8 avril 1916.
Le temps très clair rend très risqué le passage en terrain découvert. Il faut cependant que je franchisse le Hohneck cet après-midi.
Quarante minutes pendant lesquelles je monte vers la chaume de Schiessrothried, le dos à l’ennemi. On aime mieux lui tourner le dos, il semble qu’on est moins visible et l’on va plus vite, comme poussé par les regards du Boche. Il faut passer pour un troupier : sur un troupier isolé il est rare qu’on envoie des obus. Sur un officier, au contraire, obus à discrétion. Alors on alourdit sa démarche, on se balance des épaules, on tourne l’étui à jumelle[s] de telle sorte qu’il ne soit pas vu. On ne s’éponge pas le front avec un mouchoir blanc. On simule une lourde indifférence au bombardement qui sévit sur le Linge… on ne détourne la tête ni aux coups de mitrailleuses, ni aux coups de canon. En traversant les plaques de neige on ne presse pas le pas. Il faut être aux yeux de l’observateur ennemi une bonne brute à la conscience tranquille… Alors on arrive au sommet du Hohneck sans être inquiété mais non sans avoir été fortement inquiet.
sympa la définition du troupier par le grand bourgeois Maurice…
Les citoyens-poilus hommes du rang » bonnes brutes à la conscience tranquille… » devraient apprécier…
Reconnaissons que c’était bien dans l’esprit de l’époque…Le peuple et notamment le prolétariat , c’était la canaille, les classes dangereuses aux yeux d’une personnalité issu de la bonne bourgeoisie comme MB…
Pourtant il les soignait avec dévouement ces hommes-là quand ils étaient blessés et il les assistait humainement dans leur agonie…