14 septembre 1915. Schmargult
Je suis allé avec Charruey voir les dégâts des 420 à la Schlucht. A la façon dont ces monstres émiettent les rocs de granit je comprends comment les forts de Liège, de Namur, de Maubeuge, de Pologne ont été réduits en poussière…
L’hôtel de la Schlucht, bombardé chaque jour est lamentable, tout crevé, tout éclaboussé. Le vaste hall vitré où retentissait le rire des touristes est brisé, tordu, empli de plâtras et de morceaux de vitres. La boutique du marchand de souvenirs et de cartes postales est brisée comme un joujou. La villa Hartmann est trouée, écornée, lamentable. Quelle tristesse se dégage de ces choses de plaisir, aujourd’hui mortes, abandonnées, dispersées par petits morceaux au vent du col. Une sentinelle est là qui nous prie de ne pas nous montrer, sinon… marmite. Nous passons tout de même. Cette sentinelle est mise là pour arrêter les commissions parlementaires et les missions militaires neutres friandes du spectacle de l’Alsace reconquise. Nous passons et… les marmites n’arrivent pas du tout. A droite, à gauche, des petites tombes, les unes anciennes, perdues sous les mauvaises herbes, les autres toutes récentes, fleuries de phlox, disent qu’il arrive tout de même, de temps en temps, quelque marmite.