11 octobre 1917. Condé-sur-Aisne
On pourrait fort bien cesser de s’entre-tuer par un si beau jour d’automne…
On pourrait se dépêcher, entre combattants, de mutuels ambassadeurs de paix : quelques beaux peupliers dorés, graves et distingués comme des vicomtes de Chateaubriand. Les Français enverraient les peupliers de l’Aisne, les Allemands ceux de l’Ailette. La conversation se tiendrait sur le Chemin des Dames. D’un commun accord on déciderait que la vie est belle, qu’elle est courte et …
Horreur !
La terre s’est déchirée…
Où en suis-je ?
Dans la fumée noire, voici les murs calcinés d’un château…
Ah ! oui… Condé… Je monologuais… Ma parole, j’avais des idées de fraternité !… Un 210… voilà l’ambassadeur de paix que l’adversaire me délègue… On crie. Parbleu, voilà l’encre pour la signature du traité : le sang de ce pauvre homme gisant sur la chaussée. Il n’a plus qu’une jambe l’homme qui crie. Où est l’autre ?
Il meurt. Ses yeux sont sans regard. Le ciel est rose comme une robe de jeune fille. Comme c’est triste de ne plus voir un ciel aussi exceptionnellement rose ! Mais ce cadavre avait-il jamais regardé le ciel ?[…]