Le samedi 20 novembre 1915
Je suis allé à la messe de 7 h (+). A 8 h je pars à Bar-le-Duc en voiture avec un civil. Fait divers achats et déjeuné à Bar. Retour à 14 h en camion automobile. Nous quittons Chardogne en voiture jusqu’à X… et nous arrivons à Clermont à 21 h 30. Ensuite nous allons à pied aux Islettes où nous arrivons à 23 h 30. Je passe la nuit à la Prévôté. J’ai beaucoup de fièvre et [je] n’ai presque pas mangé aujourd’hui. Temps couvert et froid.
CARTE POSTALE ‑ Recto :
E.C. – BAR-le-DUC. – Hôtel de Ville, façade sur le Parc
Affranchissement : timbre « semeuse » vert 5c.
Oblitération : BAR-LE-DUC MEUSE 14 10 20 – 11 15
Verso :Oblitération : BOURGUEIL INDRE-ET-LOIRE …10 22…
Madame Georges Cocuau
Rue du Commerce
Bourgueil
Indre & Loire
Bar le Duc 20 – 11 – 1915 – Souvenir de mon passage – Henri M
Le dimanche 21 novembre 1915
Je passe la visite du médecin à 8 h à l’Ambulance 10, on me renvoie à mon régiment. Je quitte les Islettes à 10 h dans une voiture d’ambulance. Arrêté au Claon de 10 à 12 h. Arrivé à Lachalade à 12 h 30. Je reste au poste de secours à cause de ma fièvre. A 18 h, ayant plus de 38° de fièvre, je suis évacué aux Islettes et je passe la nuit à l’Ambulance de la gare. Temps couvert et froid. Ma compagnie est toujours à l’ouvrage 52 et je n’ai pas pu aller la rejoindre.
Le lundi 22 novembre 1915
Je quitte l’Ambulance des Islettes à 10 h avec 38°5 de fièvre. Je suis dirigé sur Bar-le-Duc par Clermont-en-Argonne. Arrivée à Bar à 18 h avec 39°9 de fièvre. Beau temps clair. Je suis emmené en automobile à l’Hôpital Exelmans.
Le mardi 23 novembre 1915
Visite du médecin. 38,5°. On me prélève du sang pour l’analyser.
Bar-le-Duc le mardi vingt trois novembre 1915
Mon cher père,
Pour la deuxième fois, vaincu par la souffrance et la maladie, j’ai été obligé d’abandonner la lutte. C’est à la suite d’un petit coup de froid que j’ai attrapé il y a quelques jours que j’ai commencé à être indisposé. Pendant mon séjour à l’instruction contre les gaz asphyxiants j’ai commencé à manquer d’appétit et à mon retour je n’ai même pas rejoint ma compagnie, je me suis arrêté au poste de secours de mon régiment à Lachalade et j’ai été ramené dimanche soir à l’ambulance des Islette. De là, on m’a amené ici et me voilà dans une grande salle, couché dans un lit. Mon état est sans gravité aucune et je ne souffre guère, j’ai toujours un peu de fièvre et c’est tout. Je n’ai pas mangé depuis samedi midi, je bois du thé, du lait et c’est tout. Vous n’avez aucune inquiétude à avoir sur mon compte, j’espère bien que ça n’ira pas plus mal.
Vous donnerez ma nouvelle adresse à Aimée, Eugène et Eugénie, pour que les lettres n’aillent pas à ma compagnie. D’ailleurs, toutes les lettres qui auraient été à ma Compagnie, un camarade me les enverra ici. Je ne sais combien de temps je resterai ici. Je ne ferai rien ni pour ni contre, je suivrai ma destinée comme à l’habitude, de même que je n’ai rien fait pour venir ici, c’est la maladie qui m’y a amené.
Le temps est brumeux et froid, je ne m’en aperçois pas ici, mais les camarades vont en souffrir dans leurs tranchées. Pendant quelques temps ces souffrances me seront épargnées.
Voici mon adresse : H. M. – Sergent au 131ème de ligne – Hôpital Exelmans ‑ Bar-le-Duc (Meuse)
Mon cher père, agréez l’expression de mes sentiments affectueux.
Votre fils, ‑ H. Moisy