15 février 1916.
Tourmente de neige d’une très grande violence. Un de nos artilleurs meurt de froid en déblayant la neige qui envahit et recouvre les pièces de 155. Quatre autres hommes de la batterie sont dans un état grave. Dans le vent furieux, dans les tourbillons de neige qui les aveuglent, mes Norvégiens vont chercher les hommes gelés, les enveloppent dans de chaudes couvertures, les étendent sur leurs brancards-skis et fonçant dans la bourrasque les transportent rapidement aux ambulances du Collet. Walther Halvorsen, Per Krohg et Johannessen qui sont chefs d’équipes me sont déjà des amis chers. Les deux premiers sont peintres1 et étudient à Paris avec Flandrin, Mme Marval et les modernes. Johannessen est aliéniste. Leurs équipes, composées chacune de trois grands et souples gaillards blonds, sont très belles de sang-froid, de courage et de discipline. L’Américain Webster qui commande l’ensemble des équipes est lui-même un type original de Yankee-juif. Il porte la barbiche de Jonathan et commande ses hommes avec l’assurance de Roosevelt.
Après la guerre, ils se retrouveront et inviteront Bedel à faire des conférences sur la peinture française à Oslo. Ce voyage inspirera ce dernier : il écrira « Jérôme 60° latitude nord » qui lui obtiendra Le Goncourt en 1927. A la Genauraie, on peut voir un portrait de Bedel peint par Per Krohg.
une fois encore, ces jeunes et distingués norvégiens sont vraiment méritants d’être venus aider la France dans des conditions aussi difficiles…