Le dimanche 16 mai 1915
Je vais à la messe (+) et aux Vêpres dans l’église du Claon. Nous faisons popote entre sous-officiers et le capitaine nous invite à arroser sa décoration d’hier. Concert sur la place du Claon par la musique du 131ème.
Le lundi 17 mai 1915
Je suis de jour. La compagnie est de service et fournit la garde et les corvées. Instruction des gradés à la Maison Forestière. Vaccination. Il y a des ordres sévères de la Brigade pour nettoyer le cantonnement, les rues et les abords. Concert par la musique.
Le mardi 18 mai 1915
Le régiment fait un exercice d’attaque à la Croix-de-Pierre. Je vais en corvée avec 50 hommes à Lachalade. Le 331ème régiment d’infanterie est en tranchée au Four-de-Paris. Le 5ème bataillon est en réserve à la Sapinière et je vois plusieurs camarades que j’avais connus au mois d’août.
[Date : non indiquée, mais vraisemblablement le mardi 18 mai : la corvée est notée dans les carnets à cette date.]
Mon cher père,
Je suis toujours au repos au Claon comme je l’ai déjà écrit plusieurs fois. Par des automobilistes qui viennent plusieurs fois par jour au Claon venant des Islettes, nous pouvons nous procurer certaines petites choses, de la salade, des œufs, du beurre, du fromage, etc… Pour une fois nous sommes logés à peu près proprement mais nous n’avons presque pas de paille, enfin nous sommes à l’abri.
Aujourd’hui je suis allé avec une corvée de 50 hommes à Lachalade exécuter divers travaux. Je suis allé le tantôt jusqu’au Four-de-Paris où se trouve le 331ème, mon ancien régiment. Là, j’ai trouvé plusieurs anciens camarades du mois d’août, et nous avons été heureux de nous retrouver. Ils sont bien rares, ceux qui n’ont jamais quitté le régiment.
J’ai appris qu’il y avait un soldat de logé avec vous. Vous lui souhaiterez le bonjour de ma part, en lui disant que je préfèrerais sa caserne à la mienne.
Je me porte bien.
Je viens de recevoir un colis d’Aimée, contenant du saucisson, de l’alcool de menthe, etc…, il était en bon état.
J’ai vu tantôt Alfred Guénécheau qui est de mon âge, qui était au 331ème et que je n’avais pas vu depuis le mois d’août. Il a été blessé et il est revenu au 331ème. Il se porte bien.
Je ne vois plus rien à vous apprendre. Est-ce que vos plantes d’appartement existent toujours ? Si elles existent vous pourriez peut-être en faire une ou deux boutures pour pouvoir les renouveler. Soignez bien les ceps qui sont autour de la maison.
Je termine en vous embrassant de tout cœur. ‑ Votre fils ‑ H. Moisy
Le mercredi 19 mai 1915
M[esse] de 7 h (+). Repos toute la journée. Revue en tenue de départ à 16 h. Concert par la musique du 131ème sur la place du Claon.
CARTE POSTALE : Le Lion de Belfort . A ses pieds, un cavalier et un
fantassin de 1914 veillent, et un aéroplane traverse le ciel. –Mug 531
Mention : ‑ Qui vive ? ‑ FRANCE !
Le mercredi 19 mai 1915
Mon cher Georges,
J’attends toujours de vos nouvelles, peut-être faites-vous comme moi. Vous attendez d’être au repos pour écrire, et comme le repos ne vient pas pour vous tous les six jours, vous ne trouvez pas un instant de libre.
Aujourd’hui dernier jour de repos, je remonte ce soir à la Haute‑Chevauchée en Forêt, je ne serai pas moins de 45 jours avant de revoir un village et des habitants. Ma santé est bonne et je souhaite qu’il en soit de même pour vous. Auguste vous souhaite le bonjour. Votre travail va être augmenté avec la présence de la troupe à Bourgueil. Est-ce que vos douleurs sont guéries ? Pour les guérir, rien ne vaut la tranchée.
Bonjour affectueux de votre frère. ‑ H. Moisy