27 mai 1915 : le nombre de morts de Bourgueil s’élève déjà à une cinquantaine



Le jeudi 27 mai 1915
Repos. Revue d’effets à 16 h. A 18 h je vais avec la 2ème section en armes au cimetière de la Forestière pour rendre les honneurs au sergent Baratin tué il y a deux jours. Le camp est bien installé, il y a un lavoir et une belle source.


Le jeudi 27 mai 1915 – 14 heures

Ma chère Eugénie,

Je t’écris cette fois confortablement installé sur une table faite avec des petits rondins, et assis sur un banc, il y a bien longtemps que cela ne m’était pas arrivé. Je suis en ce moment au repos, jusqu’au 31 mai inclus, dans ce que je pourrais appeler le plus beau cantonnement de l’Argonne. C’est un coin vraiment rêvé, où nous sommes on ne peut mieux. C’est en pleine Forêt, dans des baraquements en planches construits tout dernièrement. Ce ne sont pas les baraquements dans lesquels j’avais dejà logé. Nous sommes à l’ombre toute la journée sous des arbres de 25 m de hauteur. A 500 m d’ici, il y a un grand étang, des prés, et tout à côté de nous il y a une source et un ruisseau. De plus, nous n’avons ni corvées, ni exercice à faire, c’est le repos complet.

Je savais depuis longtemps que ce pauvre Bourreau était mort, comme je l’ai déjà écrit, il est enterré au cimetière des Islettes.

J’ai reçu hier de Bourgueil, d’un correspondant qui me renseigne très bien sur ma demande, le chiffre total des morts de Bourgueil, il s’élève à environ cinquante, c’est très élevé et il augmentera encore, c’est bien probable.

Auguste est toujours en bonne santé et il a été surpris de savoir que ses parents n’avaient pas reçu de ses nouvelles pendant quelque temps. Etant au repos, je le vois continuellement.

La situation est toujours très calme de ce côté-ci, je crois que si cela continue, l’Argonne va devenir un des meilleurs secteurs. Les communiqués n’en parlent plus guère, et toute l’attention se porte en ce moment vers le Nord, ainsi que vers l’Italie. C’est pourquoi j’écrivais dernièrement que j’aimais mieux être dans l’Argonne qu’en permission à Bourgueil, puisqu’en rentrant de permission je serais peut-être dirigé vers le Nord.

Ta lettre du 20 que j’ai reçue le 23 me trouve en bonne santé comme toujours. La nourriture est un peu améliorée et nous touchons du vin tous les jours.

Le temps est toujours magnifique, clair et chaud. Ici, je suis toujours en pantoufles et en bras de chemise, c’est un soulagement de ne plus sentir l’équipement sur les reins.

Nous attendons impatiemment la fin de la guerre pour pouvoir enfin goûter le repos dans les draps.

Plus rien de bien intéressant à te signaler. Je te souhaite bonne santé et t’embrasse de tout mon cœur.

Ton frère qui t’aime. – H Moisy

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