21 octobre 1914. J’ai passé mon après-midi auprès d’une batterie de 155 longs



21 octobre 1914.

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J’ai passé mon après-midi auprès d’une batterie de 155 longs établie entre Courcelles et Sampigny. Il faudrait être bien habile pour la repérer du haut du ciel, car j’étais à 50m d’elle que je ne l’avais pas encore vue. Les deux pièces ont été mises en batterie au pied d’une colline, le long d’un chemin. Autour de chacune l’on a planté un petit bois de sapins, elles-mêmes sont recouvertes de branchages aux belles feuilles d’or : les abris des servants sont creusés dans le talus de la route et recouverts également de branchages. Tout le reste, caissons, avant-trains, chevaux sont dans des bois à 100m derrière. Les obus sont couchés le long de la route et dissimulés par des herbes coupées. Ces pièces tirent sur Saint-Mihiel. Elles ne sont pas repérées malgré les recherches des avions ennemis. Par contre une fausse batterie composée de canons de zinc et de bois et placée en apparence à 600m de là reçoit constamment des obus.

Pendant le temps que je suis resté avec les artilleurs il est tombé plus de cent gros obus de 105 sur la fausse batterie. Ce fut un tir acharné. Les obus se suivaient régulièrement à quelques secondes. Leur sifflement d’une tonalité que je n’avais point encore entendue ressemblait assez à celui de ces sirènes d’automobiles d’un effet si lugubre quand le sifflement se ralentit. Ces gros obus venant de si loin (8 à 10 kms) ont l’air de n’en plus pouvoir en arrivant au terme de leur course. Leur plainte devient intermittente comme la respiration d’un agonisant et après le dernier hoquet, soudain, rugit le bruit formidable de l’explosion. La chanson lugubre de ces cent obus arrivant comme à la queue leu leu donnait l’impression d’un cortège de femmes damnées descendant en hurlant du ciel vers l’enfer.

Et puis quand l’artillerie ennemie décida de se taire la nôtre lui répondit par des tirs en rafales. Réponse terrible que celle de six canons tirant ensemble et coup sur coup pendant cinq minutes !

Quand je traverse Courcelles où le 1er bataillon est cantonné un biplan allemand apparaît très haut, perdu dans les brumes à peine transparentes. Au bruit de son moteur, un caporal, chargé de surveiller constamment le ciel, donne un coup de trompe et immédiatement les troupiers rentrent dans les granges, les chevaux sont conduits sous leurs abris de paille, les artilleurs se cachent dans leurs huttes de sapins.

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