15 octobre 1916. Ascension de Tizdadine



15 octobre 1916 Ascension de Tizdadine

Tizdadine est une belle montagne de 2.300m qui s’élève à l’est du poste ; ses pentes sont boisées ; les arbres sont toujours attirants dans ce pays de laves. Accompagnés de trente moghrazni nous en faisons l’escalade, les capitaines Cordier, Bayrou et moi, sur nos vifs petits chevaux. Forêt de cèdres, de thuyas et de chênes verts ; quelques genévriers, quelques – oh !combien inattendues ! – aubépines. Les cèdres épars et magnifiques sont dans la flore ce que sont les éléphants dans la faune. L’éléphant a le ridicule de ses tout petits yeux et de ses poils rares ; le cèdre, au corps volumineux, a le ridicule de ses minuscules aiguilles où s’érigent les très petites pommes, hors de proportions avec le géant qui naîtra d’elles. Nous grimpons au hasard des pentes, le visage piqué par les feuilles épineuses des chênes. Des singes s’enfuient parmi les branches noires des cèdres. Plus de lave, du calcaire gris clair. Arrivés à 2.200m, nous mettons pied à terre tandis que les moghrazni vont se placer en sentinelles autour et au-dessous du sommet de Tizdadine.

Ce sommet, que nous atteignons par une escalade rapide dans des roches calcaires dont beaucoup sont incrustées de cristaux brillants, ce sommet possède un marabout. Un saint est enterré là sous un gros tas de pierres recouvert de branches d’arbres ;1 autour de ce tombeau des pierres sont disposées en petits tas irréguliers : ce sont les visiteurs du marabout qui ont laissé là une marque de leur dévote visite. J’ajoute pieusement ma pierre à ces saintes pierres. Un vaste horizon déroule sous nos yeux ses djebel et ses vallées. Vers le sud, le Haut-Atlas s’élève comme une barrière bleue qui dérobe à nos yeux les mystérieux espaces du désert africain. Nous revoyons Arbalou-Larbi où nous campions il y a quelques jours. Au sud, à l’ouest, s’étendent les immenses domaines des Beni-M’Guild insoumis, espaces montagneux et dénudés que marque, ici et là, la tache sombre d’un thuya isolé. A l’est quelques vastes forêts étalent sur la rousseur des chaumes leurs tapis noirs et onduleux. La plus proche est la belle forêt de Sidi Abder Haman Fazazi, exploitée par les bûcherons de notre ami, le caïd Mimoun, et dans laquelle nous pourrons pénétrer un jour ou l’autre, je l’espère.

1

Bedel a ajouté une note : ces tas de pierres recouvrant le corps d’un marabout sont appelés haouch.

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