26 mai 1916. De 5h à 11h, ce matin, violent bombardement du camp, au gros calibre.

26 mai 1916.

De 5h à 11h, ce matin, violent bombardement du camp, au gros calibre. Le tonnerre d’un orage se mêle timidement au tonnerre des éclatements. La foudre, comme c’est peu de chose ! Une concentration de tir sur la partie est du cantonnement vient rapidement à bout des baraques qui s’y trouvent : les hommes ont eu le temps de s’enfuir à la première marmite, mais leurs sacs, leurs vêtements, leurs armes sont pulvérisés. On voit à l’explosion de l’obus voler une poussière de paille, de planches, de papier mêlée à la fumée noire de la poudre. Tous les beaux sapins de cet endroit sont brisés ou blessés. Des mulets qu’on n’a pu détacher à temps gisent dans des mares de sang, les intestins au vent, la langue pendante, l’œil vitreux ; d’autres qui sont blessés ont un regard morne vers le sang qui coule de leurs plaies, résignés, ils attendent le coup de revolver du vétérinaire.

Pendant le bombardement je vois arriver l’abbé de Larminat, aumônier à trois galons de la brigade. Il a son casque posé à l’envers, ses binocles maculés de terre sont brisés, sa soutane est boueuse : il vient d’être « soufflé » par deux ou trois obus.

Dans mon coin, peu de dégâts : deux tuiles de mon toit sont morcelées par des éclats, et la rampe, la belle rampe rustique qui orne l’escalier de ma nouvelle cabane, est brisée ici et là.

Ce bombardement ne fait que confirmer ce que j’ai observé cent fois : dégâts matériels énormes, pertes en hommes insignifiante : je n’ai que trois ou quatre blessés.