30 novembre 1916.
En hâte, avant le gros de l’hiver, on achève la piste qui reliera Aïn Leuh à Lias. A mi-chemin entre le camp et ce poste un ou deux cents de travailleurs campent au sommet d’une colline : c’est le camp Dollet, du nom du capitaine de la Légion qui dirige les travaux. Tous les deux jours j’y vais passer la visite médicale. Mon cheval enfonce jusqu’aux jarrets dans la boue schisteuse de la piste qui serpente à flanc de montagne. Ce matin, au petit jour, des coups de feu ont été tirés sur le camp. Un cuisinier a reçu dans la cuisse une grosse balle de plomb. Ce cuisinier est un « joyeux » (En outre de mes fonctions de médecin des tirailleurs marocains, j’assume celles de médecin du 2ème bataillon d’Afrique). Ce cuisinier-joyeux avait donc, tatoué sur la cuisse blessée, un charmant visage de chanteuse : la balle a enlevé le visage et n’a laissé que le chapeau, qui, maintenant, a l’air de coiffer une tête d’écorché.
Pendant toute la nuit nous avons entendu la fusillade du côté des douars.