesse. Une société dont le carcan du PC chinois opprime les plus faibles et les artistes. Il lui aura fallu deux ans pour accoucher dans la douleur de cette histoire, entre de nombreux paquets de cigarettes et un nombre impressionnant de marqueurs usés. Il souhaitait : « […] dresser une stèle commémorant ceux de ma génération : les jeunes nés dans les années 80 et qui ont lutté désespérément contre la vie des grandes cités écrasantes ». Pour cela, il prend le prétexte de la musique pour raconter le destin de trois hommes, cassés par la vie et dont le succès leur ait monté à la tête. Pour mettre en lumière, les idéaux et la vie parfois banale des jeunes chinois. Si la narration peut déstabiliser le lecteur par sa forme non linéaire et ses cases muettes, le graphisme est somptueux. Sans croquis préparatoires, il a tout construit en 3D (personnages, paysages et scènes d’action) et cela se ressent. Hyper-réaliste, son trait jeté est d’une grande puissance. Les vignettes sublimes sont souvent très larges et les illustrations peuvent parfois prendre toute une page, voire une double page.
- Hard melody
- Auteur : Lu Ming
- Editeur: Mosquito
- Prix: 15€
- Sortie: 29 août 2014
Dimension W
En février paraissait le premier volume du seinen Dimension W et pendant les vacances estivales, les éditions Ki oon publient le troisième tome du manga signé Yuji Iwahara.
Afin de vous rafraîchir la mémoire, je vous conseille de relire la chronique du premier tome ici.
Kyoma, le chasseur de prime qui récupère les coils illégaux et Mira, jeune androïde aux pouvoirs impressionnants, continuent leur chemin ensemble. Ils se retrouvent dans le bar de Mary, la patronne qui souhaite leur proposer du travail. Pourtant, elle ne sert que d’intermédiaire pour Albert, employé de la New Tesla Energy, entreprise qui gère les coils et l’énergie sur Terre. Enervé à la vue du jeune homme, Kyoma est obligé d’accepter le deal.
La semaine précédente, près du lac de Yasogami, est retrouvé le corps de Sakaki, un écrivain de romans fantastiques. D’aucuns disent qu’une force surnaturelle l’a assassinée. Peu convaincu par cela, le chasseur de prime écoute les conclusions de l’enquête : le défunt fut retrouvé par sa femme de chambre dans son bureau avec de l’eau dans les poumons. La seule présence étant un robot de service, ancien modèle, initialisé pour ne faire aucun mal aux humains. Si un problème survient, la New Tesla met alors le robot hors tension. Ici, son coil a bien fonctionné et n’a pas été remplacé. D’ailleurs une vidéo fut enregistrée par le serveur pour étayer la thèse. Mais voilà, la partie concernant les circonstances de la mort a été effacée. Qui a tué le célèbre écrivain ? Sachant que la pièce était fermée et que seul le robot était présent.
Acceptant la mission, moyennant une forte somme d’argent, Kyoma et Mira arrivent alors à l’hôtel de Sakaki. Accueillis par deux androïdes ukrainiennes et par Makita le responsable, ils découvrent un lieu entièrement dédié à l’écrivain. De nombreux fans du romancier ont l’habitude de séjourner dans la demeure. Effrayés par la mort du propriétaire, quelques employés ont démissionné…
Débuté en 2011, Dimension W compte déjà 5 tomes au Japon et est publié par Square Enix. Même si le récit manque parfois d’originalité, à cause de ces nombreuses influences, il est néanmoins toujours aussi dynamique et les histoires assez intéressantes. Grâce à un subtil mélange d’actions, de fantastique et d’humour, le scénario est très efficace. Le duo Kyoma, l’humain et Mira la robot est bien huilé et fonctionne bien. Le chasseur de coils apportant la dose humoristique de la série afin de ménager des espaces de respirations importantes dans des récits parfois sombres. Ici, le tome 3 prend une allure d’enquête policière, rondement menée. Le trait de Yuji Iwahara est toujours aussi solide sans révolutionner le genre. Les cadrages bien pensés, dynamisent bien l’ensemble.
Dimension W : un bon manga d’anticipation porté par un beau duo de personnages.
- Dimension W, volume 3
- Auteur : Yuji Iwahara
- Editeur: Ki oon
- Prix: 7,90€
- Sortie: 26 juin 2014
Batman & Robin
Tueur né est le premier tome de la nouvelle série éditée par Urban Comics, Batman & Robin, signée Peter J. Tomasi et Patrick Gleason.
Dick Grayson, le premier Robin est devenu Nightwing et pour le remplacer Batman fait appel à Damian, son propre fils, né d’une liaison avec Talia Al Ghul. Voici les premières histoires de ce nouveau duo.
Gotham City, manoir des Wayne. En pleine nuit, Bruce entre dans la chambre de Damian. Avant de partir en patrouille, il décide de l’emmener chez ses parents. Au passage, il explique à son fils que tous les codes secrets liés à Batman ont les mêmes numéros : 10h48, comme l’heure où ses parents sont décédés. Le lieu de mémoire n’a plus beaucoup d’avenir : il va être rasé et transformé en immeubles. Si le Chevalier noir est dans un forme de nostalgie, Robin reste froid et distant, puisqu’il n’a jamais connu ses grands-parents.
Le nouveau duo est alors appelé en urgence, à l’université de Gotham : Des voleurs viennent dérober l’uranium du réacteur. Après une belle bagarre, les malfrats sont en fuite sans leur fameux butin. Mais Batman est bouleversé par Damian, il se pose des questions et leurs relations sont tendues. Se confiant à Alfred, son majordome, il émet des doutes envers son fils. Il veut l’aider et le faire quitter définitivement le côté obscur de son ancienne vie. Pour cela, excédé par ses nombreuses demandes, il ne le fait pas sortir trois nuits de suite pour patrouiller. Le troisième soir désobéissant à son père, Damian saute sur sa moto afin d’aller en ville…
Le nouveau duo Batman & Robin arrive dans les bacs français et cela va sûrement faire plaisir aux amateurs du Chevalier noir. En effet, les mini-récits des premières aventures de Bruce et son fils sont très bien écrites et très accrocheuses. Si les scènes d’actions sont nombreuses grâce au combat contre Personne, un nouveau malfrat de Gotham, il s’avère que c’est un prétexte pour montrer les relations père-fils. L’intrigue avec le méchant est donc plutôt secondaire. Et c’est ce qui plaît dans cet album. Au début de leur collaboration, Batman ne sait pas réellement comment s’y prendre avec son fils. La tension est palpable à toutes les pages. Bruce voit Damian comme un jeune adolescent brisé par son passé : il fut élevé par sa mère Talia et la Ligue des Assassins. Il était programmé pour devenir un vrai tueur sanguinaire, un assassin surentraîné, une sorte de guerrier ultime. Son père souhaite donc l’aider et le «réparer». Pour cela, il se montre dur et ferme avec lui, ne faisant apparaître aucun signe d’affection et d’amour. Il faut dire que ce sentiment est aussi très nouveau pour lui. Mais l’incompréhension s’installe entre eux deux, Damian ne souhaitant seulement que son père l’accepte comme il est. Même si parfois les sentiments violents du jeune adolescent remontent à la surface (il tue une chauve-souris avec ses mains). Dans son combat avec Batman & Robin, Personne essaiera même de trouver la faille entre les deux au niveau plus personnel et tentera même de faire revenir le garçon du côté obscure de la force. Finalement le personnage de Damian suscite beaucoup d’intérêt et le lecteur commence même à avoir de l’empathie pour lui. Les deux héros sont donc en recherche de leur identité. Du côté graphique, c’est d’une bonne qualité. Le trait de Patrick Gleason est efficace et précis.
Batman & Robin : un très bon premier album pour cette nouvelle série où les relations père-fils sont montrées sous un angle nouveau. A découvrir !
- Batman & Robin, tome 1 : Tueur né
- Auteurs : Peter J. Tomasi et Patrick Gleason
- Editeur: Urban Comics
- Prix: 17,50€
- Sortie: 11 juillet 2014
Rafale leader
Artika est le quatrième volume de la série aéronautique Rafale leader, scénarisé par Frédéric Zumbielh et mis en image par Matthieu Durand.
Station Zebra, Pôle nord géographique. Léo, pilote de rafale, se réchauffe le corps après un séjour prolongé à l’extérieur, à cause d’un atterrissage forcé. Il est accueilli par les membres de la mission scientifique en charge de la mesure de la fonte des glaces arctiques. Il retrouve ainsi Anna, la belle scientifique.
Avant de mourir, une jeune fille russe confie une clé USB au pilote. Cryptée parce que ses données sont explosives, Kumi, l’informaticien, réussit à cracker le système. Au cœur des documents, ils découvrent des numéros de compte, des montants de sommes versées ainsi que les bénéficiaires, dont 4 membres d’une commission de l’ONU. A la tête de cette entreprise de corruption, on retrouve Viktor Kublinski, PDG de la Sokol, responsable d’une catastrophe écologique en Sibérie.
Dans le même temps, un espion russe de la station Zebra prévient ses supérieurs basés à l’Ambassade de Russie à Rekjavik. L’ambassadeur demande à Markov, son second, d’éliminer tous les membres de la base scientifique et pour cela il fait envoyer un commando avec à sa tête le général Maximov.
De son côté, la taupe commence son travail de sape. Elle détruit les postes radio ainsi que les téléphones satellite mais surtout assassine Kumi, qui avait entreprit de réparer les engins cassés.
Sur la base d’Alert, les collègues de Léo souhaitent aller le chercher. Mais pour cela, il faut dépêcher un avion gros porteur afin de récupérer les restes de son Rafale ; mais aussi faire face aux avions russes qui mènent un combat aérien de grand calibre au-dessus de la mer arctique.
Léo et Anna veulent fuir la base mais sont arrêtés dans leur élan par le commando Maximov. Ils décident d’utiliser un snowcat (engin équipé de chenilles)…
Lorsque l’on n’est pas habitué à lire ce style d’album, à savoir des bandes dessinées sur l’aéronautisme, on pense que cela sera une corvée. Mais pour Rafale leader, ce n’est pas le cas. Le récit dense de Frédéric Zumbielh est le point fort de l’album. Mélangeant subtilement les combats aériens à une intrigue reposant sur de la corruption, il réussit son pari. Ajouté à cela, des Russes assoiffés de sang, comme aux plus belles heures de la Guerre Froide et le lecteur sera vite happé. Si le duo de personnages (Léo, le pilote et Anna, la belle scientifique) fonctionne, on le doit à leur volonté de protéger la fameuse clé USB mais aussi aux capacités de combat du pilote. Entre une communauté scientifique isolée dans le Pôle Nord, ne sachant pas quoi faire ni se défendre et des amis de Léo prêts à en découdre dans le ciel ; le scénario est assez équilibré et propose de nombreux rebondissements, parfaitement distillés au fil des pages. Si l’on est conquis par un récit solide et bien pensé, on est moins emballé par la partie graphique : les personnages ne sont souvent pas bien maîtrisés, prenant souvent les mêmes poses, un brin figées, et quelques erreurs lorsqu’ils sont en mouvement, notamment en course. Néanmoins, les engins volants, flottants ou rampants, ainsi que les décors sont eux d’une belle qualité. Lorsque tous ses détails seront réglés, Rafale leader deviendra alors une excellente série.
- Rafale leader, tome 4 : Artika
- Auteurs : Frédéric Zumbielh et Matthieu Durand
- Editeur: Zéphyr BD
- Prix: 14€
- Sortie: 11 juillet 2014
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Gangsta,
volume 4
Les éditions Glénat publiaient début juillet le quatrième volume de l’excellente série Gangsta, signée Kohske. Case Départ vous a présenté le premier tome de la série : vous avez oublié, cliquez ici pour relire la chronique.
Après des affrontements devant un magasin d’armes, Alex aide Warwick et Nicolas, les deux drôles de tueurs à ranger et faire des réparations à l’intérieur de la boutique. Comme d’habitude, les deux amis se disputent et la jeune femme assiste impuissante à ces tensions. Constance, la propriétaire invite Alex à boire un café, afin de faire une vraie pause. C’est alors qu’arrive inopinément sa grand-mère. Etonnée de la voir ici, la gérante est déstabilisée. Il faut dire que la vieille femme a du caractère et ne se laisse pas marcher sur les pieds ; pire, elle prend de haut Alex, en lui disant qu’elle a de fortes chances de retourner sur le trottoir et de redevenir prostituée, et donc que ces deux protecteurs ne pourront rien pour elle. La jeune femme comprend vite qu’elle a perdu une bonne partie de sa mémoire, ce qui la perturbe énormément.
Le récit de Gangsta est toujours aussi bon, parfaitement maîtrisé par Kohske. Pour ce volume, le personnage au centre des débats, c’est Alex, l’ex-prostituée. Mais pour l’instant, c’est délicat pour la jeune femme, tant qu’elle n’aura pas réglé ses problèmes, elle ne pourra pas avancer dans sa vie. Son passé refait surface, Nicolas et Warwick apprennent même qu’elle a une famille et un frère cadet. La seconde partie du manga est alors plus folle: la bagarre violente dans le bordel de la ville, donne un rythme considérable à la fin de l’album. Le trait est toujours d’une excellente qualité. Le découpage et les cadrages sont audacieux et précis.
- Gangsta, volume 4
- Auteur : Kohske
- Editeur: Glénat manga
- Prix: 7,60€
- Sortie: 02 juillet 2014
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