7 au 9 décembre 1915. Schmargult
La pluie continue. La tempête continue.
Il s’est passé ce soir un incident assez comique. Spitzmüller et Laplace, à 18h quittent leur baraque, qui est à cent mètres de la nôtre, pour venir dîner. Sous la pluie battante et dans une nuit absolument opaque, ils s’égarent. Les voilà partis à travers bois, sans lanterne, sans allumettes, errant à la recherche de Schmargult, descendant vers le Chitelet, remontant vers le Hohneck, repassant devant leur baraque sans la voir, échouant finalement au sommet de la cote 1290, au-dessus des Spitzen-Köpfer. Ils sentirent alors que leurs pieds foulaient un sol battu : une route. A tout hasard ils la suivirent : elle les ramena au Hohneck. L’esprit d’orientation leur revint enfin et en suivant le chemin qui va du Hohneck à leur baraque ils finirent par échouer à 20h10 à Schmargult, mouillés jusqu’aux os, couverts de boue, les vêtements déchirés. Ils avaient, durant cette aventure invraisemblable, vécu de pâtes d’abricot, apportées par Laplace pour notre dessert. Ils avaient marché pendant plus de deux heures et fait cinq ou six kilomètres de montées et de descentes au lieu des cent mètres qui les séparent de la popote et qu’ils font dix fois par jour depuis deux mois !