19 octobre 1914. Toute la nuit, très violente canonnade, sur la ligne de la Meuse.



19 octobre 1914.

Toute la nuit, très violente canonnade, sur la ligne de la Meuse. Il devait y avoir une offensive générale sur Saint-Mihiel. A-t-elle réussi ?

Ce coin de la Lorraine est bien pouilleux : des champs incultes, semés de cailloux, où pousse une petite herbe maigre, heureusement fleurie de quelques gentianes bleues, et où paissent des moutons ; et puis des boqueteaux de pins, de bouleaux, de sapins, de mélèzes, malingres, mal venus, coupant de leurs rectangles sombres les rectangles clairs des champs.

Les hommes ont le plus grand mal à creuser des tranchées dans ces terres caillouteuses. Au bruit de leurs pelles plusieurs lièvres s’enfuient et des perdreaux s’envolent.

La canonnade est pendant toute la journée aussi violente que pendant la nuit : c’est un tonnerre où les grondements se mêlent de nos 75, de nos 155, de nos 120, de nos 210 et même aussi de nos 305 de marine montés depuis ce matin.

Je rencontre mon ami le Dr de Monchy, attaché aux ambulances du 8ème corps d’armée. Il vient d’apprendre que son frère a été tué sur l’autre rive de la Meuse, dans les tranchées de Marbotte. Il a tenté de s’approcher pour ramener le corps et l’ensevelir de ses mains : il a dû reculer sous une grêle de balles. Dans la forêt d’Apremont que nous voyons s’étendre à nos pieds les tranchées allemandes et les tranchées françaises sont à 150m les unes des autres. Impossibilité de faire un mouvement dans les unes comme dans les autres : voilà trois semaines que des hommes y sont figés, ravitaillés pendant la nuit par des hommes qui rampent portant à leurs camarades de la viande et du pain.

Nos aviateurs, éduqués par les circonstances et bien vite adaptés à ces nouvelles besognes, rendent des services considérables à l’artillerie. Grâce à eux une batterie de 155 établie près d’ici a pu démolir au 3ème coup un pont de bateaux jeté par l’ennemi sur la Meuse.

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