3 juin 1915 : nous sommes à 12 mètres des Allemands ; on les entend piocher, ils préparent une mine



Le jeudi 3 juin 1915
Troisième jour de première ligne. Sept aéroplanes ont survolé notre secteur. Violente canonnade française à 18 h. Grande chaleur

Le jeudi 3 juin 1915 ‑ 13 heures

Chère Eugénie,

Reçu hier soir ta lettre datée du 30 mai qui m’a fait plaisir, quoique contenant des choses assez tristes comme tu le dis toi-même. Ce ne sont pas là des choses qui m’effrayent, car ce sont des tristesses dont tu ne fais que parler, tandis qu’ici je les vois assez souvent en réalité. Quoique je ne voie tomber personne de ma famille, il y a des camarades pour lesquels on éprouve autant de peine.

Je suis certainement plus heureux depuis que je suis sergent, mais il y a loin de ma condition de vie avec celle des sergents qui cantonnent à Bourgueil. Presque toujours, nous partageons la même vie et la même nourriture que les hommes. Ainsi, cette nuit, j’ai changé trois fois de place pour dormir, car je prenais la place des autres qui veillaient à leur tour. Et à chaque fois j’étais couché par terre naturellement, dans un petit trou creusé dans la paroi de la tranchée, enveloppé dans ma couverture.

Je suis toujours à 12 m des tranchées allemandes et nous les entendons piocher sous la terre à quelques mètres en avant de nous. C’est une mine qu’ils préparent. De notre côté, nous en avons aussi. De tout le secteur occupé par le régiment, c’est l’endroit le plus rapproché de l’ennemi. Je ne m’en fais pas pour cela car tout est assez calme quand même.

Je comprends parfaitement que Papa ne trouve pas le temps de m’écrire, je sais qu’il pense à moi quand même. Cela suffit, tu lui souhaiteras le bonjour. J’ai souhaité le bonjour à Auguste, et il te le rend de tout cœur. Je le trouve toujours comme à l’habitude, mais, naturellement, il est comme beaucoup, il en a plein le dos.

Je me porte toujours bien.

Il fait toujours un très beau temps et une chaleur accablante. Il n’y a pas beaucoup d’ombre dans nos tranchées car les arbres ressemblent tous à des poteaux télégraphiques et n’ont ni branches ni feuilles.

Je termine en t’embrassant de tout cœur. ‑ Ton frère ‑ H. Moisy

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