19 novembre 1915.
Encore des obus. Vraiment cela fait du bien, cela vous ôte de l’estomac l’angoisse du « rien–à-signaler ». Comme le bruit des éclatements est sourd ! On dirait d’une simple grenade. Il y a un jet de neige, un panache blanc de toute beauté à chaque percussion. A un moment le bombardement du Spitzkopf est assez nourri pour que l’image des grandes eaux vienne à l’esprit au spectacle de ces gerbes, de ces fuseaux, de ces retombées de poussière blanche.
Notre batterie répond par quelques salves sur Mühlbach. Mais les obus ont l’air d’être eux-mêmes gelés. Leur sifflement de départ est sourd, le coup de feu est sans éclat, sans allure. Non, la neige n’offre pas de beaux tableaux de guerre. Tant pis ! Utilisons-la autrement. A nous les skis ! A nous la luge ! A nous les culbutes !
Le froid est vif. Le thermomètre oscille entre -5° et -8°. La bise nous taille les joues à coups de rasoir. Et aussi elle comble les routes que l’on essaie d’ouvrir pour notre ravitaillement. […]