9 mars 1916.
Il neige, il neige, il neige… Il neige, le matin, quand à travers la forêt je glisse sur mes skis, du camp de l’artillerie au camp de l’infanterie… Il neige pendant notre déjeuner, et par la petite fenêtre carrée de notre cabane-popote nous voyons voltiger les flocons légers… Il neige cet après-midi quand je glisse sur la belle route de la Schlucht vers le Collet où sont revenus mes chers Norvégiens.
Ils sont revenus comme ils étaient partis en coup de tonnerre. Avant-hier soir j’entends frapper à ma porte : « Entrez ! ». Ce sont Per Krohg et Halvorsen, blancs de neige et roses d’émotion, qui tombent dans mes bras. Quelle surprise ! On se frotte les yeux… C’est bien la réalité. Les voilà, tous les trente, au Collet dans ma baraque humide où leur jeunesse met du soleil. Ils se sont débarrassés de l’horrible petit Américain Webster, leur ex-chaperon qui me faisait l’effet de les espionner. Ils sont entre eux et plus désireux que jamais de se dévouer à « leur » France.