28 décembre 1915.
La batterie Spitzmüller, envahie par la neige, inondée par la pluie quitte la chaume de Schmargult où ses manœuvres de tir devenaient de plus en plus difficiles. Elle se rend à Granges où elle recevra une destination nouvelle. Voilà donc partis nos bons 95 qui démolirent si bien Mühlbach, Stocka, et les tranchées du Reichacker, du Bois-Noir, de l’Ilienkopf.
La batterie Bréhier quittera probablement Schmargult, à son tour. Nous avons des pièces de 90 à Steinabrück – près de Metzeral-, à Bichstein –près du Reichacker-, au Tanet, à cheval sur la frontière à l’ouest de Sultzeren, nous avons des 155 long. Le noyau de la batterie, avec Bréhier et moi, ira peut-être cantonner entre la Schlucht et le Tanet, dans les grandes forêts qui dominent le ruisseau de la Meurthe. Nous nous trouverons ainsi avec les 155 du Tanet et à proximité des 90 de Bichstein.
Aujourd’hui les hommes de la batterie ont été soumis à l’épreuve des gaz asphyxiants. Muni de son masque et de ses lunettes, chaque homme a été enfermé pendant cinq minutes dans une pièce où le Dr Robert et moi, aidés du pharmacien Brenans, provoquions l’émission de ces gaz.
Nous sommes en possession d’une formule lacrymogène dix fois plus énergique que la formule allemande. L’effet, que j’ai essayé sur moi, en est terrible, foudroyant. Ce gaz ne tue pas mais aveugle et suffoque si violemment que l’homme qui s’y trouve soumis est instantanément mis hors de combat. Au bout de cinq heures j’en souffre encore et je n’ai fait qu’inspirer de loin le bouchon du flacon d’expérience.
Voici ci-contre un document qui donne des lumières sur la façon dont les Allemands émettent leurs gaz en nappes.*