13 janvier 1917. De Lias à Aïn Leuh
Nous quittons Lias avant le jour. La pluie a cessé et sous le ciel étoilé la montagne est vêtue de gelée blanche. Dans le camp, où les hommes ont dormi d’un sommeil proche de la mort tant il était profond et accablé, des feux d’herbes sont allumés qu’entourent des groupes recroquevillés de frileux. La colonne s’ébranle au milieu des cris, des jurons, des hennissements. Je marche en avant-garde avec mes tirailleurs. Nous traversons l’oued Ifrane que bordent deux haies de lauriers-roses. J’aperçois des troupeaux… Enfin, voilà donc des moutons qui ne sont pas insoumis ! Les bergers viennent nous saluer. Ouf !je ne suis plus prisonnier…
Mon entrée au camp d’Aïn Leuh fait sensation car, accroché au pan de ma djellaba, je traine le petit prisonnier Zaian, qui durant tout le trajet, terrifié par cette masse d’hommes d’armes, n’a pas voulu se séparer de moi. Je l’offre généreusement au capitaine Tranier, commandant le goum, qui l’élèvera dans l’amour de la France et la haine de ses frères…
pas une très bonne idée » d’offrir » ce petit Zaïan au capitaine Tranier qui ne le connait pas et qu’il ne connait pas…
Il aurait été plus logique et humain qu’il le garde avec lui encore un certain temps, puisqu’il avait commencé à s’en occuper…
Quitte ultérieurement à le confier à une institution charitable qui aurait pu assurer son éducation de la meilleure façon, plutôt que de le laisser dans une enceinte militaire peu appropriée à son épanouissement…