16 novembre 1915. Schmargult
Je suis nommé médecin-chef du 4ème groupe vosgien. Je ne quitte pas Schmargult où la 6ème batterie du 6ème d’artillerie de place (batterie Bréhier) est venue remplacer les jeunes soldats du 149ème ! Ah ! ma chère infanterie… adieu !…
Sur le Kastelberg, là où, il y a quinze jours, les fils barbelés et les tranchées dressaient et creusaient devant moi leurs infranchissables obstacles, sur le Kastelberg, vaste dôme blanc, je fais du ski et les Allemands d’en face probablement intéressés par mes acrobaties me font grâce de leurs habituels obus.
Voilà donc une guerre durant laquelle on cherche les distractions, on cherche à tuer le temps. Dans la plaine c’est le cheval, le foot-ball, dans la montagne c’est le ski, partout ce sont les cartes. Dans les tranchées le bridge fait rage. J’ai vu à Epinal l’étalage d’une boutique entièrement composée de jeux de patience « à l’usage de nos poilus. » Tuer le temps et ne pas se faire tuer, tel est le dernier mot de la vie courante dans les tranchées en 1915.