Timhadit 6 novembre 1916.
La lune règne sur l’Atlas. Les chiens hurlent dans les douars du Guigou. Sur la plate-forme du canon, Cordier, Bayrou, Fablet et moi. Que disent quatre Français, un soir de lune, devant les pentes laiteuses d’une montagne africaine ? Ils chantent. Que chantent-ils ? Des chants berbères ? Non pas. L’un fredonne – vous vous y attendez- le Clair de Lune de Werther ; l’autre attaque en sourdine la chanson vénitienne des Contes d’Hoffmann ; Cordier, en basse, sonne du cor ; Fablet, ténor et jeune premier, est tour à tour Des Grieux, Pelléas et Roméo… Un peu de mélancolie tremble dans leur voix… Ces quatre Français, parce que de la lune ne se pose pas sur un clocher jauni, ont, malgré les cèdres argentés du Tizdadine et les eaux opalescentes du Guigou, le mal des choses de leur pays, le mal des saules de la Loire et des cascades de l’Auvergne, le mal, le doux mal consumant des clairs de lune de France.
nostalgie quand tu nous tient…
tu nous tiens…