31 janvier 1916.
Chaque soir, une pièce allemande de 130 que nous appelons « la Folle » marque par quelques obus la fin de notre dîner. L’adresse est de franchir entre deux éclatements les deux cents mètres qui séparent notre cave du chemin du Tanet où l’on est à l’abri. Les obus se suivent généralement à 3 minutes. Entre 8h et 8h1/2 il en tombe huit ou dix. Je rentre à peine dans ma cabane que j’entends la première marmite éclater, ce soir, à 8h20 sur le bout de la route que je viens de franchir.
Il est un jeu de cache-cache bien original en 1915-1916, c’est celui-là. On y goûte de bonnes satisfactions d’amour-propre. Je m’en tire avec habileté, avec cette habileté que vous donne une longue fréquentation des obus. J’attends l’arrivée d’un coup de la Folle. Je file en trois bonds derrière les charpentes, squelettiques de l’ex-gare allemande. J’attends le second coup. Il arrive. Je file en deux bonds derrière l’hôtel Français et de là en longeant le cimetière je gagne le sentier des « fours crématoires » où les obus ne viennent pas. Et j’ai gagné la partie…
un nouveau sport de guerre: Le cache-cache entre les obus…
Toutefois il n’est pas sans risque, si on se trompe de quelques minutes sur l’horaire des artilleurs…