13 juin 1918.
La bataille fait rage devant Compiègne : les villages, les plateaux, les ruisseaux sont pris, perdus et repris. Plusieurs centaines de mille hommes s’entr’égorgent, s’entrefusillent, s’entr’empoisonnent ; Paris, canonné et menacé, se vide… Quoi de neuf ? – Oh !pas grand’chose…
– « Vous connaissez la nouvelle ?
– Quelle nouvelle ?
– Franchet d’Espérey est débarqué et s’embarque pour Salonique. Guillaumat devient gouverneur de Paris à la place de Dubail qui est rendu à ses chères études… »
Ah!ah !… Ho!ho !… Alors on se passionne pour ou contre Dubail, pour ou contre Franchet d’Espérey. Les teints s’animent, les yeux brillent […]
Oui, mais Lure sent si bon le foin fraîchement coupé ! Les rives de l’Oignon sont fleuries de si beaux iris jaunes ! Le Ballon d’Alsace borne l’horizon là-bas d’une masse harmonieuse et si bleue ! Tout ça, les mouches chantantes, les grenouilles amoureuses, les saules reflétés, les forêts rêveuses, la petite marchande de tabac, les garçons qui font la récolte parfumée des fleurs de tilleuls, les faneuses qui meulent le foin, les martinets qui chassent inlassablement, les roses mousses qui embaument ma chambre, tout ça, tout ça, c’est à ne pas croire à la folie des hommes. Vraiment, des jeunes gens meurent égorgés, éventrés, démembrés à l’instant divin où ces deux libellules unies hissent vers le soleil leur envol nuptial ?
… « Quoi de neuf ? – Oh ! pas grand’chose. La vie continue… »