16 décembre 1914. Vic s/Aisne
Voilà qu’on nous bombarde ici !
L’obus devient obsédant. On en a plein la tête de sa chanson fastidieuse !
Des marmites (ô Badonviller, je te retrouve à Vic !), des marmites donnent soudain de leur grosse voix durant que nous mangeons, trois médecins et moi, de la compote de pêches en conserve dans l’étude du notaire. Patatabroumm !… La gendarmerie vole en morceaux… Bien visé, Messieurs les Allemands… D’autres tombent sur d’anonymes pauvres maisons, les unes déjà blessées et que cette nouvelle éventration achève, les autres que la joie d’avoir échappé au premier bombardement tenait déjà et qui, prises d’un beau courage, ouvraient depuis quelques jours leurs volets l’un après l’autre. La nôtre qui porte déjà trois blessures en son flanc n’attrape rien, que quelques lourds éclats que notre cuisinier facétieux vient nous servir tout chauds sur un plat, en guise, dit-il, de plum-pudding.
… Nous avons eu aujourd’hui plusieurs hommes tués dans les tranchées : ce sont ou des distraits ou des bravaches : des distraits qui ont dépassé de la tête la ligne de la terre protectrice, des bravaches qui se sont montrés au-dessus de cette ligne « histoire de voir des boches ». Tout ce qui dépasse la terre est immédiatement touché d’une balle.