Le vendredi 29 janvier 1915
Nous quittons les tranchées de la cote 285 à 5 h. Nous sommes relevés par le 82ème de ligne qui fait partie de la Division (10ème) avec le 113ème et le 4ème. Nous arrivons au repos aux Islettes à 10 h en passant par Lachalade. Ma compagnie cantonne à la Verrerie. Le pays est toujours très bien approvisionné en vin et épicerie. Il fait toujours très froid. Il y a encore de la neige sur la terre.
Le samedi 30 janvier 1915
Repos. Nettoyage des armes. Je prends la garde à 17 h à la sortie des Islettes, route du Claon, au poste téléphonique.
Les Islettes (Meuse) le samedi trente janvier 1915 – 16 heures.
Ma chère Eugénie,
Après sept jours de tranchée en première ligne, me voilà revenu au repos pour quelques jours. Encore une mauvaise période de passée sans encombre. Ce que je vais chercher surtout au repos, c’est le sommeil.
Nous avons en effet été privés de sommeil pendant six nuits, et deux autres nuits pour l’aller et le retour. En tout huit nuits presque sans sommeil. Il ne nous était guère possible de nous reposer, nous étions dans des tranchées non couvertes, et nous faisions du feu dans une partie de la tranchée, à cet endroit nous mettions des toiles de tente pour servir de toit. Pendant les sept jours, il a fait un temps très froid avec de la neige de temps en temps et des fortes gelées. Tu comprends que l’habitation ne pouvait pas être chaude. Enfin, c’est passé pour un tour.
Nous sommes logés ici dans une grande verrerie, un bataillon tout entier. Il fait toujours froid, mais nous avons de la paille, et j’ai passé une bonne nuit bien au chaud. Je pense en passer 5 ou 6 comme cela.
Malgré qu’il fasse très froid, nous sommes plus heureux que par la pluie, mais c’est très dur quand même.
Vivement que les beaux jours viennent adoucir nos souffrances.
Je me porte bien et ne souffre pas du tout des pieds.
Je souhaite le bonjour à tous et t’embrasse de tout mon cœur.
Ton frère qui ne t’oublie pas. ‑ H. Moisy
Maurice Bedel, un futur Goncourt raconte sa Grande Guerre.