Le samedi 13 février 1915
Repos. Ma section est cantonnée dans un grenier de la fabrique de tuiles, route de la Maison Forestière. J’envoie ma montre à Sainte-Ménehould par un camarade pour y faire mettre un verre.
Le dimanche 14 février 1915
Je vais à la messe et aux Vêpres dans l’église du Claon. Repos.
Le lundi 15 février 1915
Repos. Je vais à la messe de 7 h au Claon. (+) Je touche un pantalon gris-bleu en remplacement de mon pantalon rouge que j’avais touché à Orléans le 4 août. Nous avions depuis longtemps déjà une cotte bleue pour recouvrir le pantalon rouge. Il tombe quelques obus au Claon et à Florent.
Le lundi 15 février 1915 – 15 heures.
Mon cher père,
Je profite de mon repos pour donner de mes nouvelles à tout le monde, j’ai fait cinq lettres samedi, cinq lettres hier et j’en fais encore plusieurs aujourd’hui. J’en reçois beaucoup moins que j’en envoie mais ça me plait d’écrire et je sais que cela fait plaisir à ceux qui reçoivent les lettres.
Hier dimanche j’ai passé ma journée presque comme si j’avais été à Bourgueil. A huit heures j’ai assisté à la messe célébrée par l’aumonier militaire, ça fait la deuxième fois depuis le 2 août. Le soir à trois heures j’ai assisté aux Vêpres. L’aumonier nous a fait un petit sermon en nous rappelant qu’en entrant dans le Carême nous n’avions pas à nous occuper du jeûne et de l’abstinence, que comme pénitence nous avions assez des tranchées. Il est certain que notre pénitence est assez sévère.
Ce matin, étant encore libre, j’ai assisté à la messe de 7 heures et j’ai communié dans l’église du Claon, où nous sommes au repos depuis le 9 février. Si je viens à succomber dans les grandes batailles prochaines vous aurez au moins la consolation de penser que j’étais prêt à mourir. Espérons toujours que je serai préservé comme je l’ai été jusqu’à ce jour.
Je me porte toujours très bien, j’ai eu un gros rhume il y a quelque temps et il me fallait un mouchoir par jour, il n’y paraît plus maintenant et je ne souffre de nulle part.
Je vous avais dit dans ma dernière lettre que ma montre n’avait plus de verre. Elle est maintenant réparée et j’ai pu avoir un boîtier protecteur qui me la mettra à l’abri de la poussière. C’est à Sainte-Ménehould que j’ai pu obtenir tout cela.
Le temps est toujours humide, pas très froid, il pleut tous les jours. Il arrive justement que je me trouve au repos pendant cette période humide, en attendant les beaux jours approchent.
J’attends une lettre de vous en réponse à plusieurs lettres que je vous ai adressées depuis un mois.
Je vous embrasse de tout mon cœur. ‑ Votre fils ‑ H. Moisy
il y avait donc 7 mois que le mobilisé Moisy portait ce satané pantalon garance…Moins la période où l’Intendance dans sa grande bonté a distribué des cottes bleues aux troupiers, mais malgré son » depuis longtemps déjà… » on ne sait pas à quelle époque précisément les troupiers ont « touché » cette fameuse et salutaire cotte bleue…
Excellente et très logique initiative de l’ aumonier de dispenser les poilus de » jeûne et abstinence » durant le Carême…Il faut dire que les malheureux « trinquaient » déjà suffisamment dans les tranchées pour en rajouter…