Affaire des « mariages chinois » à Tours : l’envoi anonyme qui a tout déclenché

Sans le mystérieux correspondant anonyme qui avait envoyé des courriers fort bien documentés à divers médias, à commencer par le Canard Enchaîné (puis la Nouvelle République) et, peut-être la justice, « l’affaire Lise Han » aurait-elle pris l’ampleur qu’on lui connaît aujourd’hui ? On peut en douter. La mise en examen de l’ancienne chargée des relations avec l’Asie au sein du cabinet de Jean Germain  ravive, en tous cas, le souvenir de cet épisode rocambolesque.

Petit rappel des faits : au cours de l’été 2011, des copies des factures de la société Time-Lotus Bleu – dont Lise Han avait été la dirigeante –  adressées à la direction des finances et de la commande publique de la Ville de Tours,  s’étaient éparpillées dans la nature.

Le conflit d’intérêt avait alors éclaté au grand jour : comment Lise Han pouvait-elle à la fois être salariée de la Ville de Tours (à hauteur de 3.500 € par mois) et dirigeante d’un prestataire de service pour cette même collectivité ? On connaît la suite : polémique au conseil municipal, départ de Mme Han pour l’office intercommunal du tourisme d’où elle devait être licenciée ensuite, et aujourd’hui conséquences judiciaires…

De quoi donner l’envie de se replonger dans ces fameuses factures qui représentent, au total, une somme considérable : selon les enquêteurs du SRPJ d’Orléans, la Ville de Tours et l’agglo auraient réglé 750.000 euros à la société Time-Lotus Bleu !

Les ruisseaux qui ont alimenté cette grande rivière ont parfois pris l’allure de torrents. Un exemple parmi d’autre : la fête de la pivoine (sic) organisée à Tours en 2010. Une sauterie à plus de 35.000 € tout de même !

L'une des factures présentées par Time-Lotus Bleu à la mairie

En 2010, la société Time dont Lise Han était alors dirigeante (tout en travaillant pour le compte de la mairie de Tours) a adressé plusieurs factures de ce type à la direction des finances et de la commande publique de la Ville.

Toujours en 2010, les factures de Time Lotus-Bleu liées aux »honoraires de la mission d’assistance et de conseil »se sont avérées conséquentes : 107.640 € au titre du marché public n°090197, et 143.520 € pour le marché n° 10094 qui concernait plus particulièrement « l’exportation » des Noces Romantiques à la mode tourangelle à l’Exposition universelle de Shanghai. Soit un total de 251.160 € pour la Ville de Tours, rien que pour cette année-là…

Cette addition élevée a visiblement agacé une personne qui a eu accès au dossier et ne s’est pas privé de le diffuser ! On connaît la suite… mais pas encore la fin de ce feuilleton à rebondissement. Allez, un petit proverbe chinois pour conclure : « Si vous ne voulez pas qu’on le sache, mieux vaut encore ne pas le faire. »



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10 comments


  1. Marionnaud

    Jean Germain aurait une bonne façon de se dédouaner en portant plainte puisque l’on parle de détournement de fonds publics. La droite et n’importe quel contribuable de Tours peut d’ailleurs le faire! Il est en effet très bizarre qu’après la première affaire au lieu de licencier Lise Han et de lui réclamer de rembourser les sommes détournées on la reclasse dans une plus discrète structure … où elle a semblé t-il continué ses escroqueries. À qui fera t’on croire que Jean Germain, ancien professeur de droit, s’est fait abuser?

  2. CHIQUET

    Redresseur de torts ?

    Votre déroulé sent la théorie du complot.
    Donc si j’ai bien compris, les politiques orléanais ont toutes les vertus et ceux de Tours sont proche du grand banditisme.
    J’aimerai savoir en ce qui me concerne qui a payé leur hôpital beaucoup trop grand par rapport au taux d’occupation actuel.
    En ce qui concerne ce redresseur, il a faillit nous coûter cher lui aussi sur un projet récent et a menti on nous faisant croire qu’il n’y avait plus d’argent pour le finir.

  3. M. P.

    Deux remarques :

    1) Qui donc a porté plainte et déclénché l’action judiciaire ? Je ne me souviens avoir lu cette information dans la NR.

    2) Connaître la cause du déclenchement de cette affaire est révélateur. Sans l’existence très inhabituelle de ce « corbeau » redresseur de torts, nous n’aurions rien su. Il convient toutefois de relativiser l’affaire, les sommes concernées, presqu’un million d’euros, sont importantes mais bien moindre que tout l’argent brassé dans d’autres projets aux financements opaques. Souvenez-vous qu’on a jamais connu le montant des travaux de dévoiement des réseaux pour le tramway. 54 millions pour Orléans, alors qu’à Tours on est resté sur 2,5 millions d’euros, c’était ensuite trop difficile à chiffrer. Cela a permis de dire que le tramway de Tours était moins cher que celui d’Orléans, l’un des plus chers de France. De tels tours de passe-passe, notamment entre Tours et Tours Plus (le cumul des fonctions est bien pratique), sont monnaie courante, c’est une méthode habituelle et il est à craindre que cette affaire ne soit que le haut de la partie visible de l’iceberg. Nous avons besoin d’autres redresseurs de torts pour sortir de l’engourdissement malsain dans lequel nous sommes englués.

    • Christophe Gendry

      Le parquet peut se saisir d’une affaire sans qu’une plainte soit déposée. A notre connaissance, aucune partie civile ne s’est manifestée dans cette affaire.

      • M. P.

        Merci. Mais je suis surpris de cette pertinence de la magistrature face à un élu de haut rang. D’habitude, c’est plutôt le contraire, notamment pour l’affaire Charvet-Pellot discrètement passée aux oubliettes, sans même une justification (était-ce là aussi le parquet ?). N’y aurait-il pas de récentes nominations de magistrats qui expliqueraient cette inattendue diligence ?

        • Christophe Gendry

          La plainte déposée par Françoise Amiot, présidente de l’association TCSP 37 (qui soupçonnait un conflit d’intérêt) à l’encontre de Mme Charvet-Pello dans l’affaire du design de tramway de Tours a été classée sans suite par le tribunal administratif d’Orléans. Il est donc erroné d’affirmer que cet épisode qui avait fait polémique au conseil municipal de Tours est passé « discrètement aux oubliettes », puisque la justice avait examiné ce dossier. Sur un plan judiciaire, l’agence RCP a donc été lavée du soupçon de conflit d’intérêt.

          • M. P.

            Quand un tribunal classe une affaire, il fournit des explications, me semble-t-il. Là, il n’y a eu aucune justification, à ma connaissance, ou elle n’a pas été médiatisée (la plainte ayant été déposée par Françoise Amiot) Il est vrai que c’était le Tribunal Administratif (ce qui m’étonne d’ailleurs…), et que nous avons affaire là à une autre juridiction, davantage indépendante, semble-t-il.

            Sinon, c’est le procureur Philippe Varin qui a ouvert l’enquête, et il est depuis lontemps sur Tours. C’est lui et l’auteur de l’envoi anonyme qui ont réveillé une affaire sur le point d’être enterrée.

  4. CHIQUET

    Certaines rumeurs rapportent que nous assisterions à un règlement de compte politique faisant suite à quelques positions tenues par J. Germain et qui n’auraient pas plus ou au fait qu’il aurait écarté une personne d’un poste !
    Il se dit même que cela pourrait venir de son propre camp…

  5. Gérard Leroyer

    Les services financiers de la Ville de Tours font preuve d’un goût certain avec ce tampon à l’encadrement en barillet, alors que la facture est bien… carrée. Étonnant cependant que la forme soit aussi irrégulière.

    • Christophe Gendry

      Sur le document original la forme du tampon est bien régulière. Il s’agit d’une photographie du document et la feuille étant un peu gondolée, cela se traduit par un effet d’optique.
      Voilà l’explication.