21 octobre 1917. Veille de bataille.

21 octobre 1917. Soissons- J moins 1…

Veille de bataille.

On hérisse les ponts sur l’Aisne de fils barbelés, de chevaux de frise et de gendarmes-mitrailleurs.

Contre qui ?

Contre les fuyards de demain.

… Soissons reçoit de la mitraille. Des femmes affolées courent vers la campagne, emportant dans un linge quelques objets de toilette. Les mercantis restent solides à leur poste, vivant dans les caves. Dans une rapide auto kaki des officiers américains ont l’air ravi de tout cela. C’est nouveau, n’est-ce pas…

Pluie de plâtras et d’ardoises… Ah ! les belles glaces du magasin Dufayel ! Pluie de verre. Ici un obus a pénétré directement dans la cave et soulevé littéralement la maison. Là l’obus a traversé deux étages avant de faire son ouvrage dans la boutique du fruitier : les carottes, les navets, les poireaux sont hachés, tout prêts pour une julienne. La devanture de mon libraire a été criblée : dans le désordre des livres déchirés je remarque un exemplaire intact du Chariot d’or : le tendre Samain reste, lui aussi, « au-dessus de la mêlée ».

Peu de sang répandu : la ville est presque entièrement évacuée. Il n’y reste plus que quelques marchands, obstinés au gain, et que quelques formations de corps d’armée.

Mais chez les Allemands !… Quelles rivières de jeune sang germain coulent aujourd’hui sur les pentes des collines du Laonnois !

Ce soir, à 21h, contre-ordre pour l’attaque de demain. C’est à ne plus rien y comprendre.