Pour ce quatrième samedi du mois d’août Case Départ vous ouvre sa bibliothèque remplie de bandes dessinées. Parmi les six albums passés au crible, il y a quelques perles : Un album hilarant sur la conquête spatiale signé Fabcaro et Fabrice Erre : Mars !, Le livre des cinq roues : une adaptation en manga de la philosophie des samouraïs de Musashi, une plongée vertigineuse dans un Centre de Rétention Administrative CRA à travers des témoignages de détenus, le troisième volume du manga Mon histoire, A.N.G.E : le premier tome de l’adaptation du roman fantastique de Anne Robillard et le sixième opus du Bouquin du petit coin. Bonnes lectures.
Mars !
La France décide de lancer une mission spatiale vers la planète Mars afin de reconquérir sa place dans le gotha mondial de la conquête spatiale, au même titre que les Etats-Unis ou la Russie. Fabcaro et Fabrice Erre nous proposent de suivre les aventures rocambolesques de José, André et Jean-Michel à bord de leur fusée 100 % française. De l’humour made in Fluide Glacial à vous tordre de rire à toutes les pages !
Trois astronautes, pas très futés, André, José et Jean-Michel sont désignés par les autorités françaises pour effectuer une mission de la plus haute importance : aller sur Mars et conquérir la planète au nom de la France. Cette épopée extraordinaire est sponsorisée par Coca-Cola et doit contrer les velléités américaines. Les téléspectateurs ont les yeux rivés sur leurs écrans et attendent avec impatience le décollage de leur fusée. La présentatrice du journal télé est elle aussi à l’affût.
Le départ est imminent mais la fusée reste clouée au sol. La faute aux caisses vides de l’état et au programme sans le sou. L’engin est équipé de réacteurs conçus à partir de moteur de Twingo ! Ce sont les joints de culasse qui flanchent. Un mécano est dépêché sur place et doit rapidement trouver une nouvelle pièce pour remplacer celle défectueuse. Mais là encore ce n’est pas gagné tant l’homme est doté d’un cerveau à moitié vide.
Pire ! Personne ne peut prévenir les 3 pieds nickelés que leur fusée n’a pas décollée : entre coups de fil manqués, parachutiste appelé à la rescousse, d’autres fusées en renfort, sms limités ainsi que des mails douteux et très sex, les cosmonautes pensent qu’ils voyagent autour de la Terre direction Mars. La vie à bord se met en place, entre blagues potaches, aliments lyophilisés, lecture ou jeux vidéos pour passer le temps d’un trajet très long (une année normalement). Médusés, ils découvrent aussi une femme de ménage portugaise qui nettoie et récure tout sur son passage.
De son côté, le président français est au bord du gouffre : avec cet échec, il devient la risée des pays voisins et perd encore des points de popularité. Avec l’aide de ses conseillers, il décide d’orchestrer la plus grande supercherie du siècle afin de ne pas perdre complètement la face : grâce à de gros artifices, ils font croire que la mission est une réussite…
Attention, album amusant ! Le scénario de Fabcaro est construit à l’aide de strips de 3 cases décalés, burlesques et extrêmement hilarants. A chaque fois, ça fait mouche ! Tous les ingrédients sont réunis pour que le lecteur passe un moment de franche rigolade : les personnages sont aussi crétins les uns que les autres (les spationautes idiots, un général qui s’enthousiasme pour n’importe quoi et qui est secondé par de mauvais ingénieurs, son bras-droit homosexuel et qui essaie de charmer les 3 zigs, un président acculé, un couple de téléspectateurs avides de sensation…), les situations sont cocasses (le joint de culasse, les fusées en carton…) et les dialogues savoureux. Si le récit de l’auteur du fabuleux Carnet de Pérou (6 pieds sous terre) ou Amour, Passion et CX diesel (James & Bengrrr, Fluide Glacial) est formidable ; la partie graphique est excellente aussi. Le trait de Fabrice Erre rend parfaitement l’ambiance décalée et amusante de l’histoire. Proche des dessins d’auteurs américains des années 80 ou de celui d’Edika, la rondeur des personnages de l’auteur de Une année au lycée (Dargaud) concourt à la puissance comique de l’album.
Mars ! Enthousiasmant, rafraîchissant et extrêmement drôle . Une véritable réussite !
- Mars !
- Auteurs : Fabcaro et Fabrice Erre
- Editeur: Fluide Glacial
- Prix: 15€
- Sortie: 20 août 2014
Le livre des Cinq roues
Au 17e siècle, Miyamoto Musashi, samouraï invaincu, écrit un ouvrage intitulé Le livre des Cinq roues, qui délivre le sens et la finalité du combat de ces guerriers japonais. Sean Michael Wilson a décidé d’adapter en bande dessinée cette œuvre célèbre et en a confié le dessin à Chie Kutsuwada.
Miyamoto Musashi est porté depuis son plus jeune âge vers les arts martiaux et c’est dans sa treizième année qu’il affronte son premier adversaire, adepte du Shinto, qu’il bat. A vingt ans, il se rend à la capitale pour y combattre les plus illustres adeptes d’arts martiaux. Grâce à une solide réputation d’invincible, il continue son chemin à travers tout le pays et connaît une soixantaine de combats pour autant de victoires.
A l’âge de cinquante ans, il décide de réfléchir sur son art ainsi que la philosophie qui en découle. Retranché dans une grotte, il médite et commence à écrire. S’il n’emprunte aucune tradition au bouddhisme, ni au confucianisme, ni aux ouvrages de guerre ; il livre sa propre vérité qu’il nomme Niten ichi (Deux ciels, un style) qu’il compile dans un ouvrage Le livre des cinq roues, composé de 5 chapitres : Le livre de la terre, Le livre de l’eau, Le livre du feu, Le livre du vent et Le livre du vide.
A son âge avancé, il n’a ni femme, ni enfant et est invité par le seigneur Tadatoshi à intégrer sa cour installée dans la province de Higo. Là, le souverain lui confie 70 hommes et une bourse en nature (riz). Il ouvre alors un dojo et initie de nombreux disciples. Pour lui, les Hommes peuvent suivre 4 voies : celle du guerrier, du paysan, du marchand ou du guerrier (qui prépare ses armes et se familiarise avec chacune d’elles).
Le livre des cinq roues est sans conteste le plus grand classique de la chevalerie japonaise avec le Hagakure et Le sabre de vie. Cet ouvrage célèbre est donc le cœur de ce manga. Si Vagabond de Takehiko Inoue, se penchait sur la vie de Musashi, pour cet album Sean Michael Wilson se concentre sur l’écrit du grand maître. Il révèle ainsi tout le savoir de ce guerrier invincible en ce qui concerne les arts martiaux mais aussi le développement d’un esprit de stratégie. Peu de scènes de combats et de mise en situation donc mais plutôt les réflexions de l’homme, déclinées en 5 chapitres. Le trait classique de Chie Kutsuwada est efficace, ne s’embarrassant pas de détails ou de décors. L’essentiel étant pour la japonaise de dessiner les personnages et leurs expressions, assez bien rendues par ailleurs.
- Le livre des Cinq roues
- Auteurs : Sean Michael Wilson et Chie Kutsuwada
- Editeur: Budo
- Prix: 12,30€
- Sortie: 21 juillet 2014
C.R.A (Centre de rétention administrative)
Centre de Rétention Administrative (CRA) est un recueil de témoignages de migrants et d’associations intervenantes au sein de l’établissement de Toulouse-Cornebarrieu, signé Jean-Benoît Meybeck.
En 2012, à Toulouse-Cornebarrieu, Meybeck participe à la campagne « Ouvrez les portes » organisée par Migreurop et Alternative Européenne, campagne visant à obtenir l’accès des journalistes et de la société civile aux centres de rétention pour lesquels nous n’avons pratiquement aucune information, ni sur ce qui s’y passe, ni comment sont traités les migrants, ni sur le respect de leurs droits. Afin de témoigner de cette campagne, l’auteur à décider de compiler ces tranches de vie dans un album, publié par les éditions Des ronds dans l’o.
Parmi les témoignages, il y a :
– Amine. C’est l’histoire d’un petit garçon et ses parents arrêtés un matin et emmenés de force à Cornebarrieu. Après quelques jours de détention, Amine et sa sœur ont pu retrouver le chemin de l’école. Sa vie est rythmé par ses visites chez le juge et les pleurs de sa maman…
– Daouda. Arrivé en 2006 en France sur une barque de fortune, Daouda reçoit un OQTF (obligation de quitter le territoire français) trois ans plus tard. C’est la Police aux Frontières qui est venu le chercher un matin. Essayant de fuir, il est rattrapé et emmené au CRA de Toulouse. En attente d’un départ pour le Sénégal, il doit laisser derrière lui son amie, enceinte…
– Salah. Père de deux enfants en bas-âge, Salah est dénoncé et emmené au CRA de Cornebarrieu. Il est retenu 27 jours et passe devant deux juges (des libertés et du tribunal administratif). Malgré son avocat trouvé par des amis, il est expulsé par bateau…
– Füsun. Se préparant pour son parrainage républicain au Conseil Régional, Füsun est arrêtée et placée en garde à vue toute une journée. Malgré les visites d’un avocat et du maire de la commune, elle est envoyée au CRA de Toulouse. Elle découvre les conditions spartiates des cellules (mobilier fixé au sol, sommier en tôle…). Son seul souhait était de continuer ses études…
– Diallo. En 2008, Diallo quitte la Guinée fuyant des tensions envers sa famille (son père est opposant politique). Après un an au Sénégal, il arrive par bateau à Sète. Quelques temps plus tard, il tombe malade et est conduit au commissariat. Afin d’être emmené à Cornebarrieu, les policiers falsifient ses papiers et le rendent ainsi majeur. Là-bas, il découvre des personnes qui ont perdu leur dignité et en deviennent presque fou…
En faisant œuvre de ces témoignages, Jean-Benoît Meybeck livre un magnifique documentaire, entre sensibilité et dégoût. Dans les CRA, peu de personnes extérieures ont le droit d’y entrer (avocats, députés, maires ou sénateurs). Il est donc difficile de connaître les effets et humiliations subis par les migrants. C’est à travers ces histoires que l’on peut découvrir les conditions spartiates voire inhumaines des détentions. Plusieurs fois condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (la détention des mineurs est interdite), la France, pays des Lumières et des Droits de l’Homme, continue tranquillement d’enfermer comme de vulgaires voleurs, ces migrants, parfois bien intégrés (écoles, famille, travail…). Toutes ces vies brisées par des arrestations parfois musclées sont compilées et forment un album très poignant. Les mini-récits de l’auteur, militant en faveur des droits des migrants, courent sur quelques pages et permettent de former une belle unité. Le trait en noir et blanc de Meybeck, diplômé d’un master en BD et enseignant dans cette matière, évolue au fil des pages pour bien différencier les tranches de vie des migrants sous les yeux des lecteurs.
- C.R.A (Centre de rétention administrative)
- Auteur : Jean-Benoît Meybeck
- Editeur: Des ronds dans l’o
- Prix: 17€
- Sortie: 28 août 2014
Mon histoire
Le 18 avril, les éditions Kana publiaient les deux premiers tomes de la série Mon histoire. Signée Kazune Kawahara et mise en image par Aruko, la saga romantique se dote d’un troisième volume, qui sortira le 4 septembre.
Takéo, le grand gaillard de 2m pour 110 kg est toujours autant amoureux de Yamato, la jolie et jeune fille frêle de son lycée. Depuis son aide dans la rame de train (volume 1), ils filent le parfait amour. Tous deux décident alors d’aller pique-niquer en montagne. Le jeune adolescent veut se faire pardonner son absence lors de l’anniversaire de l’adolescente. Pour le repas, elle a préparé un bento, un thermos ainsi que des gâteaux. Lors d’une halte, un oiseau lui vole la broche offerte par son amoureux. Mais ils n’arrivent pas à la récupérer, pire, ils tombent dans une petite crevasse. Sans réseau de téléphone, ils se rendent compte qu’ils sont perdus. Ils commencent alors à marcher dans la forêt mais la nuit tombe. Le jeune homme prépare alors une petite couche avec de l’herbe afin de passer la nuit avec Yamato. Il se montre alors prévenant, protecteur même lors d’une attaque de sanglier…
Dans ce troisième tome, l’intrigue se concentre sur les deux amoureux et c’est assez réussi. Les mettant en scène en montagne, Kazune Kawahara permet au départ un petit moment de respiration ; mais cela ne dure pas, notamment avec la perte de la broche, de leur chemin, et la nuit ensemble. D’ailleurs Suna, l’autre personnage principal de Mon histoire, est très en retrait dans ce tome. Juste ici pour réconforter son ami et écouter le début de son idylle naissante. Toujours aussi discret et mystérieux, le lecteur n’apprend rien de la vie du bel adolescent. Le trait de Aruko est toujours aussi efficace, dans la veine de ce style de récits pour jeune femme (shôjo). On prend toujours autant de plaisir au lire les aventures amoureuses des trois protagonistes. Un manga qui ne paye pas de mine mais qui se lit avec délice.
- Mon histoire, volume 3
- Auteurs : Kazune Kawahara et Aruko
- Editeur: Kana
- Prix: 6,85€
- Sortie: 4 septembre 2014
A.N.G.E
A.N.G.E est l’Agence Nationale de Gestion de l’Etrange qui veille sur l’humanité. Cindy et Océane forment le nouveau duo d’agents de l’établissement. Genesis est le premier tome de la série qui met en scène les premières aventures des deux jeunes femmes. Edité conjointement par Jungle et Michel Lafon, il est écrit par Anne Robillard, qui adapte ici son roman éponyme, et mis en image par Cristi Pacurariu.
A.N.G.E est une drôle d’organisation, elle a pour but de veiller et protéger les êtres humains des phénomènes paranormaux et étranges liés à l’Alliance, un groupe maléfique qui veut soumettre le monde à son pouvoir.
Montréal, siège de l’A.N.G.E. Comme tous les jours, Océane, agent performante et expérimenté de l’établissement, entre dans la base. Aujourd’hui est un jour particulier, Cédric, son supérieur a déclenché le code bleu : il veut lui demander de former Cindy à devenir une brillante agent. Tout juste sortie de Alert Bay (académie qui inculque la théorie de l’agence), la jeune femme est enthousiaste par le duo qu’elle va former avec Océane. De son côté, l a plus âgée est furieuse envers son chef, elle, rêve plutôt d’une carrière internationale.
Varennes, le lendemain. Les deux femmes se rendent à une conférence de Eros, un adepte de Kyriotétès et doivent découvrir si cet illuminé est un vrai prophète ou un agent de l’Alliance. Alors que la réponse est positive, Océane a aussi remarqué un homme étrange assis au fond de la salle.
Pendant ce temps, dans son appartement, Cindy découvre un mot qui lui glace le sang : « Ne sous-estimez pas César O. » De retour à la base, elle raconte son aventure à Cédric qui confie son papier à Vincent, spécialiste informatique. Il découvre que l’encre utilisée a plus de 2000 ans. De plus, Eros, qui venait d’être arrêté par les agents de l’ANGE, s’est échappé…
Après Les chevaliers d’Emeraude (avec Tiburce Oger, Casterman), Anne Robillard revient avec l’adaptation de son roman ANGE (12 tomes chez Michel Lafon). Pour ce premier volume, la Canadienne a décidé de transposer fidèlement son premier écrit, qui prend le temps (trop?) de nous présenter les personnages (Océane, Cindy ou Cédric), l’histoire de l’Agence (trop rapidement) et quelques éléments sur l’Alliance. Le début est poussif, pas d’une grande originalité et ressemble pour beaucoup à des œuvres déjà éditées dans le genre fantastique ou d’héroïc-fantasy : des serviteurs du Mal qui veulent mettre leur joug sur les hommes et un duo de héros qui essaie tant bien que mal de protéger les êtres humains. Le point positif de l’album est sans doute la partie graphique. Le trait réaliste de Cristi Pacurariu est assez singulier, même si les personnages arborent toujours le même style d’expression. Les couleurs de Pierluigi Casolino apportent le côté sombre de l’histoire grâce à des jeux de lumières assez bien maîtrisés. On attendra la suite pour se faire une vraie opinion !
- A.N.G.E, tome 1 : Genesis
- Auteurs : Anne Robillard et Cristi Pacarariu
- Editeur: Jungle et Michel Lafon
- Prix: 11,95€
- Sortie: 21 août 2014
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Le bouquin du petit coin,
tome 6 : Occupé !
Les éditions Hugo Desinge publient le sixième tome de la série Le bouquin du petit coin. En librairie le 21 août, cette bible de l’anti-déprime au WC est signée Anne Pastor et Monsieur B.
Comme pour les précédents volumes, il reprend tous les ingrédients qui ont fait son succès, à travers 288 pages et dans une nouvelle maquette, plus moderne :
– La culture : les oreilles sales, les animaux mutants dans nos assiettes, La route de la soie, Des noms qui ne veulent rien dire…
– Le coin des jeux
– Des citations : Les conseils et les pensées de nos ancêtres, Desproges, Beigbeder…
– Le saviez-vous : Les îles Canari, Les éoliennes…
– Des blagues
– Le petit coin des listes : Les plus grands états des USA, Les plus grands producteurs de vins, A vos baguettes (univers de Harry Potter), La peur des animaux, Les lieux saints, Les fleuves les plus longs du monde…
A travers ces différentes thématiques, Anne Pastor et Monsieur B. essaient de nous instruire tout en nous amusant et c’est assez réussi. Ne pas se prendre au sérieux pour faire découvrir des choses importantes voire futiles tel pourrait être le credo des deux auteurs. Quant au lecteur, cela lui permettre d’être intelligent et briller en société lors des repas de famille. Très documentées, les petites histoires de la scénariste sont souvent très drôles (Mais où va-t-elle chercher tout ça ?) et le style (très court) permet de rythmer le livre. Le style graphique du dessinateur rend parfaitement le côté sympathique et sans prétention de ce tome 6 du Bouquin du petit coin.
- Le bouquin du petit coin, tome 6 : Occupé !
- Auteurs : Anne Pastor et Monsieur B
- Editeur: Hugo et Desinge
- Prix: 12,95€
- Sortie: 21 août 2014